Il est intéressant de regarder la façon dont un organe de la presse quotidienne rend compte de l’actualité au long d’une semaine, en particulier quand cette presse fait parfois, ouvertement ou en catimini, quasi officiellement partie de la presse gouvernementale. Cette semaine, Libération.
L’OJIM a souvent évoqué Libération, quotidien libéral-libertaire par excellence dont la direction actuelle ne paraît pas s’apercevoir combien elle a accompagné l’advenue du monde économique, politique et idéologique actuel qu’elle annonce combattre.
Quelques exemples récents :
Tournons-nous vers les Unes de la semaine du 25 avril au 1er mai.
Samedi 25 et dimanche 26 avril 2020
Une première page qui insiste sur le « pays à l’arrêt », la « sidération » et la « prise de conscience » à l’aide de photographies de Mathias Depardon. Il s’agit de « montrer » la France profonde, depuis un angle bobo.
Une autre accroche rappelle que le quotidien est bien Libération : « Souvenirs de Ramadan »
Lundi 27 avril 2020
La Une montre un Édouard Philippe « flou » car sans doute… dans le flou et Libération propose des titres sérieux sur le déconfinement. L’heure n’est pas à la rigolade : le premier ministre prépare la présentation du plan de déconfinement attendu par tous les Français, le lendemain.
Cependant, Libération n’échappe toujours pas à son environnement idéologique : en bas de page, une accroche « culturelle » pour lire un article intitulé « happy mondays à la Barbade : drogue, drogue et rock’n’roll ». Culture mondialiste, quand tu nous tiens…
Mardi 28 avril 2020
Le jour de l’annonce du plan de déconfinement devant l’Assemblée nationale, par le premier ministre, Libération se veut offensif, avec une image semblant signifier que nos sommes « sous cloche » car les masques n’ont pas été libérés.
« Mensonges », « incurie », rien que de très vrai, un dossier que le désintox gouvernemental n’a pas à notre connaissance mis sur son site. Le mot « révélations » choisi par le quotidien pour montrer que ce ne sont pas seulement les gouvernements précédents qui sont responsables mais aussi l’exécutif actuel, parfaitement au courant des manques stratégiques, un exécutif qui a « sciemment menti ». La chose n’est guère révélée, qui en doutait encore ? Elle serait plutôt confirmée.
En haut à droite, une étrangeté : « Henri Weber, la gauche en peine ». Plus personne ou presque ne sait qui est l’homme décédé, leader de Mai 68, longtemps acteur du parti socialiste. Retour de Libération à son idéologie, comme chaque jour : un zeste de libéral libertaire. Le quotidien ne paraît pas saisir que son histoire propre est intimement liée à la catastrophe actuelle qu’est l’organisation du monde, du rejet de la souveraineté en passant par la pédophilie/partouzophilie comme art de vivre parisien à la fin du 20e siècle ou encore les migrations de masse. Divers aspects d’une conception unique du pouvoir dont Libération s’est et se fait toujours les choux gras. Il ne suffit pas que Joffrin tire d’un coup un trait sur Matzneff pour que la pédophilie disparaisse des archives de ses pages. Weber, jamais accusé de cette horreur, paix à son âme, fait partie de toute une époque, avec un Cohn-Bendit : celle de l’arrivée au pouvoir du socialisme mitterrandien, dont Jack Lang, Pierre Bergé etc. Du beau monde ou bel immonde, comme on voudra.
Mercredi 29 avril 2020
Outre « le p’tit Libé » qui annonce un « les virus expliqués aux enfants », avec image de virus rigolo en sus, la Une a la délicatesse d’annoncer le décès de Robert Herbin, mythique joueur puis entraîneur de l’AS Saint-Etienne. Hasard ou non, l’annonce de ce décès du mythe du peuple vert de Saint Etienne figure au-dessus du bonhomme vert de la Une, bonhomme sous lequel est écrit « Déconfiné ». À gauche, un bonhomme rouge et « Déconfit ». Malheureux, heureux. Humour à la Libération. Le fil rouge : la France risque d’être coupée en deux. Libération ne s’est pas rendu compte que c’est depuis longtemps le cas : les populations soutenues par le quotidien pour des raisons ethniques, au nom de « l’antiracisme », étaient déconfinées avant même que le confinement ne commence.
Lors de sa présentation à l’Assemblée Nationale, le 1er ministre a d’ailleurs inversé les deux couleurs mais Libération ne le signale pas.
Jeudi 30 avril 2020
Grand moment d’humour à la Une de Libération : le quotidien de la France bobo de gauche libérale libertaire sociale-démocrate pro immigration de masse se souvient de ce que fut la gauche — un poing levé de prolétaires. Que le lectorat se rassure, c’est seulement une fois par an et sans doute pour retrouver bonne conscience du côté de Laurent Joffrin.
Le 1er mai sera donc confiné, un 1er mai de « télé-travailleurs et de télé-travailleuses », un humour qui montre à quel point le journal est devenu un quotidien de CSP + (au moins) : il parle à son lectorat, tandis que nombre de catégories populaires n’ont jamais été confinées professionnellement, obligées de travailler (grande distribution, routiers, infirmières…).
Moins drôle : le mouvement de grèves des loyers à new York. Le fait est éminemment sérieux dans une mégalopole où la pauvreté s’étend aussi vite que le virus. Il n’y avait peut- être pas de quoi rire en « osant » une formule comme « La grève des loyers pour ne pas se noyer ».
Une semaine peu convaincante, Libération navigue entre humour de faible intensité et volonté de traiter la gravité de la période avec le sérieux nécessaire. Une interrogation sur les épicentres les plus violents de l’épidémie, l’Europe de l’ouest ou New York pourrait conduire, dans un journal moins binaire, Libération à s’interroger : quel lien peut-on voir entre l’idéologie défendue par Libération depuis 40 ans et le fait que ce soient ces lieux qui sont aussi violemment touchés ?