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Une étude de l’Institut Montaigne : les grands médias français excluent certains débats hostiles à l’élite

28 juin 2019

Temps de lecture : 3 minutes
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Une étude de l’Institut Montaigne : les grands médias français excluent certains débats hostiles à l’élite

Temps de lecture : 3 minutes

Si aux États-Unis, le clivage gauche/droite structure les médias et leurs représentations, en France la césure se situe entre médias officiels et médias périphériques. Tel est un des enseignements d’une étude menée par le MIT américain et le Médialab de Sciences-Po pour l’Institut Montaigne.

États-Unis, un espace coupé en deux

L’étude reprend la dis­tinc­tion chère aux libéraux lib­er­taires entre médias cen­traux (CNN, Wash­ing­ton Post, New-York Times), tous respecta­bles, tous anti-Trump, tous con­formes à la doxa et un espace opposé de « médias d’extrême-droite » dom­inés par FOX News et Bre­it­bart. Les derniers col­por­tent des infor­ma­tions « douteuses, fauss­es, con­spir­a­tionnistes, extrêmes ».

Pour sim­pli­fi­er : une infor­ma­tion con­traire aux intérêts de la caste libérale lib­er­taire est par essence « extrême et con­spir­a­tionniste ». Le devoir du « bon jour­nal­iste qui veut sauver la démoc­ra­tie » est de ranger toute infor­ma­tion con­traire à son univers idéologique libéral dans la rubrique « fake news ». Ce terme devient un iden­ti­fi­ant qui vise à dis­qual­i­fi­er toute ten­ta­tive de plu­ral­isme idéologique. Pour main­tenir le mono­pole, il faut dia­bolis­er tout émet­teur con­cur­rent. L’étude ne l’énonce pas ain­si mais la con­clu­sion (involon­taire) vient d’elle-même.

En France, les garde-frontières veillent

L’espace est struc­turé dif­férem­ment en France. Il existe une sol­i­dar­ité de fait entre les médias dits cen­traux (Le Monde, Le Figaro, Libéra­tion, RTL, BFM etc) pour traiter cer­tains sujets plus ou moins de la même façon et surtout en éviter d’autres. Comme le dit naïve­ment un des auteurs dans un entre­tien « En France, les grands médias ont davan­tage joué le rôle de garde-fron­tières, dis­ant que cer­taines dis­cus­sions ne méri­taient pas d’être tenues. C’est très éli­tiste, mais égale­ment très sain. ». Cha­cun appréciera le rôle de « garde-fron­tières » prisé par l’auteur qui y voit un signe de santé.

Un autre auteur de l’étude con­state l’homogénéité de la pro­fes­sion (con­traire­ment aux États-Unis) :

« Cela tient à l’histoire de la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion jour­nal­is­tique, à l’homogénéisation des tra­jec­toires pro­fes­sion­nelles et des sys­tèmes de for­ma­tion, à la cen­tral­ité parisi­enne des rédac­tions, à un sys­tème de sur­veil­lance mutuelle et de cri­tique fondée sur les règles de la déon­tolo­gie jour­nal­is­tique. Évidem­ment, cette sit­u­a­tion présente des avan­tages ». Cha­cun com­prend les avan­tages d’un sys­tème de « sur­veil­lance mutuelle ».

Comme le Panop­tique de Jérémy Ben­tham, un sys­tème car­céral où le pris­on­nier avait le sen­ti­ment d’être sur­veil­lé à tout moment.

Un système français en vase clos

Un petit incon­vénient ? L’oubli du peu­ple par les élites tout sim­ple­ment. «Bloc éli­taire» con­tre «bloc pop­u­laire» ce sont les ter­mes du poli­to­logue Jérôme Sainte-Marie, auteur du récent ouvrage Nou­v­el Ordre démoc­ra­tique. Un des intérêts de l’étude est de quan­ti­fi­er à quel point les médias cen­traux se citent, se ren­voient la balle, sont dans une espèce de con­nivence. Les médias dits périphériques (de Causeur à Élé­ments, des Jours au Média ou à QG, de ER à Poli­tis, etc) citent eux-mêmes les médias périphériques même s’ils les critiquent.

Les jour­nal­istes du cœur médi­a­tique ont érigé une triple fron­tière invis­i­ble. Fron­tière entre médias « respecta­bles » et les autres. Fron­tière entre les thèmes recom­mandés (la mode LGBT++) et les thèmes à ban­nir (l’immigration). Fron­tière séman­tique, on est passé de clan­des­tin à migrant, puis de migrant à réfugié. C’est aus­si comme cela que les médias offi­ciels passent à côté du mou­ve­ment des gilets jaunes, un mou­ve­ment cap­té par les médias en dehors du sys­tème français comme la chaîne russe RT.

L’étude est pas­sion­nante : aus­si bien par ses biais idéologiques par­fois exprimés ou la recon­nais­sance naïve d’un sys­tème de garde chiourmes (la fameuse sur­veil­lance mutuelle) que par sa méthodolo­gie. À lire de toutes façons.

Voir l’é­tude : Media polar­iza­tion “à la française” ? Com­par­ing the French and Amer­i­can ecosystems

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