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Trump, Mediapart, et la masculinité toxique

18 novembre 2024

Temps de lecture : 7 minutes
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Trump, Mediapart, et la masculinité toxique

Temps de lecture : 7 minutes

Mediapart, dans un article écrit par Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale sur les « sujets de genre et de violences sexistes et sexuelles », voit dans la victoire de Trump une victoire de la « masculinité toxique. » Dans la théologie wokiste, pourvue de ses péchés et de sa démonologie, la masculinité toxique tient une place de premier rang, qui vaut un détour.

Mad Men, le retour

La série Mad Men, con­sacrée à l’épopée cap­i­tal­iste des pub­lic­i­taires améri­cains des années 50, offre un véri­ta­ble con­cen­tré de « mas­culin­ité tox­ique ». Rai­son pour laque­lle nous sommes allés y chercher la sub­stan­tifique moelle qui con­denserait en une for­mule cette vision du monde. Le per­son­nage prin­ci­pal nous la dévoile, au détour d’une con­ver­sa­tion : « Je parie que pour vous le monde n’est qu’un immense sou­tien-gorge qui ne demande qu’à être dégraphé. » Ain­si, Medi­a­part nous rap­pelle ce pro­pos de Trump, dont l’inélé­gance ne fait aucun doute, qui date de 2016, où il se vante de « chop­er les femmes par la chat­te. » Les nom­breuses maîtress­es de Mit­ter­rand – dont le chauf­feur racon­tait qu’il accom­pa­g­nait une femme dif­férente chaque jour à l’Élysée -, de Gis­card et de Chirac, témoignent en faveur d’une longue tra­di­tion de mas­culin­ité tox­ique, des deux côtés de l’Atlantique…

American Psycho

Qui se sou­vient, pour aggraver le cas de Trump, que Bret Eas­t­on Ellis avait fait de Patrick Bate­man un fana­tique du mag­nat de l’im­mo­bili­er ? Patrick Bate­man, le fameux Amer­i­can Psy­cho… Dans un essai inti­t­ulé White, ultérieur au roman Amer­i­can Psy­cho, il revient sur le cas Trump et les pas­sions qu’il déchaîne, dont l’ar­ti­cle de Medi­a­part est un échan­til­lon assez typique :

« J’avais fait de Don­ald Trump le héros de Patrick Bate­man dans Amer­i­can Psy­cho et mené des recherch­es sur plus d’une de ses odieuses pra­tiques com­mer­ciales […] J’avais lu Trump par Trump et suivi sa tra­jec­toire, et tra­vail­lé suff­isam­ment sur le sujet pour faire de Trump un per­son­nage qui allait flot­ter à tra­vers le roman et être la per­son­ne à laque­lle Bate­man fait con­stam­ment référence, qu’il cite et qu’il rêve d’être. […] Peut-être est-ce pour ça que je me suis sen­ti pré­paré quand le pays a élu Trump. […] On pou­vait cer­taine­ment ne pas aimer le fait qu’il avait été élu et pour­tant le com­pren­dre et en saisir la rai­son, sans pour autant subir un effon­drement men­tal et émo­tion­nel absolu. Chaque fois que j’en­tendais cer­taines per­son­nes péter les plombs au sujet de Trump, ma pre­mière réac­tion était tou­jours : vous avez besoin d’être sous sédatif, vous avez besoin de voir un psy, vous avez besoin d’en finir avec le « grand méchant homme » qui vous aide à con­cevoir toute votre vie comme un proces­sus de victimisation. »

La réalité contre les fantasmes woke

Si Trump a rem­porté les élec­tions, ce serait, selon Medi­a­part, parce qu’il a mené « une cam­pagne vir­iliste, hos­tile aux droits des femmes et des per­son­nes LGBTQ+ et d’une misog­y­nie crasse. » Com­ment ne pas voir, au con­traire que, si Trump a gag­né, c’est avant tout pour avoir par­lé de l’Amérique, du peu­ple améri­cain, pen­dant que d’autres le découpaient en tranch­es, selon les caté­gories qui les obsè­dent, raciale et sex­uelle notam­ment. Caté­gories abstraites – au sens éty­mologique du terme, qui font « abstrac­tion » de la total­ité, en l’oc­cur­rence la nation améri­caine – aux­quelles s’a­joutent une cam­pagne éthérée autour de valeurs égale­ment abstraites. Alain de Benoist, dans un entre­tien accordé au jour­nal Breizh Info, le note très justement :

« C’est aus­si la vic­toire de la référence con­crète con­tre l’ab­strac­tion. Trump par­lait de l’Amérique, c’est-à-dire d’une réal­ité bien pré­cise, tan­dis que son adver­saire par­lait des grandes notions uni­verselles, la « démoc­ra­tie », la lutte pour la « lib­erté », la « civil­i­sa­tion », qui, comme tous les ter­mes qui ne ren­voient pas à un con­tenu par­ti­c­uli­er, sin­guli­er, ne sont que des mantras vides de sens. »

Le virilisme est aussi du côté démocrate

« Trois fois Don­ald Trump s’est présen­té à l’élec­tion prési­den­tielle. Il a tou­jours gag­né quand il a affron­té une femme. » Certes, « tou­jours » ici, veut dire deux fois, Hillary Clin­ton en 2016, Kamala Har­ris en 2024… Pas de quoi en tir­er des con­séquences générales ? Induire de deux événe­ments une loi, c’est un peu court vous ne trou­vez pas ? Et pour­tant la con­clu­sion est sans appel : « Pour une femme, cela ne suf­fit jamais. Le pla­fond de verre est incass­able. Pire encore : le vir­il­isme vio­lent est un argu­ment de cam­pagne payant. » Un mot à pro­pos du « vir­il­isme vio­lent » du côté démoc­rate, lorsque Robert de Niro pro­pose d’en finir avec Trump sur un ring, à coups de poing, et de l’in­sul­ter copieuse­ment ? Et que dire de la mas­culin­ité tox­ique d’un Mark Cuban, entre­pre­neur anti-Trump et pro-Kamala Har­ris qui a dit qu’on ne trou­vait « aucune femme intel­li­gente dans l’en­tourage de Trump » ? Est-ce que cette mas­culin­ité tox­ique, parce que mise au ser­vice du camp démoc­rate, devient licite, sinon louable ? Est-ce que, rétro­spec­tive­ment, tout le battage puri­tain autour des gâter­ies reçues par Clin­ton sous le bureau ovale, mérit­eraient d’être adoubées à cette aune ?

Un morceau de haut comique s’en­suit : « Ses électeurs – et élec­tri­ces – sont obsédé.es par les tran­si­tions de genre, pétri.es d’une trans­pho­bie encour­agée par les prin­ci­paux chefs de file du Par­ti Répub­li­cain. » De la part d’une frange poli­tique qui a porté au pina­cle la fig­ure du trans, créant une véri­ta­ble obses­sion autour d’une minorité infime de la pop­u­la­tion, pour en faire le porte-éten­dard de son idéolo­gie, cette accu­sa­tion ne manque pas d’ironie !

Voir aus­si : Médi­a­part, infographie

Sortir du bunker

Pierre-Yves Pétil­lon, auteur d’une His­toire de la lit­téra­ture améri­caine, résume le roman White Noise, écrit par Don Delil­lo, écrivain ita­lo-améri­cain, comme suit : « Jack Glad­ney est un uni­ver­si­taire qui entend dans le « bruit blanc » qui l’en­toure le chem­ine­ment de la mort. Jusqu’au jour où il devient spé­cial­iste de Hitler et directeur d’un « départe­ment d’é­tudes hitléri­ennes » dans son uni­ver­sité. Il fait des cours sur la fas­ci­na­tion hyp­no­tique exer­cée par les dis­cours du Führer, par les chants, par les hymnes, les arias du IIIe Reich. Ici, le lan­gage atteint la lim­ite de sa fonc­tion liturgique : Jack Glad­ney se niche à l’in­térieur du nazisme, un sys­tème clos qui, par sa cohérence interne, le met à l’abri de la dis­lo­ca­tion. […] L’abri de Jack s’écroule le jour où un nuage de gaz tox­ique échap­pé d’un wag­on acci­den­té met en alerte le cam­pus : Jack Glad­ney est brusque­ment expul­sé de son bunker, « exposé » à une destruc­tion qui fait table rase de ses rem­parts. » Et si ce gaz tox­ique – cette mas­culin­ité tox­ique selon Medi­a­part – à savoir la vic­toire de Trump, tant red­outée, était enfin l’oc­ca­sion pour cette caste médi­a­tique de sor­tir de leurs obses­sions, de leur bunker, où ils entre­ti­en­nent la fig­ure fan­tas­mée du croque-mitaine : Hitler ou bien Trump.

Pérorer sur le Titanic

Alain Benoist, pes­simiste sur ce point, a déjà répon­du dans l’en­tre­tien déjà cité plus haut : « Ils ne com­pren­nent pas comme il est seule­ment pos­si­ble que Trump l’ait emporté. Plus pré­cisé­ment, ils ne com­pren­nent pas que Trump l’ait emporté, non en dépit, mais bien à cause de tout ce qu’ils trou­vent abom­inable chez lui. Vous avez rai­son, ces gens-là sont aveu­gles. Ils sont aveu­gles parce qu’ils vivent dans l’en­tre-soi et qu’ils ne parvi­en­nent pas à se ren­dre compte que le monde réel est de moins en moins con­forme à leur wish­ful think­ing. Ils sont incor­ri­gi­bles. Ils dansent et pérorent sur le pont du Titan­ic, sans voir que le monde est en train de s’ef­fon­dr­er, et que celui qui va lui suc­céder sera plus dur encore. Ils font sor­tir des moulins à prière des for­mules rit­uelles — « pop­ulisme », « dis­cours de haine », « racisme sys­témique », « mas­culin­ité tox­ique » -, mais tout le monde s’en fout. Lais­sons-les babiller, lais­sons-les dormir. L’his­toire s’écrit sans eux – ailleurs.

Jean Mon­talte

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