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Trump et les autres, sur Twitter une liberté d’expression de plus en plus surveillée

11 janvier 2021

Temps de lecture : 6 minutes
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Trump et les autres, sur Twitter une liberté d’expression de plus en plus surveillée

Temps de lecture : 6 minutes

La récente suspension du compte Twitter de Donald Trump a fait grand bruit. Mais elle ne doit pas faire oublier la politique de contrôle du réseau social américain. Si l’on peut se réjouir que Twitter permette des échanges gratuits sur le net entre utilisateurs sans passer par le filtre d’autres médias, l’ascendant du réseau social sur le marché du microblogging va de pair avec une censure parfois totalement arbitraire de comptes d’utilisateurs. De récents exemples l’illustrent de façon éclatante.

Un acteur central du microblogging

Avec 340 mil­lions d’utilisateurs act­ifs, Twit­ter est en posi­tion dom­i­nante sur le marché du microblog­ging. Les con­ver­sa­tions sur le réseau social ne se lim­i­tent pas aux par­ti­c­uliers : de nom­breux chefs d’État, des min­istères, des ser­vices publics, des entre­pris­es s’expriment égale­ment sur Twit­ter. A tel point que le réseau social est devenu incon­tourn­able et qu’en être exclu prive l’utilisateur de la pos­si­bil­ité d’être en con­tact rapi­de avec de nom­breux abon­nés glanés au fil du temps.

Les conditions réelles d’utilisation de Twitter versus les valeurs de l’entreprise

L’entreprise améri­caine affiche sur son site un vibrant plaidoy­er pour la lib­erté d’expression :

« Nous défendons la lib­erté d’ex­pres­sion et la pro­tec­tion de l’in­tégrité de la con­ver­sa­tion publique à tra­vers le monde ».

Mais cette posi­tion va égale­ment de pair avec cer­taines restrictions :

« Notre objec­tif est de favoris­er un envi­ron­nement prop­ice à une con­ver­sa­tion saine et per­ti­nente sur Twit­ter, et de lut­ter con­tre les men­aces que représen­tent les inter­venants étrangers et nationaux hos­tiles ».

Il faut une bonne dose de courage pour arriv­er à con­naitre les lim­ites que fixe Twit­ter à la lib­erté d’expression sur le réseau social. Les con­di­tions d’utilisation sont com­plétées par des règles et poli­tiques de Twit­ter. Que celui qui les a lues jusqu’au bout lève le doigt.

En cas de sus­pen­sion ou de ver­rouil­lage d’un compte, l’abonné peut faire une récla­ma­tion via un for­mu­laire en ligne. Mais alors que l’administration a depuis quelque temps adop­té en France le principe du « silence vaut accord » qui vaut accep­ta­tion tacite de la demande à défaut de réponse, le réseau social peut ne pas répon­dre aux requérants et con­tin­uer à sus­pendre voire fer­mer le compte sans justification.

Une longue liste de censure et de vexations

Au ray­on vex­a­tions, Twit­ter mar­que cer­tains comptes du sceau « affil­ié à un État. Russie » ou « « affil­ié à un État. Chine ». Les médias fran­coph­o­nes les plus con­nus à être « mar­qués » de la sorte sont RT France et Sput­niknews, qui ont pour­tant depuis leur présence en France con­tribué à une plus grande plu­ral­ité dans la cou­ver­ture de l’information. Libéra­tion a cher­ché à con­naitre les raisons de ce mar­quage : il serait dû à la main­mise de cer­tains États sur le con­tenu éditorial.

Quelle est la grille d’analyse de Twit­ter pour qual­i­fi­er un con­tenu comme étant influ­encé par l’État qui finance le média ? Pour quelle rai­son France Inter financé par l’État français, AJ+ (Al jazeera) financé par le Qatar, ne sont-ils pas ciblés par ce label ? C’est ce que l’on appelle le fait du prince, ou les affinités électives.

Opac­ité tou­jours pour le label depuis sep­tem­bre 2020 « affil­ié à un État. Russie » du compte Twit­ter du jour­nal d’information euroscep­tique Rup­tures. En dépit des nom­breuses démarch­es de la rédac­tion du jour­nal décrites dans un arti­cle, la firme améri­caine n’a aucune­ment jus­ti­fié ce label. Au con­traire, par un éton­nant ren­verse­ment accusatoire, elle demande au jour­nal de jus­ti­fi­er des élé­ments qui pour­raient la faire chang­er d’avis ! Est-ce parce que le rédac­teur en chef a tra­vail­lé au jour­nal com­mu­niste l’Humanité ? Est-ce parce que l’euroscepticisme est un délit sur Twit­ter ? Mystère.

La censure

Les exem­ples de cen­sure ou d’« encadrement » de la lib­erté d’expression sur Twit­ter sont nom­breux. Pour n’en citer que quelques-uns :

En décem­bre, la plate­forme demandait selon Le Figaro à ses util­isa­teurs de retir­er les Tweets remet­tant en cause l’intérêt de se faire vac­cin­er. A par­tir de quel moment un Tweet remet-il en cause cet intérêt à se faire vac­cin­er ? Le réseau social per­met-il d’émettre une cri­tique sur les vac­cins disponibles, d’avoir des doutes sur leur innocuité ? La con­fronta­tion des idées est-elle tout sim­ple­ment pos­si­ble à ce sujet ?

Des comptes supprimés à foison

Les sus­pen­sion ou sup­pres­sions de comptes Twit­ter, par­fois sans jus­ti­fi­ca­tion ou avec des ter­mes telle­ment généraux qu’ils sont incom­préhen­si­bles, sont nombreuses.

En févri­er 2020, l’édition belge du jour­nal économique Les Échos nous infor­mait qu’un compte Twit­ter admin­istré par des ana­lystes financiers, comp­tant près de 670 000 « fol­low­ers » avait été sup­primé, au motif de la vio­la­tion des règles de bonne con­duite, en l’espèce avoir pub­lié un mes­sage rela­tant l’im­pli­ca­tion d’un sci­en­tifique dans l’é­clo­sion du coro­n­avirus. Cha­cun appréciera…

Au cours du pre­mier semes­tre, ce sont dif­férents comptes de mem­bres de Généra­tion iden­ti­taire qui sont cen­surés les uns après les autres.

En novem­bre 2020, Robert Ménard annonce sur Twit­ter que le compte de son épouse a été sus­pendu pour avoir dit que le ter­ror­iste de Nice ayant tué 3 per­son­nes dans une basilique était un migrant.

L’Observatoire du jour­nal­isme a fait la triste expéri­ence le 19 octo­bre 2020 de la sus­pen­sion de son compte et a dû faire inter­venir un avo­cat pour per­me­t­tre de garder le lien sur le réseau social avec ses  6 500 d’abonnés.

Pas de cen­sure par con­tre pour le Hash­tag anti­sémite « sije­taisun­juif » très bien placé en juin sur le réseau social. Et nous n’aurons pas l’outrecuidance de par­ler des nom­breux démêlés de Don­ald Trump et de con­ser­va­teurs améri­cains avec le réseau social, qui ont amené cer­tains d’entre eux à migr­er sur le réseau Par­ler, égale­ment dans le viseur de Google et d’Apple…

Et tous ces événe­ments, il con­vient de la pré­cis­er, c’était avant que des sosies de Davy Crock­ett, Jamiro­quai et Bat­man pénètrent par effrac­tion dans la Capi­tole. Ce qui a valu quelques pho­tos assez sur­réal­istes en ce début d’année 2021… Orwell, reviens, ils sont devenus fous !

Pour aller plus loin sur la censure sélective de Twitter

  • Un arti­cle de la revue Élé­ments dont l’auteur, François Bous­quet, a été con­cerné par la sup­pres­sion du compte de la Nou­velle Librairie à Paris,
  • Le livre d’Anne-Sophie Chaz­a­ud « Lib­erté d’inexpression » (Edi­tions l’Artilleur).

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