Le parlement polonais adoptait le 31 décembre dernier une « petite loi sur les médias » en annonçant une grande loi de réforme des médias publics pour le printemps.
Cette « petite loi » a dans un premier temps permis à la nouvelle majorité conservatrice (PiS et petits partis alliés), issue des élections du 25 octobre, de remplacer les directeurs de la radio et de la télévision publiques et de donner aux médias publics un ton plus favorable au gouvernement et plus conservateur. Pour la suite, la seule grande promesse qui a été tenue à ce jour a consisté à créer un Conseil des médias nationaux (RMN) pour nommer et révoquer les directeurs des médias publics. Un RMN dominé par le PiS, bien entendu, puisqu’il compte trois membres nommés par la majorité parlementaire, un membre proposé par le plus gros parti d’opposition au parlement, le parti libéral-libertaire PO, et un membre proposé par le parti conservateur d’opposition Kukiz’15. Le mandat des membres du RMN dure 6 ans et ils ne peuvent pas être révoqués avant terme.
Parallèlement, le Conseil national de la radiophonie et de la télévision (KRRiT) qui était chargé avant la « petite loi » sur les médias de nommer la direction des médias publics, et qui est entre les mains des partis PO-PSL (les deux partis de la coalition gouvernementale précédente) et SLD (la gauche postcommuniste, qui n’est plus représentée au parlement depuis les dernières élections), conserve sa fonction d’autorité de surveillance des médias et est donc à ce titre l’équivalent du CSA français. Le mandat de ses membres, de 6 ans (mais qui peuvent être révoqués une fois par an), arrive à expiration cette année et la majorité PiS pourra donc bientôt avoir un KRRiT moins hostile.
Près de 8 mois après les changements à la tête de la radio et de la télévision publiques en Pologne, il est clair que ces médias ont une sensibilité beaucoup plus conservatrices qu’avant et qu’ils sont globalement favorables au gouvernement actuel. Pas de changement majeur de ce côté-là, donc, malgré les cris d’orfraie de la Commission européenne en janvier, puisque jusqu’en octobre 2015 la radio et la télévision étaient outrageusement pro-gouvernement et anti-opposition. La différence aujourd’hui, c’est que comme les deux grands groupes de télévision privés (TVN et Polsat) ont la fibre progressiste et européiste et qu’ils détestent cordialement le PiS, le paysage télévisuel bénéficie d’une diversité qui lui faisait cruellement défaut à l’époque des gouvernements PO-PSL dirigés par Donald Tusk puis par Ewa Kopacz.
Côté négatif, une des premières décisions du RNM a été de révoquer, début août, le président de la télévision publique (TVP) nommé en janvier, Jacek Kurski, avec effet immédiat, avant de reculer (sous la pression de Jarosław Kaczyński, dit-on) et de le révoquer avec effet au 15 octobre tout en organisant un concours, auquel Jacek Kurski peut bien entendu se présenter. Or les principaux reproches faits à Jacek Kurski sont en réalité de la responsabilité du PiS. Celui-ci semble en effet incapable de choisir clairement entre deux modèles : des médias publics fortement subventionnés qui exercent une mission de service public ou bien des médias publics qui se financent en grande partie par la publicité et qui cherchent à concurrencer les chaînes privés et à obtenir les meilleurs scores d’audience, comme c’était le cas jusqu’ici. C’est pourtant la première option qui avait été promise par le PiS à ses électeurs.
Une mesure essentielle à ce titre aurait été de rendre la redevance universelle, car en Pologne, même si elle est obligatoire pour tout détenteur d’un poste de radio ou de télévision, seule une frange de la population la paye. Pour le moment, le PiS n’a toutefois pas osé faire prélever la redevance sur le paiement des factures d’électricité, ce qui était une des solutions évoquées, et cette question essentielle semble être passée à la trappe. Dans ces conditions, la politique de Jacek Kurski qui, en rendant la télévision publique moins commerciale, lui a fait perdre des parts d’audience, pose des problèmes budgétaires puisque les revenus de la publicité diminuent, et la mise en cause, par le président de la télévision publique, de la fiabilité des méthodes de l’institut chargé de mesurer l’Audimat n’y change rien.
Face à l’hostilité des plus gros groupes médiatiques privés et aux tentatives d’ingérence de Bruxelles, la dernière chose dont les conservateurs polonais ont besoin est pourtant de se déchirer autour des médias publics, même si ce conflit et le flou décisionnel qui l’accompagne ne semblent pour le moment pas nuire au PiS dans les sondages.