Depuis le lundi 21 mars 2016, les utilisateurs de bloqueurs de publicité ont pu constater que la plupart des sites d’information les enjoignait, via un message bien visible, à désactiver leur logiciel.
Lancée par le GESTE, une association qui représente les éditeurs de contenus et services en ligne, cette initiative globale entend sensibiliser les lecteurs au rôle vital de la publicité en ligne pour les sites d’information. Car depuis plusieurs années, les bloqueurs de publicité, le plus connu étant AdBlock, rencontrent de plus en plus de succès auprès des utilisateurs.
D’après une étude Ipsos datant de début mars, 3 internautes français sur 10 en sont équipés. Un énorme manque à gagner pour des éditeurs de contenus déjà maintenus en respiration artificielle à grands coups de subventions.
Ainsi, dès lundi, le site Lequipe.fr affichait une photographie des All Blacks accompagnée de ce message : « Pour accéder à votre contenu merci de désactiver votre bloqueur de publicité. » D’autres sites, comme L’Express, Le Monde, Deezer, 20 Minutes, Le Point, Le Parisien, Europe 1 ou encore Marie Claire ont mis en place des systèmes similaires.
Certains, comme Le Monde et L’Obs, affichent un message rédigé pour l’un par Jérôme Fenoglio (directeur du quotidien du soir), pour l’autre par Matthieu Croissandeau (directeur de l’hebdomadaire) pour expliquer cette démarche aux lecteurs. « Pour permettre à nos 400 journalistes de vous apporter chaque jour une information de qualité, fiable, variée, et pour pouvoir continuer à vous proposer des services innovants et performants, nous devons pouvoir compter sur les revenus de la publicité », explique ainsi Fenoglio.
Sur L’Obs, Matthieu Croissandeau souligne que l’utilisation d’un bloqueur « menace gravement le modèle économique des médias en ligne ». « Les revenus que nous tirons de la publicité nous permettent en effet de vous apporter chaque jour une information de qualité ; de financer le travail de nos journalistes ou les envoyer en reportage sur le terrain ; de vous proposer de nouveaux services, de nouvelles applications, de nouveaux sites », ajoute-t-il.
De son côté, Le Figaro a choisi de flouter le texte de ses articles pour les détenteurs de bloqueur de pub, en ajoutant un message d’explication. À mesure que votre visite se poursuit sur le site, si vous n’avez toujours pas désactivé votre logiciel, le texte devient de plus en plus flou, voire illisible.
Pour faire d’une pierre deux coups, certains médias proposent même des offres découvertes de leurs différents abonnements. Il revient à chacun des supports de décider si, après l’affichage de ce message, l’internaute peut poursuivre ou non sa navigation. Sur demande du GESTE, ce dispositif sera mis en place durant une semaine, mais « certains éditeurs peuvent décider de maintenir le dispositif plus longtemps », a précisé une porte-parole de l’association.
Si les éditeurs et l’association souhaitent rappeler « que leurs contenus et services ne sont pas gratuits » et que cette action a pour but de « préserver le contrat de lecture avec l’internaute », d’autres voix se font entendre. Sur Numerama, Guillaume Champeau estime que cette campagne est « contre-productive et se trompe de cible ».
Pour ce dernier, « on peut douter que soit efficace le fait de chercher à faire culpabiliser l’internaute qui veut juste lire sans être envahi par la publicité, et par les traceurs qui visent à peaufiner un ciblage marketing ». De plus, cette initiative « aussi brutale que soudaine » aura surtout pour effet de rappeler aux internautes à quel point « les sites qu’ils aiment et qu’ils lisent sont blindés de publicités toutes plus imposantes et intrusives les unes que les autres ».
Depuis plusieurs années, un cercle vicieux s’est installé entre les éditeurs et les adblocks : « les revenus chutent, donc les éditeurs affichent davantage de publicités toujours plus visibles, donc les lecteurs bloquent davantage, donc les revenus chutent… » Désormais, l’avenir du web est entre les mains de l’internaute, estime Numerama.
Et de conclure : « Si l’on veut préserver l’idéal d’un internet ouvert à tous, fondé sur le libre accès à l’information, il faudra accepter de payer pour soutenir les sites internet qui continuent de proposer leurs contenus gratuitement, via la publicité. Sinon les sites se refermeront progressivement sur eux-mêmes et l’on verra naître via un paywall un Web discriminatoire, où seuls les plus aisés pourront s’abonner à la fois au Monde, au Figaro, à l’Équipe, à L’Express, etc., et lire leurs contenus. »
Mais peut-être faudrait-il également que ces mêmes médias redonnent tout simplement envie à leurs lecteurs de les lire…
Rappelons enfin que l’Ojim est entièrement financé par ses lecteurs et n’accepte aucune publicité. Il peut donc être consulté sans bloqueur de publicités… et sans limites.