Maintenant que la nouvelle coalition des libéraux, du centre et de la gauche conduite par l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk a pris le contrôle des médias publics en Pologne, c’est au tour de la chaîne d’info privée à bas budget, TV Republika, de se trouver sous le feu des attaques. Et c’est le marchand suédois de meuble Ikea ainsi que la filiale polonaise de la Commerzbank, une banque allemande, qui ont les premiers ouvert les hostilités, bientôt suivies par d’autres sociétés qui ont à leur tour annoncé vouloir retirer leurs publicités de la chaîne.
Après le contrôle des médias publics par Donald Tusk, les médias privés
Pendant ce temps, le caractère illégal de la prise de contrôle des médias publics qui s’est opéré par la force, avec des agences de sécurité privées recrutées par le gouvernement de Donald Tusk et appuyées par la police, a été confirmé la semaine passé par deux décisions du tribunal de Varsovie chargé d’enregistrer les changements dans la composition des conseils d’administrations, directoires ou conseils de surveillance des sociétés publiques et privées. En l’occurrence, les requêtes déposées par le ministre de la Culture au Registre judiciaire national (qui, en Pologne, tient le rôle de notre Registre du commerce et des sociétés), pour inscrire au registre les nouveaux membres des organes dirigeants de la télévision publique TVP et de la radio publique Polskie Radio, ont toutes deux été rejetées au motif que les nominations opérées par le ministre sont illégales.
Or ce sont justement ces nouveaux dirigeants qui, à partir du 20 décembre, sont venus prendre la place des dirigeants légitimes des médias polonais avec l’aide d’hommes de mains dépêchés par des agences de sécurité privées.
Silence de RSF
À ce sujet, on attend toujours la réaction outrée de Reporters sans frontières qui tarde à venir, ce qui, pour le moment, confirme donc le parti-pris idéologique de cette ONG. À l’Observatoire du Journalisme, nous avions déjà remarqué en janvier 2017 ce deux poids, deux mesures de RSF vis-à-vis de la Pologne, en fonction de qui gouverne ce pays. Et d’ailleurs, à la mi-décembre 2023, quelques jours seulement avant la prise de contrôle des médias publics par des moyens, qui, de l’aveu même de France Télévisions, rappelle plus des méthodes de putschiste que celles d’un État de droit, RSF avait exprimé son espoir de voir le nouveau gouvernement de Donald Tusk « initier des réformes concertées et systémiques pour la liberté de la presse ». Ceci malgré le passif de M. Tusk dans ce domaine, qui date de l’époque où il avait déjà été à la tête du gouvernement de son pays.
Avec la chaîne publique d’information TVP Info maintenant sous le contrôle direct de la nouvelle coalition gouvernementale, la situation de fait prenant toujours le pas sur la situation de droit dans cette Pologne gouvernée par ceux qui, pendant huit ans, appelaient aux sanctions européennes contre leur pays pour cause de violation supposée aux règles de l’État de droit, on a observé une fuite des téléspectateurs vers la petite chaîne privée d’information en continue TV Republika.
TV Republika en pleine expansion
TV Republika émet sur la TNT, le câble et Internet et peut donc être vue par la grande majorité des Polonais. En deux semaines, entre la fin décembre et le début du mois de janvier, la chaîne a vu affluer 250 000 nouveaux abonnés sur sa chaîne YouTube et était regardée dans le même temps (entre le 20 décembre et le 9 janvier), via les canaux traditionnels, par 185 000 téléspectateurs en moyenne, soit 2,92 % de l’ensemble des téléspectateurs, avec une pointe à 5,33% (314 000 téléspectateurs) le 9 janvier, jour de l’arrestation très controversée de deux députés du PiS membres du précédent gouvernement (dont l’ancien ministre de l’Intérieur !) . À titre de comparaison, pour la période du 1er au 19 décembre, TV Republika n’était regardée que par 0,10 % des téléspectateurs en moyenne.
Cette chaîne à bas budget, jusqu’ici assez marginale, occupe donc désormais la deuxième place du marché audiovisuel polonais pour ce qui est des chaînes d’information. La première place est toujours occupée par TVN24, la chaîne d’information du groupe privée TVN qui appartient à l’Américain Warner Bros. Discovery et qui sert à ses téléspectateurs une ligne éditoriale très engagée en faveur du camp gaucho-libéral et très hostile – pour ne pas dire parfois même méprisante, voire haineuse et volontiers manipulatrice – vis-à-vis du camp conservateur. Polsat News, la chaîne d’information du deuxième grand groupe privé de télévision en Pologne, le groupe Polsat, à capitaux polonais et à la ligne éditoriale également libérale-progressiste mais malgré tout nettement moins militante que TVN, arrive troisième, désormais derrière TV Republika, avec 2,23 % du marché. La chaîne publique TVP Info, après avoir repris ses émissions le 29 décembre (après plus d’une semaine d’écran noir) avec une ligne rappelant désormais celle de TVN24 (dont il a récupéré certains journalistes, exonérés pour l’occasion par TVN de leur clause de non-concurrence), n’était plus regardée que par 0,77 % des téléspectateurs.
Une audience multipliée par 30
Le journal du soir de TV Republika est quant à lui regardé en moyenne par 3,35 % des téléspectateurs à son heure d’émission, c’est-à-dire 424 000 téléspectateurs hors Internet, soit 30 fois plus qu’avant le 20 décembre. Une autre petite chaîne d’info privée, wPolsce.pl, présente sur le câble et sur Internet, connaît également un bond de +477,78 %, attirant désormais (pour la période du 20 décembre au 9 janvier) 0,17 % des téléspectateurs en moyenne.
TV Republika a profité des purges opérées au sein de la télévision publique pour recruter quelques-uns des présentateurs et journalistes vedettes de TVP Info dont elle partage l’ancienne ligne éditoriale, très favorable au précédent gouvernement conservateur et au parti Droit et Justice (PiS) et très hostile aux libéraux et à la gauche, ce qui semble avoir contribué à l’attrait de la chaîne pour les anciens adeptes de TVP Info.
Attaques du camp libéral-libertaire
C’est donc tout naturellement vers TV Republika que se tournent désormais les attaques de la bien-pensance, c’est-à-dire de cette gauche libérale qui aimerait bénéficier en Pologne du même genre de quasi-monopole médiatique dont elle bénéficie dans des pays comme la France ou l’Allemagne.
L’occasion pour ces attaques a été donnée par trois déclarations faites par des invités TV Republika à propos du nouveau Pacte migratoire adopté en décembre par l’UE pour permettre la relocalisation des immigrants illégaux demandant l’asile à leur arrivée en Europe. Se moquant du caractère totalement irréaliste de ces relocalisations alors que les règles européennes et la jurisprudence de la CJUE imposent de laisser ces migrants libres de leurs mouvements et que la Pologne fait partie de l’espace sans frontières de Schengen, ce qui veut dire qu’il sera impossible de maintenir en Pologne ces migrants relocalisés, ces trois invités – un comique, un journaliste et un politicien de droite – ont, à différents moments, proposé d’utiliser l’infrastructure des camps de concentration laissée en Pologne par l’Allemagne nazie (proposition du comique Jan Pietrzak) ou encore de les tatouer comme du bétail (proposition du journaliste Marek Król). Le politicien de Kukiz’15, parti allié du PiS, Marek Jakubiak a quant à lui fait le parallèle entre l’envoi potentiel de migrants en Pologne par l’Allemagne et le fléau des déchets allemands exportés illégalement en Pologne.
Même si l’ironie présente dans les propos des auteurs de ces paroles est évidente pour qui veut bien les écouter avec un tant soit peu d’honnêteté intellectuelle, l’animateur de l’émission de TV Republika où ces paroles sont tombées a immédiatement réagi, protestant contre ce type de proposition ou de comparaison pour parler « de personnes qui sont en réalité victimes de la traite d’être humain ».
Mais l’occasion était trop belle pour certaines sociétés occidentales présentes en Pologne et qui cherchent depuis déjà un certain nombre d’années à rééduquer ce peuple polonais trop catholique et conservateur à leur goût.
Le capital international attaque à son tour TV Republika
C’est ainsi qu’après la déclaration du journaliste Marek Król (avec laquelle la chaîne TV Republika avait également tout de suite pris ses distances par un communiqué écrit), le marchand suédois de meubles Ikea, répondant aux pressions de militants de gauche lui demandant pourquoi il émettait ses publicités sur TV Republika, a annoncé qu’il allait retirer toutes ses publicités de la chaîne.
« Merci de nous l’avoir signalé », a tweeté Ikea le 3 janvier, « à partir de demain il n’y aura plus nos publicités sur TV Republika ». En Pologne, Ikea milite de manière agressive en faveur des revendications du lobby LGBT. L’année dernière, Ikea Pologne a même été condamné pour avoir licencié un employé polonais catholique qui avait osé protester en interne contre les pressions exercées sur le personnel pour promouvoir les attitudes LGBT. L’employé en question avait invoqué sa foi catholique pour expliquer son refus de participer à cette action. Après son renvoi, il a été défendu, avec succès, par l’Institut Ordo Iuris, une organisation d’avocats et juristes pro-famille et pro-vie, très active en Pologne et au sein des organisations internationales.
Une filiale polonaise de la banque allemande Commerzbank, mBank, a immédiatement emboîté le pas à Ikea. mBank fait elle aussi partie de ces sociétés occidentales engagées qui cherchent à imposer au peuple polonais l’idéologie progressiste en vogue. Lors des manifestations pro-avortement qui se sont déroulées en Pologne à la fin de l’année 2020, mBank avait publiquement exprimé son soutien pour le mouvement « Grève des femmes » à l’origine de ces manifestations, malgré le côté extrême gauche radicale (et même révolutionnaire) de ce mouvement.
D’autres entreprises ont suivi, telle l’enseigne de distribution alimentaire Żabka, propriété du fonds d’investissement CVC Capital Partners, basé au Luxembourg.
Du communisme au progressime libéral liberticide
Les Polonais ont l’habitude de ces multinationales idéologisées qui cherchent à leur imposer le progressisme pro-migrants et pro-LGBT devenue la nouvelle idéologie totalitaire de l’Occident. Une idéologie souvent perçue comme une nouvelle forme de marxisme dans l’ancienne Europe de l’Est qui se souvient encore de la dictature communiste. Mais des entreprises polonaises se sont également jointes au boycott publicitaire de TV Republika (qui en retour, aux côtés d’autres médias de droite, appelle les consommateurs à boycotter ces marques), tel le producteur de charcuteries Tarczyński, par exemple.
Lors des gouvernements précédents de Donald Tusk, les médias conservateurs se plaignaient de ne pouvoir trouver d’annonceurs car ceux-ci leur faisaient part de pressions de la part des autorités et expliquaient qu’une entreprise qui avait le malheur de financer par sa publicité un média de droite critique du gouvernement de Donald Tusk se retrouvait officieusement exclue des marchés publics. On peut donc se demander si le boycott de TV Republika annoncé en ce début d’année par plusieurs entreprises polonaises n’est pas motivé par les mêmes craintes, maintenant que l’Européen Donald Tusk est de retour…