À l’occasion de la sortie, jeudi 21 juillet, du rapport sur la ruée des oligarques sur les médias, le président de Reporter sans frontières (RSF) s’est confié à Libération.
Pour Christophe Deloire, que l’on soit en Turquie, en France ou au Brésil, une constante se dégage : « l’argent est un facteur d’atteinte à la liberté et à l’indépendance de l’exercice du journalisme. » Or depuis plusieurs années, « il y a un vrai mouvement d’achat, de captation de médias et de groupes de médias par des oligarques », estime-t-il.
Si le mot oligarque renvoie bien souvent à la Russie, celle-ci est loin d’avoir l’exclusivité du problème. En Turquie, on observe une captation des médias par des proches d’Erdogan ; en Inde, toutes les chaînes de télévision diffusant de l’information sont entre les mains de milliardaires ; au Brésil, ce sont 40 parlementaires, les « 40 Berlusconi », qui possèdent des groupes de médias…
Partout, ces oligarques « utilisent leurs médias comme des battes de base-ball médiatiques », estime M. Deloire. « Les propriétaires peuvent réclamer des actions directement aux médias qu’ils possèdent ou parfois le simple fait de posséder un média est une influence en soi », note-t-il également. Car, il faut le souligner, le but de l’oligarque n’est pas nécessairement de développer son média mais « d’exercer son influence », qu’il s’agisse d’une influence politique ou d’une volonté de promouvoir ses activités économiques via son groupe de presse.
« C’est tellement mieux quand les journalistes veulent vendre des journaux et pas des avions », juge Christophe Deloire. Et celui-ci de citer le cas de la France, guère épargnée, où « il y a une forme de concentration qui va de pair avec le rachat par des hommes d’affaires, notamment dans le secteur des télécommunications », comme par exemple avec Patrick Drahi, Vincent Bolloré, Xavier Niel, Matthieu Pigasse, etc… Pour Deloire, il y a « manifestement une partie d’entre eux qui utilisent leurs médias pour servir les intérêts économiques de leur groupe ou des intérêts personnels ».
Pour résoudre ce problème majeur, comme le font d’autres pays, la Norvège et les Pays-Bas par exemple, il faut « une indépendance éditoriale garantie par l’existence de procédures, des codes, des chartes bien définies au sein de chaque média ». « Le pluralisme, ça doit être un pluralisme d’information journalistique sans interférence, sans pressions et avec des visions du monde différentes », conclut le président de RSF.
Voir aussi
Infographies de Patrick Drahi, du groupe Bolloré, de Xavier Niel et de Matthieu Pigasse