C’est un peu un serpent de mer dont la tête doit émerger début 2019. La création d’une Maison des médias à Paris dans un immeuble à rénover, boulevard de Charonne dans le XIème, dont le propriétaire est la ville de Paris. Un projet lancé en 2017, dont le chef de file sera choisi début 2019 pour une ouverture en 2020/2021. État des lieux.
Un immeuble à réaménager
“Poste Nation I” au 67–69 boulevard de Charonne à Paris, ancien bâtiment occupé par Enedis (qui gère la distribution d’électricité en France quelque soit le fournisseur, EDF ou un concurrent), avait été aménagé par son occupant en poste de transformation électrique. Le transformer en immeuble commercial de bureaux nécessitera de gros travaux.
Il existe déjà une Maison des économies solidaires et innovantes, sur le canal de L’Ourcq. Une réalisation de la ville de Paris qui domine le conseil d’administration. Elle regroupe des acteurs dédiés à la lutte contre le gaspillage comme le Chainon manquant (distribution des surplus des professionnels de l’alimentation), Shamengo (qui réalise des portraits d’entrepreneurs « verts »), des sociétés de distribution écologiques comme Biocycle etc, le tout avec une tonalité de gauche rose/rouge/vert. Envisagée comme Maison des médias, la surface s’est révélée trop exiguë.
La gauche Médiapart en ordre de bataille
Nous vous en informions le 17 avril 2018, Olivier Legrain, capitaine d’industrie, mécène et psychothérapeute (sic) a proposé de mettre plusieurs millions d’euros pour une « Maison des médias de gauche » :
« Un riche mécène, Olivier Legrain (ancien directeur de Materis, maintenant Président de Mersen, matériel électrique) va investir dans une Maison des Médias Libres. L’immeuble est déjà choisi avec le concours de la mairie de Paris, au 67 boulevard de Charonne, dans le XIème arrondissement. Olivier Legrain est déjà actionnaire du tout en ligne gauchiste Bastamag et des Jours fondés par des anciens de Libération. Selon La Lettre A du 18 juillet 2017, il mettrait plusieurs millions d’euros sur la table pour accueillir un certain nombre de rédactions « conformes » soit entre 300 et 500 personnes. @rrêtsurimages de Daniel Schneidermann aurait décliné l’invitation. Par contre Alternatives économiques, Les Jours, Bastamag, Poltitis, Mediapart suivraient le mouvement. Mediapart est chef de file et fait partie des quatre candidats à l’appel d’offres Legrain/Mairie. Le projet pourrait voir le jour à un horizon 2020/21. »
Le projet rebondit à l’automne 2018 avec l’examen des appels d’offres pour répondre au projet de mise à disposition de la ville de Paris. La Maison des médias libres, tel est le nom du projet dont le chef de file est Médiapart, rassemblerait les rédactions d’une partie de la gauche libérale libertaire. Outre les titres cités plus haut, le groupe So Press (Society, So Foot, Pédale etc…), Le Monde diplomatique, Reporterre d’Hervé Kempf, Philosophie magazine, les éditeurs Le Seuil et Les Arènes. D’autres titres pourraient venir s’amalgamer. Le titre du projet Les Médias libres laisse aimablement entendre que les autres médias ne le seraient pas.
La candidature de Médiapart et alliés est soutenue par une brochette de soutiens progressistes, habitués des tribunes libres du Monde. Ils en ont d’ailleurs publié une le 15 octobre 2018 pour appuyer cette candidature, avec les signatures habituelles d’Edgar Morin, Patrick Boucheron, William Bourdon et autres Thomas Piketty :
« Ce serait à la fois un lieu public de rencontre et d’échange, d’exposition et de formation autour du journalisme, et un lieu professionnel proposant des locaux à des médias unis par la défense de l’indépendance et de la liberté de l’information. La grande diversité des promoteurs de ce projet en garantit le pluralisme, tout comme leur engagement à faire de ce lieu un espace de débat et de réflexion, d’expérimentation, de promotion de nouvelles formes de production et de diffusion de l’information, ouvert à tous les publics et accessible à tous les médias qui le souhaitent.»
On peut sourire de l’appel au pluralisme et au débat et à la réflexion, et de l’ouverture à tous les publics, quand on voit la liste à la fois des signataires et des médias considérés, tous habitués à l’entre soi de principe et à un étroit politiquement correct.
91 projets déposés, quatre finalistes
La rénovation du bâtiment de 6000 m² nécessitera des financements de plusieurs dizaines de millions indique La Lettre A du 17 octobre 2018. La liste des finalistes n’est pas encore connue officiellement, mais quatre projets semblent se distinguer. Outre la Maison-des-médias-de-gauche-pluraliste-pour-la-liberté-et-le-débat déjà citée, le groupe immobilier Nexity, un autre acteur immobilier Novaxia et un groupe familial Batipart. Nexity propose une « cité ludique », Novaxia un « théâtre immersif » et Batipart un « MurMure ».
Une grande confusion règne sur la composition du jury, en théorie anonyme. Certains concurrents ignoreraient les noms des membres alors que d’autres en seraient informés, facilitant ainsi des démarches diverses et variées pour les influencer. Le premier président du jury qui choisira (ou aurait déjà choisi) les finalistes est le socialiste Emmanuel Grégoire, devenu premier adjoint d’Anne Hidalgo. Le président du jury qui départagera les finalistes est Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l’urbanisme.
Le choix sera à la fois financier et politique. Financier car il faudra pouvoir compter sur un promoteur professionnel et financièrement à l’aise, de ce point de vue, Nexity ou Novaxia sont mieux placés. Mais d’un autre côté, attribuer un bâtiment prestigieux un an avec les élections municipales à Paris, à une ribambelle de médias-de-gauche-pluraliste-libertaire-libérale-politiquement-conforme peut représenter un atout de choix pour Anne Hidalgo dont la réélection est tout sauf certaine.