La Poste va augmenter ses tarifs pour la presse de 23 à 38% d’ici cinq ans.
Un mauvais coup porté à des éditeurs déjà fragiles… mais également un très mauvais calcul pour l’entreprise publique.
Les hausses les plus importantes concerneront la presse de distraction ou récréative. De Télé 7 jours à Closer en passant par L’Ami des jardins, cette famille est dans le collimateur des pouvoirs publics. Exclus de la plupart des aides gouvernementales, ces titres se verront de surcroît appliquer une augmentation de l’affranchissement postale de 5% par an de 2017 à 2022. La presse de la connaissance et du savoir, en générale professionnelle, limite elle la casse à 3%. Seuls les journaux d’information politique et générale (IPG) tirent leur épingle du jeu avec une hausse de 1%. Parce qu’elle contribue au développement d’une opinion démocratique, l’IPG est désormais la seule forme de presse à être aidée par l’État.
Alors qu’en juin, la ministre de la communication, Fleur Pellerin avait évoqué une hausse limitée à l’inflation, la douche est glacée pour les éditeurs concernés. Des majors comme Lagardère (Elle), Prisma (Télé loisirs) ou encore Mondadori (Auto plus) verront leur facture postale automatiquement renchérie de plusieurs millions d’euros supplémentaires par an. Si le gouvernement justifie ces augmentations par un rattrapage nécessaire vis-à-vis de tarifs postaux plus ou moins gelés depuis des années, les groupes de médias concernés contestent évidemment cette version. Ils payeraient la gestion désastreuse de l’entreprise publique et ont d’ores et déjà prévu de riposter.
Au plan juridique, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, qui conduit la fronde, a l’intention de porter des recours tous azimuts, y compris devant la Cour de justice européenne. Autre réplique, commerciale cette fois, l’accélération du transfert des portefeuilles d’abonnés postaux vers le portage à domicile. Adapté avant tout aux quotidiens, ce mode d’acheminement ne représente que 2% des quantités en presse magazine. La marge de progression est donc très importante. La presse quotidienne régionale, qui est la seule à détenir localement les structures logistiques adéquates, devrait voir ses tournées de portage largement étoffées dans les années à venir. À condition qu’elle mette en face les moyens ad hoc.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’oukase gouvernemental. La Poste, soutenue à bras le corps par Bercy comme l’un des premiers employeurs français, devrait sortir affaiblie des joutes qui s’annoncent. Déjà considéré comme peu efficace, son service risque à terme d’être complètement délaissé par les éditeurs. À la clé, des pans entiers de chiffre d’affaires qui échapperont au service public.