Vous avez une télévision ? (aussi appelée téléviseur et le plus souvent « télé »). Dans votre pièce principale ? Dans votre salle à manger ? Dans votre chambre ? Vous disposez de plusieurs appareils ? Votre enfant/ vos enfants a/ont leur propre écran télévisuel ? Dans leur chambre ? Vous regardez comme tout un chacun en France le petit écran entre 3 et 4 heures par jour ? Ce livre est fait pour vous !
Michel Desmurget, docteur en neurosciences, est directeur de recherches à l’INSERM. Auteur de Mad in USA (Max Milo, 2008), il a jeté en 2012 un pavé dans la mare télévisuelle avec TV lobotomie, armé de près de 1100 notes : un ouvrage scientifique… qui se lit comme un roman, un roman noir.
La quatrième de couverture est un bon résumé de l’ouvrage :
« … la télévision est un fléau. Elle exerce une influence profondément négative sur le développement intellectuel, les résultats scolaires, le langage, l’attention, l’imagination, la créativité, la violence, le sommeil, le tabagisme, l’alcoolisme, la sexualité, l’image du corps, le comportement alimentaire, l’obésité et l’espérance de vie ».
Ouf.
Baste ! L’auteur ne va-t-il pas trop loin ? Est-il en train de jeter le bébé télévision avec l’eau du bain publicitaire ? Sommes-nous en présence d’un dangereux maniaque ? Est-il le premier à jeter un cri d’alarme ? Dès 2002 Blandine Kriegel remettait un rapport sur télévision et violence à Jean-Jacques Aillagon alors ministre de la Culture et de la Communication. Ce rapport préconisait « un programme élargi de mise hors de portée des enfants des spectacles violents et une signalétique plus précise proche de la moyenne européenne ». Tollé. Blandine Kriegel fut accusée de vouloir favoriser la censure, de renforcer le contrôle de l’état, et pire d’ignorer le rôle des facteurs sociaux. Qu’importe que toutes les études montrent, qu’au delà des variations culturelles « le pattern global de la violence médiatique est similaire à travers l’ensemble du monde ». Le débat scientifique sur télévision et violence est terminé, « il y a des évidences claires selon lesquelles l’exposition à la violence médiatique contribue de manière significative à la violence du monde réel ».
Pourtant il y a encore de chauds partisans des pixels en continu pour nos chères têtes blondes :
« …ceux qui n’ont pas une relation privilégiée au verbal et à l’acoustique ne se trouvent plus obligés, comme par le passé, d’apprendre de force dans la peur et les larmes (sic)… Les enfants qui ont une relation privilégiée aux images ne sont plus prêts aujourd’hui à y renoncer aussi facilement que par le passé, dans la mesure où l’environnement audiovisuel les y confirme chaque jour » (1).
Autrement dit la fixette à l’écran selon Serge Tisseron efface les avantages des classes dominantes et favorisées, elle permet à tous de devenir légèrement plus abrutis. La démocratie télévisuelle aplanit, aplatit, égalise, rabote … vers le bas, toujours vers le bas car précise le Professeur Desmurget « …la petite lucarne ne rend pas les enfants patemment débiles ou visiblement crétins, mais elle empêche assurément le déploiement optimal des fonctions cérébrales ».
Mais vous n’êtes pas tout à fait convaincu ? Alors prenons l’obésité un mal qui touche largement nos amis américains et qui se développe rapidement en Europe. Il n’est pas compliqué de comprendre que plus de temps devant la télévision = moins d’exercice = plus de consommation de produits gras et sucrés = plus d’obésité. Une étude américaine récente a déterminé combien outre Atlantique les enfants entre 2 et 12 ans voient de publicités alimentaires sur un an : suivant les tranches d’âge, entre 4400 et 7600 spots PAR AN ! Sans compter la publicité déguisée dans les films populaires et les séries. Pauvres choux on comprend que la Suède ait interdit toute publicité vers les moins de 12 ans. On comprend moins que Christine Kelly, membre du CSA, s’oppose en France à la suppression de la publicité alimentaire dans les programmes pour enfants, ou alors on comprend tout quand on sait que Madame Kelly a travaillé pendant neuf ans à LCI filiale de… TF1.
L’immense travail de Michel Desmurget est convaincant pour les autres items étudiés : le retard scolaire, le tabagisme, les troubles du sommeil s’ils ne sont pas les conséquences de la seule télévision développent une corrélation positive avec le nombre d’heures passées devant l’écran.
Il existe plus de 600 chaînes en Europe. Avec le développement actuel nous atteindrons les mille avant 2016. L’auteur (et nous avec lui) n’a pas fini de s’inquiéter :
« Le poste est un voleur de temps. Il est aussi un facteur d’isolement social, une source de paresse intellectuelle, un agent de stérilité cognitive et un vecteur de déstructuration psychique… on peut s’étonner de l’impunité accordée à Dame Télévision ».
Au moins les lecteurs de TV lobotomie, un ouvrage de santé publique, seront-ils prévenus.
Annexe
Vidéo d’une conférence donnée par Michel Desmurget en janvier 2012 au Forum Social Local du Morbihan.
(1) Serge Tisseron, Les bienfaits des images, Odile Jacob, 2002.