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Tout le monde n’est pas Charlie

14 janvier 2015

Temps de lecture : 4 minutes
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Tout le monde n’est pas Charlie

Temps de lecture : 4 minutes

Face au torrent émotionnel de compassion à l’égard des victimes de Charlie Hebdo, de petites voix dissonantes se sont élevées pour apporter, souvent, une salutaire nuance.

Non, tout le monde n’est pas Char­lie. La défense de la libre expres­sion et le respect du deuil des familles n’en­lèvent rien à une néces­saire réflex­ion plus en pro­fondeur. Dès le lende­main du drame, le site Le Brévi­aire des patri­otes dénonçait l’é­mo­tion­nel à out­rance et l’hypocrisie général­isée des « Char­lie » d’un jour. Expli­quant ne pas être en bon terme « avec les usurpa­teurs », l’au­teur de l’ar­ti­cle refu­sait « de tir­er une obscène épin­gle de ce jeu de tartufes comme le fait depuis ce midi tout le théâtre politi­co-médi­a­tique auquel se joint, comme à chaque fois que cela peut la dis­traire, la par­tie de la pop­u­lace qui aime l’odeur du sang et la com­pas­sion à peu de frais ».

Et celui-ci de met­tre en lumière le deux-poids-deux-mesures de la « lib­erté d’ex­pres­sion » entre les dessi­na­teurs de Char­lie Heb­do et l’hu­moriste Dieudon­né. L’hypocrisie est sur tous les fronts.

Un peu plus tard dans la journée, c’est Boule­vard Voltaire qui entrait dans la danse. Dans une tri­bune à con­te-courant, Gabrielle Cluzel refuse le total­i­tarisme de l’é­mo­tion, ne croy­ant pas et « qu’il faille se sen­tir obligé de répéter cette phrase toute faite comme une incan­ta­tion pour avoir le droit d’exprimer sa com­pas­sion, de plain­dre les vic­times et les familles, de dire son inquié­tude ». Rap­pelant qu’on oublie bien vite les deux policiers, égale­ment vic­times de cette fusil­lade, celle-ci ose con­fi­er (mal­heur!) qu’elle a « tou­jours détesté le con­tenu » de l’heb­do­madaire. Pire, elle « n’envisage pas de le pren­dre aujourd’hui à (s)on compte ».

Cette fois, la ligne du jour­nal est aus­si en ques­tion. « Je ne suis pas Char­lie parce que ce n’est pas insul­ter la mémoire des morts de dire que la ligne du jour­nal relève plus sou­vent de l’insulte que de l’humour… et que j’aime bien rire mais pas con­spuer, cho­quer, ni hum­i­li­er », explique-t-elle.

Le lende­main, dans une tri­bune pub­liée sur Le Figaro/Vox, le séna­teur belge Alain Des­tex­he dénonce le risque de « tyran­nie du silence » qu’en­gen­dr­erait la mise au tabou de toute cri­tique de l’is­lam rad­i­cal suite à ce drame. « Je me méfie de ces grands élans de com­pas­sion lors des grandes tragédies. Aptes à canalis­er la tristesse et l’é­mo­tion générale, ils risquent aus­si de mas­quer l’essen­tiel », écrit-il, craig­nant de voir la chas­se aux « amal­games » et à l’« islam­o­pho­bie » empêch­er toute cri­tique de l’is­lam rad­i­cal, voire de l’is­lam tout court.

Enfin, par­mi d’autres voix dis­so­nantes, la démo­graphe Michèle Trib­al­at dénonçait ce dimanche, dans un tout autre reg­istre, l’hypocrisie de cer­taines asso­ci­a­tions, défen­dant aujour­d’hui la lib­erté d’ex­pres­sion d’un Char­lie Heb­do qu’elles voulaient réduire au silence hier. Pour com­mencer, celle-ci estime que « la presse pour­rait légitime­ment arbor­er ce slo­gan si, de con­cert, elle repub­li­ait l’ensem­ble des car­i­ca­tures qui a valu la mort à ces valeureux caricaturistes ».

Et de dénon­cer la posi­tion du MRAP qui, le 11 févri­er 2006, inten­tait un procès à France Soir pour avoir repro­duit les car­i­ca­tures de Mahomet. L’as­so­ci­a­tion par­lait alors de « détourne­ment raciste de la lib­erté d’ex­pres­sion ». N’est-ce pas pour ce même « détourne­ment » que 10 dessi­na­teurs de Char­lie Heb­do, soutenus aujour­d’hui par le MRAP, ont été assas­s­inés ? « Com­bi­en de poli­tiques qui n’ont aujour­d’hui que la lib­erté d’ex­pres­sion à la bouche, ont, lors de la pub­li­ca­tion des car­i­ca­tures danois­es, soutenu la lib­erté d’ex­pres­sion sans restric­tion, sans invo­quer l’e­sprit de respon­s­abil­ité, de mesure, de respect, le car­ac­tère inop­por­tun ou provo­ca­teur des dessins ? », ajoute la démographe.

Que ce soit pour dénon­cer l’hypocrisie générale, la dic­tature émo­tion­nelle, l’ir­re­spon­s­abil­ité de la ligne de Char­lie Heb­do ou tout sim­ple­ment son rejet idéologique, l’heb­do­madaire est loin de faire l’u­na­nim­ité totale mal­gré l’at­taque trag­ique qu’il a subit.

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