Le Canard enchaîné, habitué à dévoiler des scandales, est lui-même depuis quelques semaines au cœur du grabuge. Depuis l’été 2022, le bipède est éclaboussé par une affaire d’emplois fictifs… Une enquête pour « abus de bien sociaux » et « recel » a même été ouverte. Depuis, l’ambiance se détériore dans la rédaction et celle-ci refuserait de transmettre le courrier des lecteurs aux journalistes. Ambiance.
La pénélope enchaînée
C’est un scandale dont se serait bien passé le Canard. Titre historique et réputé dans le paysage français, cette véritable machine à informations et à polémiques, réputée pour son sérieux, aurait les mêmes tares que certaines de ses cibles. En pointe dans l’affaire Pénélope Fillon dans le cadre du scandale d’emplois fictifs qui avait frappé la femme du candidat malheureux de la droite à la présidentielle, le journal se trouve aux prises avec une affaire semblable sur le dos.
Une journaliste inconnue de l’effectif, détentrice d’une carte de presse affiliée, a ainsi été débusquée par un membre de la rédaction, Christophe Nobili, qui en a écrit un livre : Cher Canard. L’information révélée au grand public par France Inter évoque l’emploi, inconnu de la vingtaine de journalistes du titre, d’une compagne d’un dessinateur historique du journal. Un emploi présumé fictif qui aurait duré quelques vingt années, au point que certains anciens collègues évoquent même une « magouille entre copains ».
Pas de courrier pour les canards
Paru début mars, le livre Cher Canard a vivement inquiété la direction qui entend désormais serrer la vis ! La Lettre A affirme même que les patrons refusent de transmettre le courrier des lecteurs aux journalistes. Apparemment secoués par cette affaire, les lecteurs n’ont pas apprécié l’affaire. Comme dit le dicton : « Quand le singe veut monter au cocotier, il faut qu’il ait les fesses propres » et ce scandale prouve que le Canard n’avait pas l’arrière-train bien propre.
Le conflit latent serait en partie dû au fameux conflit générationnel : une quinzaine de journalistes a demandé à la direction de transmettre à la rédaction tous les messages ayant traits au livre de Christophe Nobili. La demande de transmission du courrier concerne également un article des rédacteurs en chef Erik Emptaz et Jean-François Julliard qui avaient utilisé un tiers de la dernière page du journal pour qualifier leur confrère de « fourbe », l’accusant de « vouloir mettre à mal le journal pas tous les moyens », et demandant son départ de l’hebdomadaire. Une majorité de journalistes a répondu à cette lettre sous forme d’une réponse diffusée dans la rédaction et que Télérama a pu consulter. Ceux-ci exigent plus de transparence de la direction et réclament qu’il leur soit remis les courriers des lecteurs, ce à quoi le président du Canard, Michel Gaillard, et le directeur général délégué, Nicolas Brimo, ont répondu par la négative. Revenus à la charge mercredi 22 mars à l’occasion d’une conférence de rédaction par l’intermédiaire du journaliste David Fontaine, les Canards énervés n’ont toujours pas eu gain de cause.
Quand le Canard rit jaune
Réputé comme fiable, peu perméable à la crise de la presse en dépit de l’absence d’annonceurs, le Canard enchaîné va-t-il prendre l’eau ? La direction du journal semble vouloir tenir bon sur sa ligne de défense et prend soin de répondre à tous ses lecteurs en démentant tout détournement de fonds et abus de biens sociaux. Une réponse identique pour tous les courriers envoyés à ce sujet.
Quelle que soit la conclusion de cette vilaine petite affaire, l’image du titre en sortira entachée. En révélant le côté obscur du Canard, Christophe Nobili expose le journal à se voir pris à son propre piège.