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Un Nouveau Magazine Littéraire de moins en moins littéraire

7 novembre 2018

Temps de lecture : 5 minutes
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Un Nouveau Magazine Littéraire de moins en moins littéraire

Temps de lecture : 5 minutes

À l’approche des élections européennes de 2019, Le Nouveau Magazine Littéraire semble perdre pied, devenant de plus en plus un organe militant. Analyse de son numéro de novembre 2018.

Un petit tour comme rédac­teur en chef, trans­for­mant Le Nou­veau Mag­a­zine Lit­téraire en un men­su­el poli­tique mil­i­tant, et Raphaël Glucks­mann s’en est allé, dans un grand élan comique, rem­placé par Nico­las Dom­e­n­ach, dont les hypothé­tiques com­pé­tences en matière de lit­téra­ture devi­en­nent ain­si de notoriété publique. Le lecteur pou­vait imag­in­er un peu de change­ment, il y en a bien peu, la voca­tion actuelle de ce mag­a­zine parais­sant devoir con­tin­uer de s’ancrer tou­jours plus dans la poli­tique, plutôt que dans la lit­téra­ture. Le dossier de novem­bre 2018 pro­posant à l’évidence (c’est de l’ironie) un car­ac­tère lit­téraire affirmé :

Domenach où l’édito qui broie des années sombres

Pour com­mencer son édi­to, Nico­las Dom­e­n­ach n’y va pas avec le dos de la cuiller, en appelant aux sacro saintes années 30 et au retour de la grande men­ace : « Le 19 décem­bre 1938, le député de droite extrême Philippe Hen­ri­ot mon­tait à la tri­bune de l’Assemblée nationale pour dénon­cer la vac­ci­na­tion oblig­a­toire antidiph­térique. Le futur min­istre de l’information de Vichy, « le Goebbels fançais », mul­ti­pli­era alors ce qu’on appellerait aujourd’hui des fake news (…) Les mêmes intox qui font florès aujourd’hui, et d’abord à l’extrême droite, non seule­ment en France, mais en Ital­ie, au Brésil, en Grande-Bre­tagne, en Russie… Ce sont elles qui por­tent la pro­pa­gande pop­uliste ».

Sim­ples remarques :

  • la recette ayant con­duit au départ de Raphaël Glucks­mann, dans une ambiance d’échec économique cri­ant du mag­a­zine, est pro­longée sous la nou­velle direc­tion : mil­i­tan­tisme de gauche pro-européiste pré­ten­du­ment « antifa » outrancier.
  • l’obsession poli­tique ne peut que con­duire à s’interroger sur ce qu’il reste de « lit­téraire » dans ce Nou­veau Mag­a­zine Lit­téraire.
  • le nou­veau rédac­teur en chef est par­venu à plac­er les années 30, Hen­ri­ot, Vichy et Goebbels, autrement dit le nazisme, et à met­tre ces élé­ments en rela­tions avec les mou­ve­ments pop­ulistes con­tem­po­rains, le tout en une dizaine de lignes. Ce n’est pas une infox/fake news mais un éton­nant rac­cour­ci, légère­ment (soyons indul­gents) ori­en­té sur un plan militant.

Nico­las Dom­e­n­ach repère donc 9 « menteurs pop­ulistes », « manip­u­lant » nos con­sciences, et amal­game cela avec quelques réflex­ions rapi­des sur ce qu’est une fake news, comme si ces 9 « menteurs », qui sont tout de même des dirigeants poli­tiques, dont les chefs d’États comme la Russie, les États-Unis, Israël, l’Italie, étaient les pro­duc­teurs de ce que Dom­e­n­ach nomme « dés­in­for­ma­tion ». L’éditorialiste ne paraît du reste pas saisir qu’il donne qui­tus au com­plo­tisme, d’abord en voy­ant, sans grande pré­ci­sion, des tireurs de ficelles, puis en pra­ti­quant l’amalgame, enfin en affichant la déla­tion gra­tu­ite en cou­ver­ture de l’organe de presse à lui con­fié par les grands financiers, Per­driel et Niel.

Un dossier qui rappelle ceux d’une autre mouvance

Durant la 2e Guerre Mon­di­ale, quelques organes de presse se sont illus­trés par leurs out­rances et leur façon de dénon­cer, sans pren­dre appui sur des faits, avec un ton qui est aujourd’hui con­sid­éré comme le ton par excel­lence de l’extrême droite mil­i­tante. C’est pour­tant ce même ton que l’on retrou­ve pour annon­cer le dossier du Nou­veau Mag­a­zine Lit­téraire : « Trump, Pou­tine, Netanya­hou, Le Pen, Salvi­ni, Orban, Bol­sonaro… Partout s’installent des dirigeants qui mentent, manip­u­lent, jouent de l’intox. La vérité (sic) n’est plus leur prob­lème. Et, sous leur impul­sion, le rêve d’une mon­di­al­i­sa­tion heureuse, fondée sur la libre cir­cu­la­tion des savoirs véri­fiés (par le Nou­veau Mag­a­zine Lit­téraire ?), se trans­forme en un vaste cauchemar où les faits sont ravalés au rang d’opinions et les opin­ions rha­bil­lées en vérités par la magie des « faits alter­nat­ifs ». Nos démoc­ra­ties doivent se défendre con­tre cette forme de cor­rup­tion qui s’attaque à la con­nais­sance et au lan­gage même ». L’accroche n’est pas hal­lu­ci­nante mais plutôt hal­lu­cinée tant le chaos sem­ble proche. La sit­u­a­tion serait donc cauchemardesque ? Pourquoi ? Parce que des dirigeants poli­tiques pensent autrement que Dom­e­n­ach, crime suprême, et, pire encore, parce que des peu­ples ont une vision autre de l’avenir que celle qui leur est ven­due et imposée par les rich­es sou­tiens financiers du mag­a­zine ? La finesse argu­men­taire sem­ble bien mince.

Vérités alternatives

Les axes du dossier visent ensuite à « démon­tr­er » cette thèse de dirigeants poli­tiques pop­ulistes ayant du crédit du fait de leur pré­ten­due util­i­sa­tion de « vérités alter­na­tives », ce qui pro­longe l’habituelle mépris du peu­ple, en usage dans le monde des bobos, ce peu­ple inca­pable, con­traire­ment aux jour­nal­istes parisiens, de com­pren­dre quoi que ce soit à « la mon­di­al­i­sa­tion heureuse ». Ces axes s’égrènent en 9 arti­cles et sur 20 pages :

  • La vérité est ailleurs
  • Boris John­son, le maître des euromythes
  • L’Italie à la botte des fake news
  • Trump-Netanya­hou comme lar­rons en foire
  • Les fic­tions de Poutine
  • Les jour­nal­istes tra­vail­lent mal
  • Une droite inquiète face au bull­shit de Wauquiez
  • L’ère du conspirationnisme
  • Machi­av­el, la fausse cau­tion des menteurs

Les bottes au secours des mythes

Ain­si, ils « mentent », « con­spirent », sont de « droite », men­a­cent les vrais « jour­nal­istes », inven­tent des « fic­tions », créent un monde de type X‑Files (la vérité est ailleurs), usent de « mythes » et de « bottes », deux mots relat­ifs à la droite extrême dans l’optique libérale lib­er­taire usuelle. La page 47 con­sacrée au con­spir­a­tionnisme est extra­or­di­naire : elle dénonce la rhé­torique du « tout est caché », « on vous ment », « on vous manip­ule », indi­quant que ce sont les mamelles du dan­ger. Autrement dit, une page qui pour­rait juste­ment s’appliquer à la per­fec­tion à ce numéro du Nou­veau Mag­a­zine Lit­téraire. C’est à se deman­der si le rédac­teur en chef a pris la peine de lire le dossier qu’il publie.

Suiv­ent 5 con­seils de lec­ture mais… aucun de ces livres ne porte débat sur la manière d’envisager les choses du men­su­el dit lit­téraire, lequel affirme pour­tant page après page se piquer de démoc­ra­tie. De la démoc­ra­tie sans débats, juste­ment, c’est cela la racine des soucis et préoc­cu­pa­tions qui les ani­ment mais que ne voient (tou­jours pas ?) Dom­e­n­ach, Glucks­mann et leurs amis. Per­suadés que le débat démoc­ra­tique ne peut avoir lieu que dans un entre soi con­fort­able, ils exclu­ent les humains préférant le club des « 9 menteurs », ce qui, entre nous, com­mence à faire pas mal de monde.

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