Si Trump est bien élu et demeure populaire il n’a pas encore réussi son OPA hostile sur le pays et en particulier ses élites et les médias. Reprenons.
Le Vice-président Pence l’a dit le 23 février : « Avec la victoire de Trump, il ne s’agit pas du gouvernement de l’élite, par les médias, pour l’establishment… mais de celui du peuple, par le peuple pour le peuple ». Le match ne fait que commencer. D’un côté, l’homme du « nationalisme économique », de l’autre une « grande coalition globaliste » droite-gauche, intensément active, encore furieuse de l’échec des Clinton, mais dont le plan pour l’impeachment de Trump se déroule par étapes.
Dans la première phase (suivant l’élection) les médias ont resservi les arguments de la campagne électorale : Trump n’est pas sérieux, il n’est pas éduqué, il n’est pas compétent, il est Mussolini ressuscité, ses cellules grises dégénèrent sous l’attaque de maladies vénériennes contactées dans sa folle jeunesse, c’est un suppôt de Poutine, etc.
La deuxième phase, celle de la contre-révolution, a pour objet d’empêcher Trump de réussir en deux ans le redressement économique, devenir populaire, et transformer le pays selon ses vœux. Ce que Reagan avait pu faire, dans un autre cadre idéologique. Or, on constate déjà l’immense effet boursier produit par l’élection de Trump : dopé par l’espoir de réformes fiscales comme de grands travaux d’infrastructures, le pays connait une croissance phénoménale des indices boursiers (consécutivement la plus longue depuis 1992), avec plus de trois mille milliards de dollars de plus-value. Et le dernier sondage du Wall Street Journal montre que davantage d’américains voient l’avenir avec espoir.
Le « Deep State » contre Trump
Les médias ignorent délibérément ces faits, pour se concentrer sur la distribution des messages émis par le « Deep State », principal grossiste en désinformation (le terme, inventé par Glenn Greenwald, et vulgarisé par Breibart News, désigne le monde non-élu du renseignement, comme celui de la bureaucratie, qui alimente les médias en « révélations »). Il ne s’agit plus à ce stade de montrer que Trump est moralement dépravé, mais de le camper en traître potentiel.
Ainsi, au 2 février, le site The Federalist avait dentifié seize manœuvres « classiques », assises sur de vrais mensonges massivement cliqués et recliqués. Érosion… Mais les « fake news » ont évolué depuis, passant de la partisannerie à la déstabilisation gouvernementale ou constitutionnelle… Les fuites, d’une intensité sans précédent, seraient passibles de poursuites, selon Politico. Elles ont deux effets : D’abord rappeler aux homologues étrangers de Trump son incapacité à préserver la confidentialité de leurs discussions diplomatiques, donc son incompétence. Ensuite, « nixoniser » le président en le rendant paranoïaque…
On atteint maintenant la troisième phase, qui consiste à changer la Constitution sans le dire. Deux objectifs : rogner juridiquement les pouvoirs présidentiels (espérant en final déposer Trump)… et mettre en place un « shadow cabinet » qui se greffera sur un ministère déjà composé des représentants du complexe militaro industriel. Transition en souplesse…
Première manche à l’Etat profond
Ici, la contre-révolution du Deep State a marqué des points majeurs.
D’abord en éjectant le conseiller pour la sécurité nationale Flynn, grâce à des fuites sur ses conversations, avant sa prise de fonction officielle, avec l’ambassadeur russe… Flynn était en effet l’ennemi numéro un : russophile, issu lui-même du renseignement militaire, il travaillait de surcroît sur un plan de mise au pas des services de renseignement. Il a donc été sorti. Étape strictement intérimaire, selon le conservateur Patrick Buchanan, Trump étant la cible d’un coup d’état rampant. En attendant, ce dernier est encerclé par des conseillers militaires exclusivement anti-russes…
Une deuxième « catastrophe » a décrédibilisé Trump : le gel par des « petits juges » de son ordonnance sur l’interruption temporaire de l’immigration en provenance de sept pays du Proche-Orient… ce qui a des répercussions constitutionnelles considérables : non seulement quant à l’autonomie de la fonction présidentielle en matière de sécurité nationale et internationale, mais aussi sur l’extension inattendue et inédite des protections de la constitution américaine aux étrangers non-résidents. Trump prépare donc un nouveau décret… déjà freiné par une nouvelle fuite portant sur un document produit par un « analyste » du Homeland Security qui semble invalider la raison d’être géographique du décret, ce qui va rouvrir la contestation judiciaire…
Cabinet fantôme
Restait à mettre en place le « Shadow Cabinet », animé par les sénateurs républicains McCain et Graham. Ainsi, pendant que Trump envoyait ses ministres à la Conférence de Munich afin de poliment admonester Lavrov, McCain s’y rendait aussi, en commissaire politique, pour insulter (sans le citer) son président sur un sol étranger. Puis McCain est allé, sans prévenir, semer ses graines en Syrie, comme il l’avait fait un mois auparavant dans les pays baltes. Graham, de son côté, a régulièrement médiatisé l’actuelle enquête parlementaire sur les ingérences russes dans l’élection de Trump. CNN a invité le couple d’électrons libres le 1er mars pour une émission en public d’une heure, qui aura lieu… le lendemain du discours général du Président Trump aux deux chambres parlementaires réunies en congrès.
Au milieu du gué ?
Trump semble cependant remonter la pente.
Il a repris le dossier médias en main, suite aux cafouillages naïfs de son équipe. Après avoir humilié avec mesquinerie les grands médias en les ostracisant, il est passé au grand style en tenant une conférence de presse surprise le 17 février, dans laquelle il a pris les questions des médias hostiles, tout en les laminant. Un tour de force qui a rassuré sa base…
Le lendemain il s’est rendu en Floride afin de désigner officiellement comme ennemi du peuple, devant 10 000 supporters, son « opposition » (les médias menteurs)… tout en rappelant les échéances de son programme. Une manifestation de force qui rappelle à l’ordre des républicains du Congrès tentés de le saboter …
Puis, dans son discours du 24 février, il a repris le contrôle du lobby conservateur du puissant CPAC (Conservative Political Action Conference), tout en démolissant les médias, ce qu’avait fait la veille son conseiller stratégique, Steve Bannon, qui expliquait : « nous avons trois objectifs : la souveraineté… le nationalisme économique… et enfin la déconstruction de l’état administratif… Les grands médias, globalistes corporatifs, représentent l’opposition… ils haïssent nos idées… si vous imaginez qu’ils vont vous rendre aisément votre pays… vous vous trompez ! la guerre va s’intensifier, justement parce que nous tenons nos promesses.»
Les médias et l’effet boomerang
Il en résulte que la plupart des sondages considèrent maintenant que les médias, trop durs avec Trump, sont synonymes de « fake news ». Trump a certes récemment perdu des pions au profit des bellicistes mais il a réussi sa diabolisation des médias… qui commencent à avoir physiquement peur de lui. Ou qui perdent contrôle, comme Mika Brzezinski qui reproche, micros ouverts, à Trump de voler à la presse son travail : celui de contrôler ce que les gens pensent.
Trump, optant pour la ligne dure, semble vouloir se contenter de sa base électorale. Ici, la commentatrice conservatrice Scottie Nell Hughes apporte le même jour une précision importante sur RT America : «On ne sait pas si Trump se représentera [en 2020]… Hors de tout stéréotype politicien, Trump se focalise uniquement sur la réalisation immédiate de ses promesses, pas sur une compétition électorale en vue de se faire réélire. Aussi la popularité, les sondages, ne sont pas son problème. C’est toute la différence… »
Quand l’État profond contre-attaque
Cela suffira-t-il ? Le 28 février le Président a cru triompher lors de son discours devant les deux chambres réunies en congrès, l’ensemble des médias concluant comme CNN que ce jour là Trump était « devenu » président. C’était sans compter la cérémonie du lendemain, organisée par Dana Bash (toujours CNN) en l’honneur des ennemis jurés de Trump, les sénateurs républicains McCain et Graham, lesquels ont servi de locomotive à écoute et amplification pour que Bash puisse livrer la « fuite » du Washington Post sur les liens du ministre de la justice, Jeff Sessions avec l’ambassadeur russe. L’affaire, reprise en boucle dans les 48 heures suivantes, se complète d’autres « fuites » sur les mêmes relations supposées coupables entretenues par le gendre de Trump avec le même ambassadeur.
Les démocrates demandent maintenant la tête de Sessions, dernier homme-lige et soutien des premiers jours de Trump, ouvertement favorable à une détente avec Poutine, une politique forte sur les questions migratoires et… l’élimination des migrants illégaux des les listes électorales.
Crédit photo : Gage Skidmore via Wikimedia (cc)