« Ukraine : les masques de la révolution ». Dans ce documentaire diffusé sur Canal, Paul Moreira met en lumière le rôle des groupes paramilitaires radicaux dans la « révolution » ukrainienne de février 2014.
Un angle qui, bien que factuel et documenté, a le don d’agacer certains journalistes ukrainiens mais aussi français. À ce propos, l’ambassade d’Ukraine a même fait pression sur la chaîne cryptée pour tenter d’annuler la diffusion du documentaire. Dans les médias français, Libération et Le Monde se sont particulièrement illustrés dans le dénigrement.
Estimant que montrer, documents à l’appui, l’influence de groupuscules néo-nazis dans cette révolution vous transformait en agent russe, Renaud Rebardy, dans son blog hébergé sur Libération.fr accuse Paul Moreira de « mettre en image le discours du Kremlin ». Reporter depuis 15 ans et primé à de nombreuses reprises, ce dernier n’a pourtant fait que s’intéresser à un aspect peu abordé par les médias occidentaux de cette révolution. Et pour cause : les médias ont globalement pris le parti de ce qui s’apparente de plus en plus à un coup d’État téléguidé par les États-Unis et qu’ils ont présenté comme un mouvement populaire pro-européen.
Renaud Rebardy considère en outre que plusieurs protagonistes ont vu leurs traits exagérés, comme par exemple Oleg Tiagnibok, dirigeant du parti Svoboda. C’est également l’avis de Benoît Viktine qui dans Le Monde, estime que le documentariste a exagéré la véritable influence de cette extrême-droite ukrainienne sur les événements.
Pour le blogueur de Libé, Tiagnibok ne serait qu’un « nationaliste ultra-conservateur » et non un individu « issu de la mouvance néo-nazie » comme le présente Paul Moreira. Le personnage est pourtant placé par le centre Simon Wiesenthal dans la liste des 10 antisémites mondiaux les plus dangereux, notamment pour son appel à purger l’Ukraine de ses 400 000 juifs et russophones !
À la suite de cette polémique, Paul Moreira s’est justifié dans un communiqué. C’est alors qu’il enquêtait sur le drame d’Odessa (où 45 personnes sont mortes brûlées dans un incendie criminel le 2 mai 2014), un fait par ailleurs largement passé sous silence par la plupart des médias occidentaux, que le journaliste s’est rendu compte de « l’importance des milices nationalistes ». « Elles étaient en première ligne dans les combats de rue à Maïdan, puis s’étaient formées en bataillons pour aller combattre à l’Est les troupes russes », raconte-t-il.
Malheureusement, son enquête de terrain va « à l’encontre de la narration communément admise ». Ainsi le voici livré à la vindicte des pro-Maïdan, accusé d’être un agent russe pour avoir osé fouiller un peu plus loin dans ces évènements complexes. « Je savais que j’allais rencontrer une opposition virulente, qu’on allait m’accuser de faire le jeu de Poutine, de reprendre des éléments de sa propagande. Je ne m’attendais pas à tomber sur autant de déni, frisant parfois l’hystérie », confesse-t-il.
Et de conclure en soulignant que « renoncer à dire ce que l’on sait parce que “ça fait le jeu de la propagande russe”, c’est soi-même devenir un propagandiste ».
Moreira a reçu le soutien de l’économiste Olivier Berruyer. Sur son blog, ce dernier a fourni depuis les événements un vrai travail d’information. Un travail que n’ont malheureusement pas fait les médias qui contestent le documentaire… Ainsi, après avoir défendu le journaliste, Berruyer juge qu’il est « très agaçant de se dire qu’on est bien obligé de passer du temps, soir et week-end, à s’occuper de ça sur son blog personnel, alors que, je le rappelle, je ne suis pas journaliste, et que c’est non seulement leur métier, mais qu’en plus il y a de fortes aides publiques »…
Une fois de plus, il faudra compter sur ce qu’il convient désormais d’appeler la « réinfosphère » pour être informé correctement sur le cas ukrainien, un enjeu géopolitique visiblement trop important pour pousser les médias subventionnés à l’honnêteté… Les crispations faisant suite à la sortie du documentaire de Moreira ne sauraient mieux l’illustrer.
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