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Valls / Dieudonné : d’un facho l’autre…

3 février 2014

Temps de lecture : 15 minutes
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Valls / Dieudonné : d’un facho l’autre…

Temps de lecture : 15 minutes

Jusqu’ici, l’ère Hollande pourrait décidément se résumer à la superposition de deux courbes. La première, rejoignant la diagonale, traduit la chute de crédibilité quasi linéaire du président et de son gouvernement dans les sondages. La seconde, sinusoïdale, exprime le recours au levier de l’antifascisme d’opérette, seul moyen imaginé pour redresser la première courbe, et dont l’usage est toujours plus compulsif à mesure que ce redressement paraît davantage hors de portée.

Tout sem­ble avoir telle­ment tourné à la farce depuis un an, qu’il y a sans doute une logique à ce que ce gou­verne­ment fasse désor­mais d’un comique l’ennemi pub­lic numéro 1.

En somme, le nœud de l’intrigue, qui pro­duit depuis plusieurs mois dans les médias français des sagas telle­ment grotesques et des tré­mo­los si solen­nels, est en réal­ité dra­ma­tique­ment sim­ple. À chaque fois, le gou­verne­ment orchestre et, dans leur grande majorité, les médias jouent la par­ti­tion. Durant la manif pour tous, les ligues des années 30 fai­saient trem­bler le pavé parisien. Acci­den­telle­ment tué d’un coup de poing dans une rixe, le jeune mil­i­tant Clé­ment Méric deve­nait le mar­tyr du retour sanglant des chemis­es brunes. Entre deux émeutes de ban­lieues, l’objectif se braquait sur Varg Vikernes, pour désign­er la tête d’un com­plot ter­ror­iste néo-nazi : le musi­cien de black métal ayant reçu par Inter­net le « livre » d’Anders Breivik… Léonar­da expul­sée, et c’était Anne Franck ver­sion Rom avec laque­lle il fal­lait com­patir, etc. Ces délires ne man­quèrent pas de recevoir en per­ma­nence l’accréditation prési­den­tielle, Hol­lande inter­venant depuis Tokyo lors de l’affaire Méric pour com­menter un fait divers, depuis l’Élysée lors de l’affaire Léonar­da pour se faire van­ner par une col­légi­en­ne de 15 ans, depuis Ryad lors de l’affaire Dieudon­né, pour tancer les dérives d’un humoriste. Au fond, tout sem­ble avoir telle­ment tourné à la farce depuis un an, qu’il y a sans doute une logique à ce que ce gou­verne­ment fasse désor­mais d’un comique l’ennemi pub­lic numéro 1. Si celui-ci ne doit plus être con­sid­éré comme tel parce qu’il ne donne plus des spec­ta­cles, mais des meet­ings, ain­si que l’a affir­mé Manuel Valls, gageons que le gou­verne­ment ne doit plus être jugé selon la per­ti­nence de sa poli­tique, mais selon la qual­ité de ses sketch­es… À moins que ceux-ci ne relèvent en fin de compte d’une stratégie aux ressorts inquiétants.

Valls contre-attaque

Lorsqu’on analyse froide­ment la sit­u­a­tion, toutes les « affaires » évo­quées précédem­ment parais­sent liées les unes aux autres et relever d’une même stratégie dont l’objectif est moins de sauver la France d’un quel­conque péril brun, qu’un gou­verne­ment ou des hommes aux abois. Ce n’est donc pas un hasard si l’affaire Dieudon­né suc­cède à l’affaire Léonar­da, puisqu’elle en est d’abord une con­séquence dans le cadre de la lutte interne des dirigeants social­istes. En effet, comme nous l’avions observé au sujet de l’affaire Léonar­da, celle-ci avait été mon­tée de toutes pièces dans l’objectif de nuire à Manuel Valls, seul min­istre pop­u­laire du gou­verne­ment Hol­lande, qui sus­ci­tait par­mi ses cama­rades une rancœur évi­dente. Après ce « coup bas », porté con­tre lui, le min­istre de l’intérieur se devait de réa­gir. Fas­cisé par ses col­lègues, il fal­lait qu’il fas­cise à son tour pour se blanchir d’avoir été assim­ilé à un préfet vichyste et qu’il reprenne ain­si à son pro­pre compte les com­man­des de l’arme morale unique de la gauche, en ren­ver­sant sa posi­tion d’assiégé vers celle de l’offensive. Comme cible, Dieudon­né ferait par­faite­ment l’affaire, l’humoriste, qui enchaî­nait les « provo­ca­tions » depuis de nom­breuses années, était comme à dis­po­si­tion d’une curée antifas­ciste. Ain­si, à peine plus d’un mois après l’affaire Léonar­da, Valls con­tre-attaque et met Dieudon­né dans son viseur, le 27 novem­bre, lors d’un dis­cours à la Mutu­al­ité. Mais il n’est pas encore temps de tirer…

Charger durant la trêve…

Stratège bien plus fin que ceux qui ont voulu le descen­dre à coups de Roms, Valls veut rentabilis­er à plein la cam­pagne anti-Dieudon­né. Aus­si attend-il le bon moment pour la lancer, qui n’est qu’à un mois de la désig­na­tion de sa cible : celui de la trêve des con­fiseurs. Comme le remar­que Cyril Lacar­rière dans L’Opinion du 30 décem­bre : « (…) il n’est donc pas idiot pour lui de s’ap­pro­prier la fameuse « tac­tique des petits cail­loux », autre­fois imag­inée par Dominique Strauss-Kahn ». Qu’est-ce que cette fameuse « tac­tique des petits cail­loux » ? Eh bien, ain­si que l’expose le même arti­cle : « En pleines fêtes de fin d’an­née, la qua­si-total­ité du gou­verne­ment par­tie se met­tre au vert, la sor­tie du min­istre de l’In­térieur a occupé tout l’e­space médi­a­tique du week-end. » L’ « espace médi­a­tique », con­sid­éré à juste titre par le gou­verne­ment non comme une zone cri­tique mais comme une sim­ple caisse de réso­nance, pro­duit for­cé­ment plus de son lorsqu’il est vide… Le con­tre­coup de l’affaire Léonar­da d’octobre, l’attente de Noël comme moment prop­ice, voici les deux élé­ments qui expliquent pourquoi Dieudon­né est devenu soudaine­ment l’ennemi pub­lic numéro 1 fin décem­bre 2013, sous un pré­texte (provo­ca­tion anti­sémite) qui aurait été tout à fait val­able à n’importe quel moment depuis des années, la provo­ca­tion la plus scan­daleuse de l’humoriste : faire remet­tre un prix à l’historien néga­tion­niste Robert Fau­ris­son par un homme déguisé en déporté, datant de décem­bre 2008.

Viser à long terme

Inter­dire Dieudon­né est donc davan­tage un moyen qu’un but. Les véri­ta­bles buts à attein­dre par ce moyen, Valls va avoir l’intelligence poli­tique de les mul­ti­pli­er. Le pre­mier de ces buts, le plus com­mun, que nous avons désigné en intro­duc­tion, est égale­ment noté par Philippe Bil­ger dans le Figaro du 30 décem­bre : « Pourquoi donc Dieudon­né a‑t-il été mis au cen­tre du débat pub­lic par le min­istre de l’In­térieur ? Parce que la lutte con­tre le racisme et l’an­tisémitisme est dev­enue, pour un pou­voir qui bat de l’aile, une cause rentable. » Le sec­ond est de se blanchir, le troisième est à plus long terme : « (…) faire inter­dire les spec­ta­cles de Dieudon­né lui per­me­t­trait de servir son des­sein, celui d’af­faib­lir le FN, don­né gag­nant des munic­i­pales », remar­que le Télé­gramme du 6 jan­vi­er. Philippe Wau­campt, dans Le Répub­li­cain Lor­rain (6 jan­vi­er), va plus loin : « En déplaçant le débat sur le ter­rain des valeurs, Manuel Valls lui donne du grain à moudre pour la cam­pagne des européennes. Le Front nation­al s’af­fichant déjà comme l’élé­ment cen­tral de celle-ci, le PS retrou­ve un espace poli­tique s’il se posi­tionne en prin­ci­pal adver­saire de la for­ma­tion de Marine Le Pen. Quant au locataire de la place Beau­vau, il ne réalise pas une mau­vaise opéra­tion per­son­nelle, puisque, ce faisant, il devient moins antipathique à son pro­pre camp. Con­di­tion indis­pens­able pour balis­er le chemin en direc­tion de Matignon. Et de plus haut encore en cas d’échec de François Hol­lande. » La con­tre-attaque de Valls, par le truche­ment de Dieudon­né, est donc à effets mul­ti­ples et place le min­istre dans la posi­tion de leader de l’antifascisme, adver­saire frontal de Marine Le Pen, prési­den­tiable crédi­ble boutant l’UMP hors de ce jeu où la for­ma­tion de droite aura du mal à se posi­tion­ner de manière pertinente.

Frapper fort

On com­prend aisé­ment qu’avec de sem­blables per­spec­tives, Manuel Valls ne lésine pas sur les moyens à employ­er, quitte à don­ner l’impression de pass­er out­re toutes les procé­dures démoc­ra­tiques, un comble devenu pour­tant si habituel dans les méth­odes des pré­ten­dus antifas­cistes. Ain­si le spec­ta­cle de l’humoriste, « Le Mur », dont la tournée devait débuter à Nantes le 9 jan­vi­er, va-t-il être inter­dit après que le min­istre de l’intérieur a saisi en appel (et en urgence) le Con­seil d’Etat, cas­sant la déci­sion du tri­bunal admin­is­tratif de Nantes, et sans même la présence des avo­cats de Dieudon­né. Ce dernier se plie, renonce à son spec­ta­cle et en four­bit un neuf délesté de tout con­tenu assim­i­l­able à de l’antisémitisme. Le min­istre savoure sa vic­toire, quand Jean-Jacques Urvoas, prési­dent PS de la com­mis­sion des lois de l’Assemblée nationale résume : « L’analyse de Valls, c’est de dire que le droit ne suf­fit pas et qu’il faut créer les con­di­tions d’une inver­sion de jurispru­dence, donc engager une bataille dans l’opinion. » On l’aura dev­iné, il s’agit ici de trans­former cette vic­toire très con­textuelle et très médi­a­tique en une vic­toire plus générale du « camp du Bien ». Par exem­ple, en assim­i­lant le jour­nal­iste Éric Zem­mour à Dieudon­né et Soral en cou­ver­ture du Nou­v­el Obser­va­teur, le 9 jan­vi­er, cou­ver­ture titrée sobre­ment : « La Haine ». Puisqu’il sem­ble qu’on ait pu obtenir de la jus­tice, même de manière dis­cutable, et peut-être de l’opinion (quoique la chute bru­tale dans les sondages du min­istre de l’Intérieur la semaine suiv­ante per­me­tte d’en douter) la con­damna­tion de Dieudon­né, il n’y a plus qu’à élargir la sen­tence à tous les adver­saires idéologiques, et rentabilis­er ain­si au max­i­mum la « victoire ».

Légions médiatiques

Dans cette cam­pagne, hormis dans quelques arti­cles comme ceux que nous avons cités qui soupçon­nent les enjeux politi­ciens der­rière la panique répub­li­caine sur-jouée, la presse répond glob­ale­ment aux objur­ga­tions du min­istre social­iste à la manière d’un instru­ment docile. Daniel Schnei­der­mann, célèbre obser­va­teur des médias et directeur d’Arrêts sur Image, l’exposera dans Libéra­tion, le 5 jan­vi­er : « En atten­dant, la presse suit. Bal­ance­ments cir­con­spects entre le pour et le con­tre, longs soupirs, hési­ta­tions inter­minables entre mau­vais­es solu­tions : «Qu’est-ce qu’on fait avec Dieudon­né ?» se deman­dent bruyam­ment les édi­tos. Inter­dire ses spec­ta­cles, ne pas les inter­dire ? Infer­nale ques­tion, où le plus infer­nal ne se niche pas où l’on pense. Le plus infer­nal, c’est ce sim­ple petit «on», qui sans qu’on y prenne garde, enrôle la presse der­rière Manuel Valls et les autorités con­sti­tuées fer­mant, une à une, les salles de spec­ta­cle au paria. Union sacrée devant le péril. Nul doute qu’il jubile dans sa barbe, le paria, à voir ain­si la presse se ranger incon­sciem­ment sous la ban­nière du min­istre de l’Intérieur. » Et en effet, la presse aurait très bien pu, tout en se faisant très cri­tique voire offen­sive envers Dieudon­né, ne pas pass­er pour dupe du pou­voir qui l’enrôle, lais­sant ain­si l’impression d’une una­nim­ité médi­ati­co-poli­tique révélant un « sys­tème » cohérent d’asservissement, exacte­ment comme le dénon­cent Dieudon­né et Soral, au lieu d’un équili­bre de pou­voirs et con­tre-pou­voirs ; un sys­tème qui ral­lie tous ses oblig­és à sa cause au moin­dre son de cla­iron, et jusqu’aux pré­ten­dus humoristes sub­ver­sifs, comme Nico­las Bedos, ajoutant sa pierre à la lap­i­da­tion oblig­a­toire sur le plateau de Lau­rent Ruquier.

Mort sociale

La « vic­toire » est facile­ment acquise, certes, mais que faire de l’ancien com­parse d’Elie, sol­dat per­du de l’antiracisme ayant retourné les armes con­tre son pro­pre camp ? Le sanc­tion­ner pour des pro­pos rel­e­vant de la jus­tice n’est pas suff­isant dans le cadre d’une guerre idéologique dont le prob­lème n’est pas de recadr­er un inter­locu­teur mais d’éliminer un enne­mi. Le jour­nal­iste Philippe Tes­son, le 9 jan­vi­er, sur Radio Clas­sique, n’y va pas par qua­tre chemins :

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« Pour moi, c’est une bête immonde, donc on le sup­prime, c’est tout… » affirme-t-il après avoir regret­té de ne pou­voir le voir fusiller par un pelo­ton d’exécution. Mais la République n’a pas encore recours à l’élimination physique des humoristes qui ébran­lent ses fonde­ments. En revanche, sys­té­ma­tique­ment, elle décrète la mort sociale de ceux dont elle estime l’odeur « nauséabonde ». Mort sociale de l’écrivain Richard Mil­let, évincé l’an dernier du comité de lec­ture de Gal­li­mard, de l’écrivain Renaud Camus, privé d’éditeur… Recours à divers­es mesures de rétor­sion, comme lorsqu’en sep­tem­bre dernier on éjecte de leur apparte­ment Frigide Bar­jot, l’égérie déchue de la Manif pour tous, et son mari. Pour Dieudon­né, ce sera le fisc, lequel a vis­i­ble­ment matière à sévir : « Trois enquêtes prélim­i­naires pour blanchi­ment d’ar­gent, organ­i­sa­tion fraud­uleuse d’in­solv­abil­ité et abus de biens soci­aux visent l’hu­moriste con­tro­ver­sé, dont des spec­ta­cles ont été inter­dits par les autorités françaises. »

Politique et morale

Voici donc les raisons qui ont con­duit à l’affaire Dieudon­né, les méth­odes qui ont été employées et les béné­fices poli­tiques que Manuel Valls compte en tir­er. D’un point de vue poli­tique, le min­istre de l’intérieur, frag­ilisé quelques mois aupar­a­vant par l’affaire Léonar­da, a cer­taine­ment réal­isé un coup de maître. Du point de vue d’une stratégie de lutte effi­cace con­tre les idées que l’humoriste con­tribuerait à dif­fuser, le bilan peut s’avérer au con­traire absol­u­ment dra­ma­tique. Tout d’abord, il est évi­dent qu’on ne tri­om­phe pas des idées propagées par une per­son­nal­ité en faisant de celle-ci un mar­tyr. Ensuite, les méth­odes employées n’auront fait qu’accréditer les thès­es des « dieudon­nistes » et des « soraliens » : des pou­voirs cen­sé­ment indépen­dants — poli­tique, médi­a­tique et judi­ci­aire — auront fait bloc immé­di­ate­ment pour écras­er un enne­mi du sys­tème en s’affirmant du même coup comme un sys­tème cohérent et coerci­tif. En ini­tiant la phase offen­sive de la cam­pagne anti-Dieudon­né par une déc­la­ra­tion du prési­dent Hol­lande au CRIF, le 17 décem­bre, le gou­verne­ment aura don­né l’impression que ce sys­tème cohérent serait lui-même au ser­vice pri­or­i­taire des insti­tu­tions juives, et que la com­plai­sance envers celles-ci induirait une réac­tion mas­sive et rad­i­cale qu’on serait bien en peine de sus­citer pour la défense d’autres com­mu­nautés… En somme, par la pra­tique, les social­istes se sont fait les four­ri­ers des théories qu’ils ont pré­ten­du com­bat­tre. Ou autrement dit : ils ont décliné le sys­tème théorique de Dieudon­né en travaux pratiques.

Radicaliser pour régner

Alors, faute majeure sur le plan du com­bat des idées ? Pas si sûr. Parce qu’il est fort prob­a­ble que cette faute appar­ente soit en fait par­tie prenante d’une stratégie poli­tique plus vaste – cynique, mais effi­cace. En effet, l’intérêt de Valls, comme l’intérêt de la gauche en son ensem­ble, est bien de rad­i­calis­er le débat, de sus­citer du pseu­do-fas­cisme ou d’entretenir un regain d’antisémitisme afin de créer l’atmosphère d’une République en dan­ger, avec la com­plic­ité des médias. République dont la gauche – pour­tant large­ment décrédi­bil­isée – deviendrait alors l’unique rem­part. Il y a même fort à pari­er qu’il s’agit pour le Par­ti Social­iste de l’unique planche de salut. Règle stratégique élé­men­taire : il est préférable de con­cen­tr­er ses efforts sur un seul front et de revenir ain­si à une bipo­lar­ité dans le champ poli­tique, celle-ci ayant été mise à mal avec l’ascension du par­ti de Marine Le Pen. Or cette dernière est l’adversaire que se choisit la gauche, non pas tant parce qu’elle serait l’incarnation du mal, que parce qu’il sem­ble plus crédi­ble de la vain­cre sur le plan élec­toral. En out­re, dans cette dis­tri­b­u­tion des rôles, l’UMP, comme nous l’avons déjà noté, se retrou­ve dans une posi­tion inten­able. Soit elle est à la remorque du pré­ten­du antifas­cisme de la gauche, soit elle est à la remorque du FN et fas­cisée par la gauche. En somme : neu­tral­isée. Dernier volet du plan : rad­i­calis­er le débat revient à sus­citer des « déra­pages », les épin­gler et dia­bolis­er ain­si toute atti­tude « anti­sys­tème », et par là, la can­di­date FN qui s’est définie de la sorte.

Blinder le système

Agi­ta­teurs mar­gin­aux, rhé­teurs effi­caces en semi clan­des­tinité, et dont les déc­la­ra­tions et les provo­ca­tions ne sont en effet pas dénuées d’antisémitisme ; com­plo­tistes obses­sion­nels, Soral et Dieudon­né sont devenus une excel­lente carte à jouer entre les mains de Valls, tirant prof­it de leurs excès pour dia­bolis­er toute con­tes­ta­tion véri­ta­ble du sys­tème. Bra­quer les pro­jecteurs sur eux pour les situer non plus en marge de la con­tes­ta­tion du pou­voir, mais à sa crête, per­met de délégitimer la con­tes­ta­tion. Si la « quenelle », ce geste pop­u­lar­isé par l’humoriste et sig­nifi­ant à l’origine un ras-le-bol du sys­tème est devenu, au fil de l’emballement médi­a­tique et en rai­son des obses­sions de Dieudon­né et de ses fans, un « salut nazi inver­sé », il n’est pas dif­fi­cile de com­pren­dre que par induc­tion, quiconque s’affirmerait con­tre le sys­tème en place sera désor­mais soupçon­né d’être anti­sémite. En s’appuyant sur Dieudon­né et Soral, le sys­tème, au moment même où il dévoile sa cohé­sion la plus man­i­feste, opère un truche­ment : il n’est plus le sys­tème médi­ati­co-poli­tique auquel on reproche son putsch insi­dieux sur une démoc­ra­tie réelle, mais le « pacte répub­li­cain » con­tre quoi ne peu­vent s’élever que des nos­tal­giques des cham­bres à gaz…

Dommages collatéraux

Si la stratégie employée par Valls s’est mon­trée red­outable­ment effi­cace en ter­mes poli­tiques, et s’il en sort comme l’homme fort de son par­ti tan­dis que le prési­dent, quant à lui, patauge dans ses his­toires de cœur, les risques qu’implique une telle stratégie sont pour le moins inquié­tants. De fait, la démoc­ra­tie, ou ce qu’il en reste, est prise en otage par cette stratégie de rad­i­cal­i­sa­tion peu prop­ice au débat d’idées. Au terme de cette affaire, il est mal­heureuse­ment fort prob­a­ble que l’antisémitisme pour­tant très faible et résidu­el (hormis dans les ban­lieues islamisées) s’accroîtra dans la pop­u­la­tion comme l’homophobie après le pas­sage en force du pré­ten­du mariage pour tous, ces deux événe­ments don­nant l’impression que les médias et les gou­ver­nants bru­talisent toute la société au nom de lob­bies ultra minori­taires. D’une manière générale, la soif de fas­cisme qu’éprouve la gauche la pousse à la fois à sus­citer du fas­cisme et à se com­porter elle-même sur un mode total­i­taire (un mode dont elle n’a sans doute jamais com­plète­ment fait le deuil). À facho, facho et demi. Quant à la plu­part des médias, dont le rôle serait pour­tant essen­tiel pour désamorcer cette dan­gereuse mon­tée aux extrêmes et décrypter les manip­u­la­tions poli­tiques ou politi­ci­ennes, ils se com­por­tent comme l’outil le plus effi­cace de cette stratégie mise au point par le gou­verne­ment, soit par naïveté, soit par intérêt bien com­pris, cette stratégie visant à péren­nis­er par tous les moyens pos­si­bles, moraux ou non, un sys­tème auquel ils appartiennent.

M.D.

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