Jeudi 18 janvier, 1200 « poétesses, poètes, éditrices et éditeurs, libraires, actrices et acteurs » du petit monde de la culture s’insurgeaient dans une tribune contre la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des poètes 2024. Les messages de soutien en faveur de l’écrivain ont rapidement dépassé la tentative d’intimidation culturelle.
Première diffusion le 24 janvier 2024
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.
Le quotidien de Drahi/Křetínský n’aime pas Tesson
C’est dans une tribune publiée dans le quotidien Libération qu’un aréopage de personnalités du petit monde culturel parisien s’est ému de la nomination de Sylvain Tesson pour cet évènement culturel peu connu du grand public. En cause, l’auteur et aventurier serait une « icône réactionnaire » et une « figure de proue de l’extrême droite littéraire ». Une mise en abîme de la tribune plante le décor : « la fin de l’année 2023 a signé le glissement du second mandat d’Emmanuel Macron […] vers un projet politique plus que jamais proche de l’extrême droite ». Et de citer la loi immigration récemment voté à l’Assemblée nationale…
Un Camp des Saints mal considéré
Est reproché essentiellement à Sylvain Tesson de sortir des sentiers battus de la gauche culturelle française. Ainsi, l’écrivain s’était-il prêté à un entretien dans la revue Éléments en avril 2018 et avait préfacé un ouvrage de Jean Raspail, auteur du livre Le Camp des saints, roman dystopique décrivant une Europe submergée par l’immigration.
Un entre-soi pas franchement populaire
Si peu de gens connaissent le Printemps des poètes, encore moins nombreux sont ceux qui connaissent les signataires de la tribune. Parmi les plus connus se trouvent ainsi la militante queer et « afroféministe » Douce Dibondo, Chloé Delaume écrivain membre du « parlement de la Nupes » ou encore le médecin généraliste et auteur Baptiste Beaulieu, très impliqué dans la lutte contre l’homophobie.
La première signataire visible sous la tribune est Élodie Petit, auteur de Fiévreuse plébéienne, un ouvrage qui fait la part belle à un langage pas vraiment tout public comme l’a souligné l’avocat Henri de Beauregard sur X.
Un raz-de-marée de soutiens pour Sylvain Tesson
Créant une polémique de toute pièce, le journal Libération a finalement fait une publicité de choix pour le Printemps des poètes comme pour Sylvain Tesson. Le Point a ainsi publié une tribune de soutien à Sylvain Tesson à l’initiative du philosophe Daniel Salvatore Schiffer. Parmi les signataires on pouvait retrouver Pascal Bruckner et Luc Ferry ou encore Michel Maffesoli. Le Figaro s’est aussi montré en soutien à l’auteur avec un billet d’humeur de Jean-Christophe Buisson « Pétition contre Sylvain Tesson : le prince des poètes au pays des médiocres » et une tribune de l’écrivain Patrice Jean intitulée : « Les pétitionnaires savent-ils que Baudelaire était plus réactionnaire que Tesson ? ».
Sur BreizhInfo, Xavier Eman membre de la rédaction d’Éléments, définit les pétitionnaires, « parfaits schizophrènes, ils s’affirment libertaires mais n’ont de cesse que d’interdire, proscrire, écarter, dresser des listes de suspects, dénoncer les mal-pensants ».
Voir aussi : Libération, enfant chéri du capital…
Côté politique, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire (celui qui s’essaie à la « littérature » à ses heures perdues dans un registre dans lequel on ne l’attendait pas nécessairement) s’est fendu d’un message de soutien. Le nouveau ministre de la Culture Rachida Dati a aussi tenu à soutenir l’auteur. Plus étonnant encore, le créateur du Printemps des poètes, l’ancien ministre Jack Lang, s’est dit indigné « contre la campagne imbécile menée à l’égard de Sylvain Tesson » et d’ajouter : « un tel crétinisme est une insulte à la poésie qui, par excellence, est libre et sans frontières. ».
Libé botte en touche
Trois jours après la publication de sa tribune, Libération a finalement produit une autre tribune dans laquelle un critique répondant au nom de Rodolphe Perez « questionne […] le principe d’un parrainage : un autocollant marketing parmi d’autres, dit-il, dont les poètes se passeraient bien ». Une manière de sortir de la polémique en s’en prenant à l’objet même du parrainage censé donner une certaine publicité à un petit monde décidément bien étriqué.
Signe d’un certain « élitisme culturel » de l’entre-soi, la tribune du Point est en libre accès, celles de Libé sont payantes.