Depuis le 28 février, le paysage médiatique français s’est enrichi d’un nouveau site d’information et d’opinion appartenant au légendaire syndicat polonais Solidarité, ou Solidarnosc (en réalité Solidarność, si l’on respecte l’alphabet polonais).
Tysol.pl, un site modeste mais influent
Le syndicat de travailleurs polonais a son propre média depuis fort longtemps. Il s’agit d’un hebdomadaire, Tygodnik Solidarność (Hebdomadaire Solidarité), qui avait d’abord été créé en 1981 en tant que premier organe de presse indépendant autorisé dans l’ancien bloc de l’Est. La reprise en main par le général Jaruzelski avait rapidement mis fin à l’aventure, mais les gens de Solidarność se sont remis au journalisme indépendant à la chute du communisme en Pologne en 1989. Une chute dont ils étaient largement responsables.
Aujourd’hui, l’hebdomadaire s’accompagne d’un site d’information, Tysol.pl. Ce sont des médias relativement modestes. En 2019, la société Tysol, propriétaire de l’hebdomadaire et du site, a réalisé un chiffre d’affaires de 2,73 millions de zlotys, soit l’équivalent d’un peu plus de 0,6 millions d’euros. Leurs articles sont malgré tout régulièrement cités par d’autres médias polonais et l’on peut donc dire sans hésiter que Tygodnik Solidarność, qui ne donne pas d’information sur son tirage mais qui était dans les années 1990 une sorte de contrepoids face au journal Gazeta Wyborcza, et le site Tysol.pl, avec entre 3 et 4 millions de pages affichées par mois selon son rédacteur en chef, sont des médias bien installés dans le paysage médiatique polonais. Ils appartiennent certes à un syndicat de travailleurs, mais comme il s’agit du syndicat polonais qui a renversé le communisme en Pologne en puisant son courage dans les discours du pape Jean-Paul II, ces médias ont une ligne éditoriale sociale-conservatrice et catholique, proche de la doctrine sociale de l’Église, ainsi que le reconnaît volontiers Cezary Krysztopa, rédacteur en chef du site Tysol.pl et rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire Tygodnik Solidarność.
Déclinaison francophone
C’est donc la même ligne éditoriale que l’on doit attendre du site d’information Tysol.fr, la déclinaison française de Tysol.pl qui est en ligne depuis le 28 février. Dans un entretien publié le 5 mars sur le Visegrád Post, Patrick Édery, rédacteur en chef du site Tysol.fr, explique : « C’est un site à l’image du syndicat Solidarité qui est à la fois un syndicat d’ouvriers, et donc populaire, et effectivement catholique et anticommuniste, anti-marxiste : anti-léniniste, anti-staliniste, anti-maoïste et anti-trotskiste. Je pense que c’est la meilleure définition, surtout pour la France où l’on voit que le progressisme au pouvoir est l’enfant du marxisme. Chez Tygodnik Solidarność, nous considérons que le progressisme est un néo-marxisme et que, comme le communisme, nous ferons tomber le progressisme. »
On peut trouver cette ambition démesurée, quoi que personne en 1981 n’aurait imaginé que Lech Walesa (Wałęsa en polonais), le leader de Solidarnosc, serait élu premier président de la Pologne démocratique neuf ans plus tard et que l’Union soviétique n’avait plus que dix ans devant elle. Mais même si le progressisme ne s’effondre pas sous les coups de boutoir des articles publiés sur le site Tysol.fr, sa contribution au pluralisme médiatique ne peut qu’être la bienvenue dans notre pays qui en manque cruellement. Patrick Édery et Cezary Krysztopa, tous deux contactés par l’Observatoire du Journalisme, fixent deux objectifs immédiat au site Tysol.fr : apporter un éclairage libéré de l’idéologie progressiste/libertaire sur l’actualité française et alimenter une rubrique de style « désintox » face aux nombreux bobards et manipulations de l’information concernant en particulier, mais pas seulement, la Pologne. Cette rubrique aura eu l’occasion de démarrer au quart de tour avec la visite en Pologne du secrétaire d’État aux Affaires européennes du gouvernement Castex, avec un article intitulé : « Un secrétaire d’État de Macron diffuse des fake news et déclenche un scandale en Pologne ». À ce train-là, on se doute que Tysol.fr ne va pas se faire que des amis, et l’Observatoire du Journalisme est bien placé pour le savoir.
« Par le peuple et pour le peuple »
Moins de deux semaines après son démarrage, le site Tysol.fr compte déjà des articles de qualité, avec un regard indubitablement de droite sur le plan sociétal. C’est un site que l’on peut classer sans hésiter dans ce qu’on appelle communément la « réinfosphère » et que certains grands médias et responsables politiques de gauche appellent « fachosphère » pour mieux décrédibiliser les voix dissidentes. Mais se faire taxer de « fascistes » en France ne sera sans doute pas de nature à impressionner les gens de Solidarnosc : ils ont déjà vécu cela avec la propagande d’État à l’époque de la dictature communiste. « En tant que média appartenant au plus gros syndicat polonais de travailleurs, nous sommes un média par le peuple et pour le peuple », expliquait Patrick Édery dans son entretien avec le Visegrád Post.
Patrick Édery est un Français installé en Pologne depuis 1999. Il publie des articles entre autres sur le site Tysol.pl et a publié plusieurs fois des articles sur la Pologne dans le Figaro Vox. Son compte Twitter est suivi par plus de 29 000 personnes. Il assure que son travail pour Tysol est bénévole comme le sont les contributions publiées sur le site Tysol.fr. Son homologue polonais, Cezary Krysztopa, soutient que le site Tysol.fr a été créé pour la bonne cause, sans motivation commerciale. Il s’agit, à en croire son éditorial de bienvenue publié sur Tysol.fr le jour de sa mise en ligne, d’apporter un « soutien à la liberté d’expression des Français ». Contacté par l’Observatoire du Journalisme, il explique que « nous avons les mêmes problèmes » et que, face aux attaques contre la liberté d’expression, il ne suffit pas de se défendre à l’intérieur de ses propres frontières.
On note encore quelques faiblesses techniques sur le site Tysol.fr : certains boutons de navigation ne fonctionnent toujours pas et il faut passer par le site en polonais Tysol.pl pour accéder à la fonction de recherche sur le site, ce qui doit être réglé prochainement, nous assure Patrick Édery. On peut également lire sur le site polonais consacré aux médias Wirtualne Media que le site français du média de Solidarnosc se développera à mesure qu’il obtiendra des financements. La présentation et surtout le contenu semblent déjà de qualité.