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Un an de présidence de Javier Milei dans les médias

27 janvier 2025

Temps de lecture : 9 minutes
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Un an de présidence de Javier Milei dans les médias

Temps de lecture : 9 minutes

Un an après la prise de fonction du nouveau président de l’Argentine Javier Milei, le moment est venu d’un premier inventaire de son action. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la manière dont le candidat, puis le président, ont été vus dans les télévisions et les médias.

Milei candidat : une hostilité maximale

Durant la cam­pagne élec­torale qui se déroule à l’au­tomne 2023, le can­di­dat Milei est présen­té comme « un OVNI poli­tique », un can­di­dat sur­prise, un per­son­nage hors-système.

Sur qua­si­ment toutes les télévi­sions Français­es, il est au choix qual­i­fié de pop­uliste, vio­lent, ultra-libéral, ultra­réac­tion­naire, ultra-con­ser­va­teur, mais aus­si comme un polémiste de plateau de télévi­sion, un novice en poli­tique, et par­fois comme un homme à la lim­ite de l’inculture.

En com­plé­ment de cette présen­ta­tion sim­pliste et inquié­tante du can­di­dat, cer­tains aspects sont  insuff­isam­ment mon­trés par les­dites télévi­sions, ce qui ne per­met pas de bien appréci­er la sit­u­a­tion du pays. Citons notam­ment la sit­u­a­tion économique générale, l’in­fla­tion galopante (25% par mois) qui impose de vivre au jour le jour et rend impos­si­ble toute pro­jec­tion dans l’avenir, et l’usure du pou­voir de cen­tre-gauche en place.

Il est exact que l’homme ne fait pas dans la den­telle et qu’il sait manier la provo­ca­tion. Par exem­ple lorsqu’il se présente à ses meet­ings en bran­dis­sant une tronçon­neuse, comme un sym­bole de la méth­ode qu’il entend appli­quer aux dépens­es inutiles de l’état.

Dans son pro­gramme fig­urent égale­ment la volon­té de réori­en­ter les moyens vers les fon­da­men­taux de l’é­conomie pro­duc­tive, la sup­pres­sion pure et sim­ple de plusieurs min­istères, ain­si qu’un large pro­gramme de privatisations.

Face à Milei, le pou­voir sor­tant est semble‑t’il quelque peu cor­rompu, et en tout cas inca­pable de se réformer et de sor­tir le pays de la spi­rale déficit – inflation.

Finale­ment, les électeurs Argentins n’é­couteront pas les télévi­sions français­es … et J. Milei sera élu con­fort­able­ment le 19 Novem­bre 2023, avec 55,6% des suffrages.

Il pren­dra offi­cielle­ment ses fonc­tions le 10 Décem­bre suivant.

Milei président : la défiance continue

Durant les pre­miers temps de la prési­dence Milei, les expli­ca­tions sur l’e­sprit des réformes économiques sont tou­jours inex­is­tantes, mais la défi­ance reste omniprésente.

En voici deux exem­ples, choi­sis dans des émis­sions de diver­tisse­ment, mais qui mon­trent que les jour­nal­istes n’ont rien appris de l’élec­tion Argentine.

La chronique « dans le box d’Angèle » de l’émis­sion Cul­ture­box du 18 Mars 2024 est con­sacrée à une Pop star Argen­tine, dont le prin­ci­pal titre de gloire sem­ble être son hos­til­ité à Milei.

Extrait de l’introduction :

« On va par­ler de Lali ESPOSITO, une artiste déjà très poli­tisée et notam­ment con­tre le nou­veau prési­dent Argentin J. Milei … fraîche­ment élu, un prési­dent misog­y­ne, homo­phobe, cli­matoscep­tique, tout le con­traire de Lali ESPOSITO, 32 ans, star de la POP en Argen­tine, pro­gres­siste, fémin­iste, icône de la com­mu­nauté LGBT, autant de sujets qu’elle défend sur les réseaux soci­aux comme dans sa musique… »

La suite de la chronique mon­tre davan­tage d’a­gres­siv­ité ouverte con­tre Milei que d’in­térêt pour la musique de L. Espos­i­to, si bien qu’il est per­mis de se deman­der si la chanteuse a été con­vo­quée dans cette chronique pour sa musique, ou comme une occa­sion pour se défouler sur le prési­dent Argentin.

Une chronique de l’émis­sion Quo­ti­di­en J. Milei est abon­dam­ment moqué pour sa liai­son avec une ani­ma­trice de la TV Argentine.

En bref, J. Milei est tou­jours bro­cardé avec beau­coup de suff­i­sance, et cela ne va pas sans laiss­er un sen­ti­ment de malaise vis à vis de celui qui est main­tenant le prési­dent régulière­ment élu d’un grand pays étranger.

Milei un an après : premiers bilans

Pour le pre­mier anniver­saire de sa prise de fonc­tion, l’heure est venue d’un pre­mier inven­taire, certes pro­vi­soire, mais déjà instructif.

Au niveau des grandes chaînes de télévi­sion, il est stupé­fi­ant de con­stater que rien n’a été fait à cette occasion.

Pour s’in­former, il faut donc se tourn­er vers d’autres chaînes TV, des radios, la presse, et les con­stats effec­tués dans ces dif­férents arti­cles et pod­casts se recoupent peu ou prou.

L’ac­tion rapi­de et déter­minée sur la sup­pres­sion des déficits, comme il avait été annon­cé durant la cam­pagne, est portée à l’ac­t­if du nou­veau prési­dent. Le déficit budgé­taire est totale­ment résor­bé, avec même un excé­dent équiv­a­lent à 0,5% du PIB. Cette action a rapi­de­ment con­duit à un ralen­tisse­ment rapi­de de l’in­fla­tion, qui passe de 25,5% à 2,7% par mois.

Au pas­sif, la réces­sion économique est réelle, ‑3,5% en 2024 (voir plus loin), et elle s’ac­com­pa­gne d’une baisse de l’emploi pub­lic et d’une aug­men­ta­tion du chô­mage (+24%). Le mon­tant des retraites a dimin­ué tan­dis que cer­taines presta­tions large­ment sub­ven­tion­nées, notam­ment dans les trans­ports, ont sen­si­ble­ment aug­men­té. Il ressort de tout cela une aug­men­ta­tion du taux de pau­vreté, qui est passé de 41,7% à la fin du 2nd semes­tre 2023, à 52,9% à la fin du 1er semes­tre 2024.

Le ton a quelque peu changé, dans la mesure où cer­tains aspects sont main­tenant portés à l’ac­t­if du prési­dent, même s’il est évidem­ment regret­table qu’il ait fal­lu atten­dre un an pour que son action com­mence à être prise au sérieux ! Mal­gré cette évo­lu­tion pos­i­tive, les con­stats demeurent, dans la plu­part des cas, net­te­ment partisans.

Mais bien peu d’information sur les TV Françaises

Mal­heureuse­ment, les médias main­stream, et notam­ment les télévi­sions, ont fort peu et fort mal ren­du compte de ces pre­miers suc­cès. En témoigne le reportage « Milei, les méth­odes du Trump Argentin » dif­fusé sur Envoyé spé­cial du 23 Jan­vi­er 2025.

Au pre­mier abord, ce reportage mon­tre un début de change­ment de ton, dans la mesure où le nou­veau prési­dent est davan­tage pris au sérieux sur le plan économique.

Mais tan­dis que ses réus­sites sont men­tion­nées trop briève­ment, comme du bout des lèvres, le reportage s’ef­force de présen­ter le régime sous le jour le plus antipathique. Toutes les images vont dans ce sens ; c’est ain­si que sont suc­ces­sive­ment mon­tré un Milei grossier et accro aux réseaux soci­aux, une maquilleuse élue députée et présen­tée comme anti-fémin­iste et anti-IVG, un cer­cle d’in­flu­enceurs séduits par la viril­ité du prési­dent, et une agence immo­bil­ière qui se réjouit de l’am­nistie fiscale.

Plus ori­en­té encore, le reportage mon­tre un cli­mat où les gens s’in­vec­tivent dans la rue, « un pays frac­turé entre les pros et les anti Milei ». «En Argen­tine, les invec­tives ont rem­placé le débat, un peu à l’im­age du prési­dent qui insulte ses opposants à chaque dis­cours». Il est aujour­d’hui dif­fi­cile de reprocher à Milei de ne pas avoir tenu ses promess­es et de lui con­tester cer­taines réus­sites économiques, qui arrivent même plus tôt que prévu.

Un bilan plus prometteur qu’il n’est décrit

Tout d’abord, pour informer com­plète­ment leurs publics, France24, France-info, Arte et con­sorts auraient dû pré­cis­er que l’é­conomie Argen­tine était déjà en réces­sion (-1,6% en 2023), et cela mal­gré les déficits.

Ensuite et surtout, il eut fal­lu pré­cis­er qu’une réces­sion tem­po­raire, pour douloureuse qu’elle soit, était par­faite­ment nor­male dans le con­texte d’une réduc­tion colos­sale de 30% des dépens­es publiques. C’est le con­traire qui eut été éton­nant, et le can­di­dat Milei n’a jamais pré­ten­du qu’il n’y aurait pas une péri­ode dif­fi­cile. La résorp­tion des déficits a un effet réces­sif mécanique immé­di­at, de la même manière que les déficits créent un effet de relance, au moins à court terme. Il s’ag­it tout sim­ple­ment de la base des théories économiques Keynésiennes.

Toute la ques­tion est de savoir com­ment l’é­conomie repar­ti­ra sur des bases assainies ; or, plusieurs indi­ca­teurs de l’é­conomie Argen­tine pour le retour d’une crois­sance solide sont déjà repassés au vert. La preuve en est que le Fonds Moné­taire Inter­na­tion­al table sur une crois­sance de 5% en 2025.

Sur ce point, nous pou­vons observ­er que la con­trac­tion du PIB (-3,5% au glob­al en 2024) était forte au début de l’an­née, puis s’est ralen­tie, pour devenir nulle à la fin de l’année.

On le voit, l’oc­ca­sion était belle d’in­former tout en faisant un petit tra­vail péd­a­gogique en économie. Mal­heureuse­ment, nous n’avons rien vu de tel dans les médias mainstream.

Enfin, plusieurs points impor­tants sont passés sous silence et méri­tent d’être soulignés :

  • la libéral­i­sa­tion du marché du loge­ment, qui souf­frait d’une pénurie d’of­fres notam­ment à Buenos-aires, et qui est emblé­ma­tique de la méth­ode Milei. La sup­pres­sion du con­trôle des loy­ers et de cer­taines con­traintes por­tant sur les pro­prié­taires a con­duit à une aug­men­ta­tion de 170% de l’of­fre loca­tive, par remise sur le marché de biens qui en avaient été retirés. Les mécan­ismes uni­versels d’of­fre et de demande ont fait le reste et ont per­mis une baisse des loy­ers en ter­mes réels
  • l’ex­cé­dent com­mer­cial est de 15 mil­liards de dol­lars sur les 9 pre­miers mois de 2024, et les expor­ta­tions sont en hausse
  • le Peso Argentin s’est appré­cié de 40%
  • il existe de nom­breux pro­jets d’in­vestisse­ments dans le pays, notam­ment dans le domaine minier
  • dernier aspect passé sous silence, et non des moin­dres : com­ment la pop­u­la­tion vit elle cette péri­ode et ce traite­ment de choc ? Pos­i­tive­ment, puisque la pop­u­lar­ité du nou­veau prési­dent dans son pays est aujour­d’hui supérieure à 50%.

Aucun des précé­dents prési­dents n’avait atteint un tel niveau après une année de pouvoir.

Ce chiffre remar­quable­ment élevé est dif­fi­cile à inter­préter sans être immergé dans la        société Argen­tine. Mais il mon­tre en tout cas une cer­taine con­fi­ance, fac­teur tou­jours    impor­tant en économie, et plutôt de bon augure pour l’avenir.

Le regard des autres pays

Sur un tel sujet, il est aus­si instruc­tif d’ob­serv­er les réac­tions de la presse internationale.

Dans un arti­cle du 10 Décem­bre 2024 inti­t­ulé « La bru­tale réus­site de la tronçon­neuse », Cour­ri­er inter­na­tion­al se fait l’é­cho des prin­ci­pales réac­tions des grands jour­naux étrangers, dont la tonal­ité est glob­ale­ment positive.

Extraits :

La Nation (Argen­tine) ; « en seule­ment un mois, il a réus­si à en finir avec le déficit budgé­taire. L’Ar­gen­tine a retrou­vé un excé­dent budgé­taire de 0,5% du PIB, ce qui con­traste avec le déficit total de 6 ‚1% sur lequel l’an­née 2023 s’é­tait achevée.»

The Wash­ing­ton Time (Etats-unis) ; « un an plus tard, les prophéties annonçant une inévitable dis­pari­tion du pre­mier chef d’é­tat lib­er­tarien du monde se sont avérées totale­ment fausses »

The Econ­o­mist (Grande-Bre­tagne) : « Lorsque Milei a pris ses fonc­tions, l’in­fla­tion atteignait 13% par mois. Elle a grim­pé à 25% après qu’il a déval­ué le pesos Argentin. L’in­fla­tion est désor­mais inférieure à 3% par mois. »

La France n’est pas l’Ar­gen­tine, cela est enten­du. Mais le bilan ini­tial de l’homme à la tronçon­neuse sem­ble déjà encour­ageant, et il sera intéres­sant d’ob­serv­er la suite de l’ex­péri­ence. Ain­si que les réac­tions des médias de grand chemin, pour cela, il fau­dra prob­a­ble­ment pass­er par quelques recherch­es en dehors des médias main­stream, tant ceux-ci ont jusqu’à main­tenant tou­jours eu un train de retard sur la réalité.

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