On ne présente plus le milliardaire haut en couleurs qui brigue le siège de la Maison Blanche. Donald Trump a créé l’entreprise Trump Media & Technology Group (TMTG) en 2021, qui a été introduite en bourse en mars 2024, valorisée à 9,5 milliards de dollars, Donald Trump détenant 58% du capital. Pour le moment TMTG peine encore à prendre une vitesse de croisière.
TMTG, dernière chance économique de Trump ?
Tout avait pourtant bien commencé. Le 26 mars, les actions de TMTG dépassaient les 65 dollars, soit une augmentation de plus de 34%. L’entrée au Nasdaq, la bourse de New York, semblait réussie. La nouvelle était plus que bonne pour Donald Trump, qui comptait sur les crédits apportés par cette valorisation pour payer les amendes qui lui ont été infligées. La semaine précédente, il avait ainsi admis qu’il lui serait difficile de réunir les 454 millions de dollars demandés comme une garantie pour suspendre un jugement au civil qui le condamnait pour fraudes financières dans le cadre de ses biens immobiliers. Pour sauver son patrimoine, Donald Trump avait donc déposé une caution de 175 millions de dollars pour pouvoir faire appel.
Les médias jouent ici un rôle financier bien plus qu’informatif. Il ne s’agit pas uniquement pour Donald Trump de défendre la vérité, pour reprendre en substance ces termes, mais aussi de trouver des fonds qui lui font défaut. La campagne présidentielle approche, et avec elle les nombreux meetings et autres opérations de communication dont le succès se mesure souvent au budget. Donald Trump, poursuivis par de nombreux juges pour des raisons légitimes ou purement politiques, doit également solder ses amendes ou gagner ses procès pour être crédible. Son entreprise TMTG et la réussite de son introduction en bourse sont donc absolument primordiales.
Une entrée en bourse en fanfare
Or, justement, l’entrée spectaculaire en bourse de TMTG avait fait virtuellement gagner à Donald Trump plus de six milliards de dollars, grâce à ses presque quatre-vingts millions d’actions. Malheureusement, il existe ce que l’on appelle la période de verrouillage, ou lock-up : pendant six mois, il ne peut pas vendre ses actions, même si elles peuvent être cédées à la justice en matière de garantie. Encore faut-il que cette dernière les accepte. Une option peu probable étant donné le désir de certains juges américains démocrates de saborder la campagne de Donald Trump et surtout la volatilité de l’action. Ainsi, les six milliards espérés après l’introduction en fanfare de la fin du mois de mars n’en représentaient plus, au début de la semaine suivante, que moins de quatre.
Six mois à compter de l’introduction en bourse, on aura noté que cela repousse l’échéance à septembre, soit après les primaires, mais juste avant l’élection elle-même. Si les Républicains peuvent peut-être choisir Trump malgré ses procès, il n’en va pas forcément de même pour l’ensemble des Américains. L’enjeu est donc pour Donald Trump de sécuriser son entreprise en bourse pour que ses actions suffisent à solder tout compte. Dans ces conditions, et vu la volatilité de l’action TMTG, les six mois de verrouillage sont particulièrement handicapants, mais étaient indispensables à l’accord passé entre TMTG et DWAC. Ce dernier acronyme désigne la société Digital World Acquisition Corp. Cette société est ce qu’on appelle une SPAC, « special purpose acquisition company ». Il s’agit d’une coquille vide uniquement destinée à entrer en bourse pour ensuite fusionner avec une autre entreprise, qui aura ainsi les clés de Wall Street plus aisément.
Un espoir ralenti
Après une semaine d’introduction qui laissait tout espérer, les choses se sont gâtées après Pâques. Lundi 1er avril, certains se sont mis à douter que TMTG aient les moyens d’assurer ses obligations financières. L’action s’est alors effondrée de plus de 21% et a perdu un cinquième de sa valeur. En réalité, les actionnaires de TMTG peuvent être classés en trois profils. Ceux qui croient en l’avenir de Truth Social comme d’autres ont cru en Facebook, ceux qui veulent soutenir Donald Trump, et enfin ceux qui veulent gagner rapidement de l’argent. Ces derniers achètent des actions à bas prix à l’introduction en bourse, misant sur l’engouement pour « l’action de Trump » pour avoir une hausse rapide, et revendent aussitôt, ayant quasiment doublé leur mise. Une spéculation dangereuse, qui engendre une volatilité que détestent les financiers.
Une valorisation de papier
TMTG, quoique valorisée à plusieurs milliards de dollars, n’a pas un sou vaillant. Elle n’est guère destinée qu’à gérer Truth Social, le réseau créé par Donald Trump en février 2022, juste après son bannissement de Facebook et Twitter, bannissement qui suivait l’invasion du Capitole par ses partisans. Avec moins de neuf millions d’inscrits, contre 73 millions d’utilisateurs actifs pour Reddit par exemple, un réseau social notamment connu pour ses memes ou pour la « pixel war », Truth Social patine. Conséquence, TMTG n’a même pas dégagé 1,5 million de dollars de chiffre d’affaires en 2022, et 4,1 millions de dollars en 2023.
Cette même année, Reddit dégageait 800 millions de dollars de chiffre d’affaires. En 2023, TMTG avait également admis avoir perdu près de soixante millions de dollars. Autrement dit, l’entreprise est déficitaire. Sa valorisation d’avril 2024 de plusieurs milliards n’en est que plus étonnante. Cela peut expliquer que les experts financiers n’y croient guère, ce qui n’est pas pour stabiliser la cote. TMTG risque de rester l’action de Trump, qui n’attire que ses soutiens, pas nécessairement au fait des rouages de la bourse, et les spéculateurs à la recherche d’un profit rapide, qui les connaissent trop bien. Mais les partisans de Trump ne sont pas à la recherche d’un profit économique mais bien politique.