Nos lecteurs ont pu découvrir l’histoire incroyable de Paul-Emmanuel Thore et des « néo-nazis » de Châteauroux. Dans ce premier article, nous avions analysé le naufrage déontologique du quotidien local La Nouvelle République et de quelques autres. Accusé à tort d’être néo-nazi par le quotidien local puis disculpé par la justice, Monsieur Thore a vu sa vie anéantie. Aujourd’hui, nous donnons la parole à Paul-Emmanuel Thore, principal accusé dans la « non-affaire » de 2004, sur sa réputation détruite par la presse et les drames qui en découlent…
En 2004, lors de l’éclatement de la « non-affaire », votre nom complet a immédiatement été jeté en pâture par La Nouvelle République, quelles ont été les conséquences immédiates pour vous ? Pour votre réputation ? Pour votre vie à Châteauroux ?
Quand ils ont lancé mon nom, j’étais en prison depuis une semaine. Mon épouse a été submergée de sollicitations, tous les médias (locaux et nationaux) sont venus taper au carreau. Au niveau du harcèlement, le Berry Républicain a bien rempli sa fonction, ils ont diffusé des photos de mon bar-restaurant, qui a par la suite été tagué par l’extrême gauche. En prison, à la suite des articles de la Nouvelle République, les surveillants m’ont immédiatement transféré en isolement pendant deux semaines. C’était dur psychologiquement…Finalement je suis envoyé dans la prison de Bourges, je ne pouvais rien faire à cause de ma nouvelle réputation médiatique : pas de promenade, pas de salle de sport, rien ! C’était trop dangereux de me mettre avec les autres détenus.
D’ailleurs, la prison m’a mis avec les « pointeurs » et les mineurs, les deux types de détenus qui ne sont pas avec les autres pour raison de sécurité… toute la prison savait pourquoi j’étais là ! Comme à Châteauroux, je ne pouvais pas aller en sport ou faire des choses qui m’auraient mis au contact des détenus de droit commun. Malgré ça, j’ai quand même été menacé plusieurs fois par des prisonniers africains, mais le pire était mes relations avec certains matons. Un jour, un gardien, je n’ai jamais su lequel, a fait exprès d’ouvrir la porte de ma cellule pendant que toute la prison partait en promenade. Le but était que je me fasse lyncher, ce qui a failli arriver : j’ai bloqué la porte comme je pouvais, pendant que quarante types derrière essayaient de rentrer pour me tabasser ; mes cris ont fini par attirer d’autres gardiens, ce qui a réglé le problème…
Le nom de votre père, ainsi que celui de votre mère, ont également été rapidement dévoilés…
Oui, ils ont perdu des amis et mon père a certainement perdu quelques clients, sans toutefois mettre son commerce en péril. Vous savez, ils sont implantés depuis longtemps, beaucoup de gens les connaissaient de façon positive… dans les relations directes, l’influence médiatique a moins de pouvoir !
Vous avez dit, lors du dernier procès, qu’à cause de votre nom diffusé partout par les journaux, vous n’aviez pas pu trouver un CDI en 20 ans. Il y a eu d’autres conséquences sur le moyen et long terme ? Et aujourd’hui ?
Ça m’a détruit au niveau professionnel ! Les seules activités salariées que j’ai pu avoir en dix-sept ans, c’est tout en bas de l’échelle où le recruteur ne regarde même pas qui est qui. Quand je suis sorti de prison, j’ai été livreur en messagerie, embouteilleur de vin, et plein d’autres petits boulots. C’est plutôt démoralisant, surtout quand auparavant vous étiez gérant avec des salariés ; que vous avez fait un peu d’études supérieures, mais que vous êtes complètement bloqué à cause de votre réputation. Même quand je travaille à mon compte, je perds souvent des clients.
Pour ne rien vous cacher, je fais actuellement de la gestion de bien, il y a deux mois à peine je devais acheter un terrain ; tout était finalisé avec le client, quand d’un coup il refuse la transaction. Je l’appelle, et il me dit clairement qu’il s’est « renseigné » sur moi et que, finalement, il refuse l’affaire. Même le fait d’avoir été relaxé par la justice ne change rien de ce côté-là, le mal est fait et ma réputation médiatique est éternelle ! Pour mes premiers échanges professionnels, je devais toujours prendre un faux-nom, et je devrai certainement continuer à le faire…
Vous avez été un élu local, la presse n’a pas chercher à vous salir quand vous vous êtes présenté ? Je dis cela, car lors des élections de 2020, le journaliste Bertrand Slézak a sciemment rappelé votre « passé » au sein d’un soi-disant groupe « Néo Nazi »…
Dès qu’ils (les journalistes locaux) ont su que j’étais sur une liste, même si je ne m’étais pas mis en avant, ma colistière a reçu des demandes d’informations de Bertrand Slézak. Bizarrement, ça a fuité très rapidement… le jour même, en fait, de notre dépôt de liste en préfecture. D’habitude, les noms ne sont rendus public que lorsque les dépôts sont terminés, mais je pense que la Nouvelle République a reçu un coup de téléphone de François Jolivet, actuellement député LREM, qui était à l’époque le maire sortant…
Quelles sont vos relations avec les journalistes qui ont couvert la « non-affaire » ? Certains travaillent toujours à La Nouvelle République, je pense notamment à Bruno Mascle et Bertrand Slézak…
Slézak avait déjà fait des articles sur moi aux alentours de 2014, quand j’avais occupé un château à l’abandon pour le restaurer. Il tombait complètement en ruine, c’était une vraie catastrophe ! Les propriétaires étaient des Hollandais qui faisaient exprès de le laisser dans cet état pour une histoire d’optimisation fiscale. Leur société n’existait plus, au regard de la loi française, le château était un « bien sans maître ». Cette même loi française prévoit que quelqu’un s’occupant d’un « bien sans maître » pour le restaurer, peut en devenir le propriétaire au bout d’un certain nombre d’années. Nous étions donc en parfaite légalité ! Évidemment, mon nom aidant, La Nouvelle République ainsi que toute la presse locale (Radio, TV etc…) débarquent sur le chantier pour voir ce que je trafique. Je rencontre Slézak, contrairement à d’autres journalistes, ses articles étaient plutôt justes sur la situation du château et sur mon projet.
Cependant, à chaque fois, il ne pouvait pas s’empêcher de rappeler mon « sulfureux » passé, il y avait toujours un astérisque à la fin pour parler de 2004 et des « néo-nazis » de Châteauroux. En 2020, je le retrouve pour les élections, il parle de ma candidature en s’efforçant de toujours mettre en valeur mon « passé d’ultra droite ». En 2019, j’ai eu un non-lieu partiel qui m’innocentait… pourtant aux sénatoriales de 2020, Slézak modifie son habituel astérisque de bas-de-page, il écrit que j’ai été innocenté, mais il laisse entendre que c’est dû au laxisme de la justice ! C’est un mensonge par omission ! Je l’ai forcé à diffuser mon droit de réponse, et je l’ai aussi trainé au tribunal, j’ai gagné le procès ! Avant il voulait que nous ayons des rapports « professionnels et cordiaux », depuis il ne me rappelle plus (rires). Pour Mascle, son dernier article sur moi, en 2014, était un torchon complet ! Il mentait délibérément en m’accusant d’avoir détourné un cours d’eau pour alimenter le château. J’avais déboulé à la Nouvelle République pour le voir en quatre yeux, ça c’était plutôt mal passé…
Le mot de la fin ?
Maintenant que les journalistes savent que je peux les mettre au tribunal ils sont plus tranquilles ! Mais le problème reste entier : le tribunal médiatique est perpétuel ! Toute ma vie je paierai ma réputation que m’a fait la presse, dans mes relations sociales, surtout professionnelles. Vous savez, quand on dit de vous que vous êtes un « nazi », vous êtes entièrement déshumanisé, on peut tout dire de vous, tout faire de vous, car vous représentez le mal absolu.