Avec This is not propaganda, l’essayiste Peter Pomerantsev revient sur « la guerre contre la réalité », une guerre qu’il considère à l’échelle mondiale. Petit voyage au cœur du type de livre qui parle de la « post-vérité » dans le monde anglophone.
En 2014, Rien n’est vrai, tout est possible, de Pomerantsev prétendait révéler au monde une Russie ressemblant toujours à Tintin au pays des Soviets sur le plan de la déréalisation. L’auteur revient sur le même sujet avec ce dernier essai, traquant la « post-vérité » partout dans le monde. Pour lui, la Russie n’est plus seulement l’Etat qui dés-informerait ou recréerait une réalité autre, par la diffusion d’infox ou la manipulation des réseaux sociaux, mais l’exemple que nombre de pays dans le monde voudraient suivre. Autrement dit, le danger n’a de cesse de s’accroître. C’est d’autant plus intéressant que le monde anglo-saxon s’interroge peu et se remet rarement en question quant à sa propre propension à émettre des infox.
Un tintin qui ne voit pas de l’autre côté du mur
Pomerantsev, c’est un nouveau Tintin reporter, en moins sympathique — il est allé de Mexico à Pékin en passant par Moscou, l’Ukraine ou Belgrade, mais il a oublié Washington, New York, Paris ou Londres. C’est d’une vaste enquête dont il s’agit. Que découvre-t-il ? Que les défenseurs de l’identité, partout dans le monde, ressemblent à des sortes de milices organisées comme des armées, ayant un certain nombre de points communs « d’extrême-droite » (refus de l’immigration de masse et de l’islamisation, défense de l’identité, de la liberté des peuples et des traditions spécifiques) dont le lecteur peine justement à saisir en quoi ils seraient d’extrême- droite.
Tous les chemins mènent à Moscou
Une fois son voyage terminé, Pomerantsev constate avec surprise (feinte) que tous les chemins mènent au Kremlin, sorte de Disneyland de la désinformation où se fabriquerait un « conte de fées » destiné à vendre un nouveau monde à des peuples crédules (tandis qu’ils avaient été éveillés à la mondialisation heureuse). Notons que l’auteur a occupé différents postes au service Monde de la BBC et à Radio Free Europe. Il coche donc presque toutes les cases de la légitimité et de la neutralité — des parents dissidents soviétiques, pourchassés par le KGB, déportés — et s’affirme du coup « nostalgique » de ce qu’il appelle « l’éthique de la précision et de l’impartialité » de ces médias où il oeuvrait à l’époque (personne ne rit dans le fond de la salle, s’il vous plaît). A ses yeux, la démocratie libérale est menacée, ce qui semble être devenu un mantra chez les tenants de ce système politique. C’est que Pomerantsev ne doute aucunement d’un point précis : aujourd’hui, il y a un lien entre désinformation et autocratie. Finalement, il a peut-être enquêté discrètement à Paris, mais sans le dire… Bientôt en Français dans votre grande-surface préférée ou mieux chez votre libraire.
Peter Pomerantsev, This Is Not Propaganda : Adventures in the War Against Reality, PublicAffairs, août 2019.