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Un média indépendant accusé de haute trahison par le renseignement allemand

12 septembre 2015

Temps de lecture : 3 minutes
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Un média indépendant accusé de haute trahison par le renseignement allemand

Temps de lecture : 3 minutes

Depuis longtemps modèle économique, voici l’Allemagne érigée en modèle humanitaire pour sa gestion jugée exemplaire et généreuse de la crise des migrants. Mais pour ce qui est du démocratique, il faudra repasser. Une affaire récente révèle de façon inquiétante les carences de ce pays en la matière.

Un site d’in­for­ma­tion indépen­dant, Net­zpoli­tik, et deux de ses jour­nal­istes, sont en effet dans le col­li­ma­teur du ren­seigne­ment et de la jus­tice pour des faits… de haute trahi­son. Un chef d’accusation que l’on ne s’attend pas à ren­con­tr­er dans un pays démoc­ra­tique en 2015. L’af­faire fait un tol­lé out­re-Rhin, d’au­tant plus que ce chef d’ac­cu­sa­tion n’a pas été util­isé depuis 1962 en RFA et que le pro­cureur, Har­ald Range, qui avait ten­té de désamorcer la bombe judi­ci­aire en ordon­nant une exper­tise pour savoir si les jour­nal­istes avaient bien pub­lié des don­nées secrètes, a été mis d’office à la retraite par le min­istre de la Jus­tice, et rem­placé. L’affaire pose la ques­tion du droit à un procès équitable garan­ti par la Con­ven­tion Européenne des Droits de l’Homme.

Net­zpoli­tik est un petit média qui fête ses 11 ans ces jours-ci. Béné­fi­ciant d’une audi­ence assez mod­este – 40 000 vis­i­teurs par jour tout de même –, le site est en pointe sur la défense des lib­ertés numériques et la trans­parence de la vie poli­tique. Un de ses jour­nal­istes, Andre Meis­ter, a pub­lié, le 25 févri­er et le 15 avril, deux arti­cles qui ont forte­ment déplu au Bun­de­samt für Ver­fas­sungss­chutz (BfV, Office fédéral pour la pro­tec­tion de la Con­sti­tu­tion) qui fait office de ren­seigne­ment intérieur allemand.

Dans le pre­mier arti­cle, le site don­nait le bud­get détail­lé de la struc­ture, bud­get qui comme la plu­part de ceux des ser­vices sim­i­laires est secret. Cela lui per­me­t­tait de con­stater que le BfV allait béné­fici­er d’une enveloppe de 2,75 mil­lions d’€ pour « analyser mas­sive­ment des don­nées Inter­net », en clair, fli­quer tout ce qui se passe sur le web alle­mand. Le sec­ond arti­cle du 15 avril appor­tait de l’eau au moulin de cette thèse en pré­cisant, à l’aide de nou­veaux doc­u­ments internes – et eux aus­si secrets – que le BfV était en train d’être doté d’une struc­ture de 75 agents, le Erweit­erte Fachunter­stützung Inter­net (EFI, sup­port inter­net éten­du spé­cial­isé), afin d’analyser le con­tenu des tchats et les don­nées de Facebook.

Pour avoir prévenu les Alle­mands que leur État s’ap­prê­tait à met­tre en place une sur­veil­lance mas­sive que n’au­rait pas reniée la Stasi – et qui est de sur­croît illé­gale, puisque la lég­is­la­tion alle­mande n’au­torise le BfV qu’à des inves­ti­ga­tions ciblées – Andre Meis­ter a été mis en cause suite à une plainte de Hans-Georg Maassen, prési­dent du ren­seigne­ment intérieur alle­mand. Le respon­s­able du site, Markus Beckedahl, est lui aus­si poursuivi.

Alors qu’en France la nou­velle loi sur le ren­seigne­ment rend très illu­soire la pro­tec­tion des sources des jour­nal­istes, avo­cats et autres par­lemen­taires, en Alle­magne, c’est car­ré­ment la lib­erté d’in­for­ma­tion qui est attaquée. Comme si, sans total­i­tarisme, sans guerre, sans dic­ta­teurs, sans canons braqués, les deux gou­verne­ments français et alle­mand, pour une fois sur la même longueur d’onde, s’af­fairaient paci­fique­ment à remet­tre en place des rideaux de fer tout en assur­ant, la main sur le cœur, vouloir défendre les idéaux démoc­ra­tiques européens…

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