Dans son édition du 14 novembre dernier, le magazine Elle se risquait à la géopolitique et consacrait un dossier à la gloire des combattantes ukrainiennes.
L’hebdomadaire publiait ainsi des portraits de jeunes femmes, « étudiantes, secrétaires ou journalistes de mode », passées « de la révolution de Maïdan à la guerre contre les séparatistes russes ». Comme le notait Olivier Berruyer sur son blog, le magazine commençait par se montrer très maladroit en parlant non de séparatistes « pro-russes » mais carrément « russes ».
Mais le pire réside dans le portrait consacré à Sveta, une jeune blonde de 19 ans, « secrétaire et engagée volontaire dans un groupe d’autodéfense ». Celle-ci annonce la couleur : « Si les Russes rentrent dans ma ville, je tire ! » Mais au fait, qui est Sveta ? Une vaillante combattante pour la liberté et l’unité de son pays ? Le magazine se serait bien contenté de ce profil.
C’était sans compter sur la vigilance des internautes qui se sont empressés de révéler la vraie nature de la jeune femme. Sur des photographies publiées sur son profil Vkontakte (le Facebook “russe”), on peut voir Vita Zaveroukha (de son vrai nom) bras tendu, exhibant fièrement des croix gammées, des symboles nazis, un drapeau confédéré, des photographies à la gloire du Troisième Reich ou encore des dessins antisémites. Vita appartient au bataillon Aïdar, coupable selon l’OSCE de nombreux crimes de guerre. Elle est bien loin, la Jeanne d’Arc ukrainienne…
Devant la polémique grandissante, Elle n’a pas eu d’autres choix que de réagir. « Suite à la publication le 14 novembre dernier dans notre magazine d’un reportage intitulé “Les femmes ukrainiennes s’engagent”, traitant du rôle de femmes au parcours très divers dans le conflit à l’est de l’Ukraine, nous avons appris, fin décembre, qu’une des jeunes femmes, interviewée et photographiée, était une activiste d’extrême-droite, diffusant sur les réseaux sociaux des photographies faisant l’apologie du néo-nazisme », explique le magazine dans un communiqué publié fin décembre.
Et celui-ci d’assurer que, « lors du reportage, la jeune femme incriminée, combattante du Bataillon Aidar, rencontrée le 2 octobre dernier, sur la ligne de front près de la ville de Lougansk, aucun élément, aucun signe extérieur distinctif, aucune parole dans l’interview, ne laissait comprendre ce jour-là que cette jeune femme était néo-nazie ».
Pourtant, comme le souligne RFI qui prend la défense de son confrère, le journaliste auteur de l’article « est correspondant permanent sur place pour de nombreux médias et enquête régulièrement sur les bataillons de volontaires ». Cela étant, comment celui-ci pouvait-il ignorer (pour le moins) le risque de mauvaise pioche dans un bataillon réputé pour abriter son lot de néo-nazis ? Selon Elle, le bataillon Aïdar « comprend dans ses rangs des combattants d’origine et d’obédience politique très diverses » ; une explication qui ne convaincra guère les observateurs attentifs de ce conflit.
Et l’hebdomadaire féminin de conclure : « La rédaction de ELLE ainsi que les deux journalistes ayant réalisé le reportage, ont été choqués d’apprendre, à posteriori, le véritable profil idéologique de cette jeune femme, et condamnent bien entendu toute idéologie prônant la xénophobie, l’antisémitisme ou l’apologie du nazisme. »
La prochaine fois, Elle y réfléchira à deux fois avant de s’attaquer à des sujets aussi sensibles, bien loin des crèmes bronzantes de l’été ou des meilleures épilations du maillot ! Ça tombe bien : selon RFI, la maladresse du magazine fait « parfaitement le jeu de la propagande pro-Russe ». Et la propagande occidentale faisant passer une néonazie pour un modèle de résistance à l’oppression, on en parle ?