Nous avons publié plusieurs articles sur les délires de l’antiracisme devenu raciste. De la mort de George Floyd à Minneapolis à la folie médiatique au sujet de la pseudo-affaire Obono en passant par la danse du ventre autour de la bande Traore. C’est un point de vue suisse (en partie discutable mais nourri) que nous apporte un universitaire suisse dans les colonnes de notre confrère L’Antipresse de Slobodan Despot.
Olivier Moos : les jacobins de l’antiracisme
Olivier Moos a un doctorat en Histoire contemporaine (EHESS et Université de Fribourg). Il nous a proposé en 2019 une réflexion posée sur les idées directrices de la grève des femmes du 14 juin. Cette fois-ci, il se penche de manière rationnelle et distanciée sur le phénomène « Black Lives Matter ». Son analyse est un véritable petit livre. Nous le proposons en téléchargement libre aux formats PDF et e‑book (liens au bas de l’article). En guise d’introduction, nous lui avons posé quelques questions au sujet de son travail.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous pencher sur ce phénomène ?
Un mélange de frustration et de curiosité. La grande presse n’a que rarement offert une analyse dépassant l’événementiel: des séries de manifestations spontanées, motivées par l’indignation causée par la vidéo de la mort de George Floyd à Minneapolis, avec diverses formes de violence sur leurs marges. À bien des égards, le phénomène a été décrypté à la lumière des slogans des manifestants. Or il m’a semblé que c’était plutôt le gouffre entre la réalité du racisme dans les pays occidentaux et les hyperboles catastrophistes des militances antiracistes qui méritait interrogation.
En somme, j’ai voulu tenter d’expliquer le très rapide glissement de la mort d’un Afro-Américain dans une ville qu’aucun Européen ne sait placer sur une carte, au vandalisme de la statue de Winston Churchill à Londres. Ce n’est pas l’indignation morale mais le cadrage idéologique des événements qui explique ce glissement.
Vous sentez-vous libre dans votre pensée et votre expression en abordant ce sujet hautement explosif ?
Dans le contexte francophone, oui. Le sujet n’est délicat que dans la mesure où nous laissons, par couardise ou par paresse, les zélotes donner le tempo du débat public et décider des opinions légitimes. Je m’attends aux inévitables ad personam mais, dans l’ensemble, je crois que ma position est raisonnable. Quant à savoir si elle est pertinente, c’est une autre question.
La tabula rasa culturelle qu’on observe aux États-Unis est-elle comparable avec ses répliques sur le Vieux Continent ? De manière générale, quelle est l’extension géographique et géopolitique du phénomène ?
Black Lives Matter n’est qu’une des manifestations contingentes d’un phénomène plus large qui s’apparente à une révolution culturelle, c’est-à-dire le rejet de la tradition humaniste et libérale au profit d’une vision antiscientifique et la quête d’une Justice cosmique, d’un égalitarisme absolu. Le bon sens est envoyé en Sibérie, l’universalisme fait place à un archipel d’identités, l’individualisme est noyé dans le collectif. Ce n’est pas un hasard si ce phénomène s’accompagne d’une obsession de la pureté et du péché, une certitude d’infaillibilité morale, une peur du blasphème, des rituels d’expiation…
Sa portée et son impact sont difficiles à mesurer, mais il est clairement observable, avec des degrés d’intensité très variables, dans les champs culturels d’abord nord-américain, puis par contagion européens.
Malgré ce label d’origine, les comportements que vous identifiez sous le terme de la tabula rasa culturelle — les appels à la censure dans les campus des universités de l’Ivy League, les législations du langage, la «décolonisation» de nos mémoires historiques, le nettoyage des productions culturelles — sont néanmoins devenus des produits d’exportation. Les consommateurs se trouvent dans certains marchés niches, surtout anglo-saxons, mais aussi dans les franges militantes des gauches européennes, certaines facultés universitaires et, inévitablement, ces idées infiltrent aussi les institutions. Au-delà, c’est l’échec. Le commun des mortels n’y comprend rien et on ne peut pas l’en blâmer; il faut vraisemblablement avoir un diplôme universitaire pour avaler ces couleuvres révolutionnaires.
L’antiracisme contemporain, tout comme l’autoflagellation culturelle par ailleurs, est un monologue d’élites occidentales. C’est un outil autant au service du signalement ostentatoire de vertu et des stratégies de positionnement que de la lutte contre le racisme et ses effets.
Pensez-vous que votre travail serait publiable aujourd’hui dans une revue académique en Suisse ou ailleurs en Europe ?
Pas sous cette forme. Mais avec une thèse plus robuste et plus étayée, débarrassée de ses provocations, j’imagine que oui.
Pouvoir publier n’est probablement pas la question. Le problème réside ailleurs. Dans le monde académique, les questions relatives aux disparités de genre ou de populations tendent à être interrogées selon un nombre de paramètres implicitement limités. Rien n’est censuré, bien sûr, mais il y a des hypothèses qu’il est impoli de formuler. Ce n’est pas en raison d’une idéologie mais plutôt d’un problème d’endogamie: dans certaines facultés, l’uniformité intellectuelle semble être devenue une vertu. Toutes les diversités sont une richesse, sauf celle des idées.
NB : le téléchargement du livre d’Olivier Moos est réservé aux abonnés de L’Antipresse. Un abonnement que nous ne pouvons que recommander.