France Inter et L’été comme jamais
Cet été, l’une des émission phare de France Inter fut L’Été comme jamais. Diffusée du lundi au vendredi de 9h à 9h50, elle était présentée par Dorothée Barba. À la suite de l’émission du mardi 18 août, la journaliste a lancé un thread d’excuses sur Twitter, thread révélateur de l’état d’esprit terrorisé qui règne dans le monde médiatique français. Démonstration.
L’émission L’Été comme jamais se présente ainsi : « Prenons le temps de parler d’amour, d’enfance, d’amitié, de famille, de travail, de nos doutes et de nos envies. « L’été comme jamais », c’est un magazine de société au parfum estival, deux heures souriantes et conviviales. »
Du léger, en somme, et en apparence. Une présentation bobo. C’est le moment qui veut cela : l’été, les principaux médias croient nécessaire de lancer des programmes « légers », persuadés que les Français ne pensent plus dès que le soleil fait son apparition.
Quelques exemples de thèmes traités entre juillet et août 2020 :
- Sexe, une nouvelle révolution
- Animaux sauvages, qu’ont-ils à nous apprendre ?
- Aux grandes femmes, la patrie reconnaissante
- L’utopie est-elle encore possible ?
- Enquêtes criminelles : comment travaillent les vrai.e.s expert.e.s ?
- T’as pécho ? Des nouvelles de la séduction
- Vive la vélorution
- Le potager des paresseux
Des thèmes politiquement corrects, tendance bobo-verts, avec un zeste de féminisme et de ton de magazine féminin post-adolescente.
L’émission qui provoque le thread
Mardi 18 août, L’Été comme jamais est consacré à « Un pied ici, l’autre ailleurs ». Thème incontournable pour toute émission politiquement correct et fort justement, dans ce contexte, présenté ainsi :
« Qu’est-ce qu’une double culture? Comment se transmet d’une génération à l’autre une histoire de déracinement? Nous parlons de ce que veut dire vivre avec deux cultures dans un même pays. »
Le pitch précis :
« Quand pose-t-on les questions importantes? A quelle heure de la journée? Entre deux tartines, au petit déjeuner, ou en faisant la vaisselle? Il n’y a jamais de bon moment pour s’attaquer au silence. Pas de bon créneau pour oser demander : c’était comment, la vie là-bas ? et qu’est-ce qui te manque de ton pays ? Car l’exil, parfois, conduit au silence.
Et parfois on ne raconte pas, à ses enfants, à ses petits-enfants, ce qui pourtant construit une partie de leur identité. D’autres fois encore, les histoires sont dites, oui. Et une langue est parlée à la maison. ..Voilà notre sujet, jusqu’à 10h. Avec toutes les questions — les problèmes peut-être — que porte en elle cette expression, d’ailleurs : double culture. Avoir en soi deux pays, deux histoires. Se sentir étranger, ou pas ? Être fier ou pas. Et que dire du regard des autres ? »
Les invités :
« — Olivia Ruiz écrivaine et chanteuse, auteure de La Commode aux tiroirs de couleurs aux éditions Lattès, 2020.
- Grace Ly podcasteuse et écrivaine, auteure de Jeune fille modèle chez Fayard, 2018.
- Valli chanteuse et animatrice radio, auteure de British Invasion, Pop Save the Queen, GM Editions, 2019. »
Trois femmes, dans une émission présentée par une femme, avec utilisation de l’écriture inclusive et de la féminisation du « masculin dominant ».
L’émission se déroule sans anicroche, insipide par son absence complète de débat, chacun (chacune, du coup, vu que les hommes sont exclus) étant d’accord sur le fond : le métissage et le multiculturalisme c’est bien, le contraire ou s’y opposer c’est mal.
Propagande habituelle de France Inter, dont L’Été comme jamais donne un exemple estival parmi d’autres.
Mais voici que….
Dorothée Barba a un trou de mémoire ou un instant… d’inculture, qui sait ?
D’après 20 Minutes, « France Inter : Dorothée Barba fait son mea culpa après avoir dit « une connerie » à l’antenne. Ce mardi, après la diffusion de « L’Été comme jamais », l’animatrice Dorothée Barba a déploré sur Twitter avoir évoqué l’autrice Chimamanda Ngozi Adichie en ne citant que son prénom ».
Chimamanda Ngozi Adichie est une femme écrivain de nationalité nigériane, noire, publiée chez Gallimard. Ses romans sont actuellement dans la collection du « Monde entier », après avoir d’abord été édité dans la collection « Continents noirs », une collection dont on se demande comment elle n’a pas alors été accusée de pratiquer l’apartheid, n’éditant que des écrivains noirs. Chimamanda Ngozi Adichie est noire, féministe, parle des souffrances de l’Afrique et a écrit sur le Biafra. Elle est une icône du tout Paris bobo-repentant sur tous les sujets.
À son propos, aucune « erreur » ou aucun semblant d’erreur n’est permis par le politiquement correct, d’où la réaction à la fois symptomatique et ubuesque de Dorothée Barba à sa « connerie ».
De quoi s’agit-il ?
Durant l’émission, Chimamanda Ngozi Adichie et son roman Americanah sont évoqués. Le roman traite évidemment des souffrances des exilés, de la difficulté des migrations etc. Tous sujets sur lesquels une journaliste parisienne de France Inter a fortement intérêt à ne pas commettre de bourde.
Et voilà que… Dorothée Barba, en direct, indique qu’elle a lu Americanah, ce qu’elle expose dans son thread sur Twitter : « J’ai lu récemment et beaucoup apprécié Americanah, l’un de ses livres. J’ai voulu au passage le conseiller aux auditeurs et auditrices. Mais je n’avais pas le nom de l’autrice sous les yeux. Aussi ai-je dit : « On l’appelle Chimamanda, c’est plus simple ».
Difficile de voir quoi que ce soit de bien grave dans cette affaire, d’autant qu’en Afrique la question du nom et du prénom n’est pas la même qu’en Europe, et pourtant… patatras !
Et mea culpa nécessaire (pour survivre en milieu médiatique libéral-libertaire ?).
Le thread ubuesque de bien pensance lancé sur Twitter par la journaliste
Ce matin, sur @franceinter, j’ai dit une connerie. Petit thread. ⬇️
— Dorothée Barba (@dobarba) August 18, 2020
Grace Ly, à la fin de cet entretien, a parlé de Chimamanda Ngozi Adichie, écrivaine nigériane.
— Dorothée Barba (@dobarba) August 18, 2020
Non, on ne s’épargne pas le patronyme d’une personne sous prétexte qu’il est trop compliqué à prononcer. C’est tout simplement sexiste et raciste. Je coche deux cases d’un pas joli bingo.
— Dorothée Barba (@dobarba) August 18, 2020
Si j’avais entendu ça à la radio, en tant qu’auditrice, j’aurais été ulcérée. Non, on n’appelle pas une femme par son prénom parce que « c’est plus simple ». Cela contribue largement à l’invisibilisation des femmes.
— Dorothée Barba (@dobarba) August 18, 2020
Je suis désolée.
Et lisez donc « Americanah », de Chimamanda Ngozie Adichie !— Dorothée Barba (@dobarba) August 18, 2020
Conclusion ? La terreur, à la mode soviétique, semble régner à France Inter, et plus généralement dans les médias de grand chemin. Non seulement, le fait de citer l’écrivain par son prénom n’est ni « raciste » ni « sexiste » (pourquoi donc, dans les deux cas ?) mais de plus n’importe qui peut avoir un simple trou de mémoire. Ou plutôt, devrait pouvoir. Ce n’est pas le cas : Dorothée Arba ayant senti le revolver du politiquement correct sur sa tempe a vite réagi et fait son autocritique, sans doute de peur d’être mise au ban du médiatiquement correct. Notons que 20Minutes a félicité Dorothée Barba pour avoir eu le « courage » de faire son « mea culpa », chose « assez rare pour être signalé ». Dans les cerveaux de la gauche libérale libertaire, Staline pas mort ?