Souvenez-vous. Mardi 10 mars, Patrick Cohen découpait sa carte de presse en direct à l’antenne de France Inter, en solidarité avec sa consœur Pascale Clark qui s’était vue refuser le renouvellement de la sienne. Acte courageux ou… caprice ridicule ? Plutôt la deuxième suggestion à en croire une journaliste anonyme de la station…
Dans « Le Plus » de L’Obs, cette journaliste titulaire d’un CDD dénonce un Patrick Cohen coupé des réalités. D’ailleurs, « dans la maison, les stars de la matinale sont à peu près aussi accessibles pour les journalistes de la boîte que pour le reste de la France », c’est dire… Et celle-ci de dresser le portrait de l’échelle sociale de France Inter : « Tout en bas de l’échelle, il y a le stagiaire – qui n’a pas de prénom– puis le pigiste, le CDD (moi) et enfin le Graal : la titularisation. »
Pourtant, Marie, c’était « (son) rêve » que de travailler dans cette maison. Aujourd’hui, elle conserve ses illusions mais ne peut que constater une réalité des plus difficiles. « Payée 65 euros net la journée, je pense que j’ai vécu en dessous du seuil de pauvreté en bossant parfois jusqu’à 15 heures par jour… », confesse-t-elle en évoquant ses débuts.
Aujourd’hui, elle a eu accès au « planning » et s’estime « bien payée, à la hauteur de ce que je fais. Mais les conditions de travail sont assez inhumaines »... Le planning, à Radio France, c’est une sorte de liste d’attente où l’on est placé pour pouvoir remplacer, à tout moment et partout en France, les titulaires en place. « Être CDD à Radio France, c’est faire une croix sur Noël, les vacances scolaires et le Nouvel an. Les vacances, c’est janvier ou novembre », explique la jeune journaliste.
Mais qu’en est-il pour les titulaires que sont, par exemple, Patrick Cohen et Pascale Clark ? « Une fois titularisés, les journalistes de Radio France sont très protégés. Parfois j’enrage. Certains devraient être à la retraite, n’ont plus envie de travailler, voire font des erreurs flagrantes… mais restent en place quand, moi, je me serais faite éjecter dans la minute. Ce système à deux vitesses est incompréhensible », peste-t-elle.
Et de juger que « le système est vicieux parce que nous sommes déconnectés de notre quotidien, ce qui nous empêche d’avoir du recul sur ce qu’on vit ». Un exemple ? « Je connais certains journalistes, présentateurs à Paris depuis 10 ou 15 ans et qui ne savent plus ce qu’est le terrain. Ils parlent d’agriculture mais n’ont pas parlé à un agriculteur depuis des années »…
« Je suis un bouche-trou, mais je suis un bouche-trou dans un métier et une entreprise que j’adore. C’est d’autant plus frustrant », ajoute Marie. Après avoir vu Patrick Cohen se donner en spectacle en découpant sa carte de presse, elle aimerait « un peu plus de reconnaissance de la part de ceux qu’on remplace, de ceux qui nous embauchent. S’ils peuvent voir grandir leurs enfants et passer Noël en famille, c’est parce qu’un de nous les remplace. Et nous, on habite à l’hôtel la moitié de l’année. »
Mais cette dernière ne se plaint pas pour autant. « J’ai signé pour ça, je ne suis pas une victime, mais j’aimerais qu’on soit traités avec plus de compréhension et d’humanité », explique-t-elle. Et de conclure, lucide : « Du haut de sa tour d’ivoire, je ne pense pas que Patrick Cohen se rende compte de ce à quoi ressemblent les vies des journalistes de Radio France. »
Car à ce jour, à notre connaissance, personne n’a encore découpé publiquement sa carte de presse pour dénoncer les conditions de travail des journalistes de la base…