Nouvelle passe d’armes entre le commissaire européen Thierry Breton et le patron de X, Elon Musk. Nos lecteurs sont désormais habitués à suivre les chroniques de l’opposition entre les deux hommes. Cette fois, ce sont les événements israélo-palestiniens qui ont fourni à Breton une nouvelle occasion de feindre d’avoir du pouvoir en montrant les muscles de la censure.
Les attaques du Hamas comme prétexte
Le mardi 10 octobre 2023, quelques jours après les attaques du Hamas en Israël, Thierry Breton soumet à l’attention de Musk la modération de son réseau social à ce sujet. Selon lui, de trop nombreuses images violentes, montrant les exactions commises par le Hamas, et trop de fausses informations circulent sur X, violant les règlements en vigueur. La réponse du patron de Tesla ? « Montrez-moi les abus dont vous parlez, et j’agirai ». L’échange a été accompagné par une lettre des autorités européennes à X, Facebook ou encore Instagram. Néanmoins, depuis son rachat du défunt oiseau bleu, c’est bien Musk qui est dans le viseur de Breton et ses compères.
Expression ouverte contre expression ligotée
Depuis sa prise de fonction, Musk a voulu faire de X un espace de liberté d’expression, une volonté qu’il réitère dans sa réponse à Thierry Breton, affirmant vouloir une « expression ouverte ». Déclenchée par l’actualité du conflit israélo-palestinien, cette passe d’armes a lieu quelques semaines après que Musk ait interrogé la légitimité de la condamnation en Suisse à deux mois de prison ferme – pour avoir insulté une journaliste de « grosses lesbienne » – d’Alain Soral.
Voir aussi : Grosse lesbienne = 60 jours de prison en Suisse
Citant un article mentionnant l’affaire, Musk a réagi en demandant : « est-ce la peine d’en faire un délit pénal ? ». Une réaction à contre-courant de la doxa. Ajoutons à cela le rétablissement d’un certain nombre de comptes autrefois bannis, phénomène qui inquiétait Le Monde en décembre 2022. Parmi eux, on retrouve notamment celui de Donald Trump. Ces différents changements semblent aller dans le sens d’une liberté qui n’est pas au goût de la commission européenne.
Breton fait de la politique fiction
Par ses tweets du 10 octobre, Breton a voulu faire de la politique de son propre aveu. Rappelons-nous que cet été, Thierry Breton avait déjà interpellé Musk à propos de l’application du Digital Service Act, qui oblige les réseaux à surveiller leurs contenus sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la censure totale. C’est dans la même veine que s’inscrit cet échange. Cependant, le DSA, qui est l’arme sur laquelle s’appuie Breton, est pour l’instant inopérant. En effet, celui-ci ne sera opérationnel que début 2024, lorsque les 27 états auront fourni un coordinateur DSA. D’ici là, tout ce que Breton peut faire, c’est donner des coups d’épée dans l’eau. Chose que n’ignore pas Musk en se permettant cette réponse où il feint d’ignorer ce que lui reproche Breton.
Musk entre conviction et intérêt économique
Deux visions de la liberté d’expression s’opposent. Cependant, la vision de Musk est-elle motivée seulement par conviction ou aussi par intérêt ? De plus en plus de rumeurs circulent concernant une éventuelle monétisation du réseau, par le biais d’un abonnement. Depuis son rachat, Musk a déjà fait un certain nombre de changements. Le plus emblématique est peut-être la formule Twitter Blue, qui rend payant le badge bleu de certification, ce dernier favorisant un certain poids au compte qui le possède. L’avenir de X est-il donc de devenir un lieu de liberté d’expression très large, mais dont la contrepartie serait de payer pour jouir de cette liberté ? Le prix de la liberté d’expression en quelque sorte, pour quelques euros par an ce ne serait pas trop cher payé.
ENCADRE https://www.ojim.fr/x‑ex-twitter-vers-labonnement-payant/