Le magazine Vice est aujourd’hui au cœur d’un scandale de harcèlement sexuel. Malgré des témoignages d’anciennes employées, les médias pourtant prompts à défendre #metoo et autres mouvements en faveur de la lutte contre les violences sexuelles n’ont pas été nombreux à relayer l’affaire.
Depuis sa création en 1994, l’ancien fanzine avait conquis l’univers média. Relais de la culture urbaine de son époque, le magazine traitait de photographie, d’art et de musique. Il s’est rapidement intéressé à des sujets de société, avec un angle subjectif, un ton et un vocabulaire parfois volontiers orduriers, dans la ligne « punk » des débuts. Malgré ce style apparemment iconoclaste, la ligne éditoriale reste dans l’air du temps, avec des articles à la pointe de la défense des minorités diverses et variées, allant des LGBT aux immigrés en passant par les femmes.
Les darons de Vice
L’affaire date de juin 2017 : une dizaine de salariés et ex-salariés du site Vice France, qui communiquaient fia un groupe Facebook Privé surnommé « Les darons » puis « Townhall », sont dénoncés pour actes de sexisme et de harcèlement. C’est l’arrivée d’une nouvelle DRH dans l’entreprise qui fait effet de déclencheur. Quatre accords à l’amiable seront finalement signés avec les anciennes employées qui les avaient dénoncés. Insultes, comportements déplacés, baisers forcés, attouchements, avances sexuelles répétées, plafond de verre, recrutement « à la gueule »… le groupe de journalistes qui faisait la loi au sein du média n’étaient pas à une provocation près.
Si aujourd’hui, la majorité des journalistes mis en cause sont partis de l’entreprise, ils ne sont pourtant que deux à l’époque à avoir été licenciés par le nouveau dirigeant de Vice France, Nicolas Bonard, quelques mois avant l’affaire Weinstein et #metoo, malgré les témoignages accablants qui avaient été recueillis par la nouvelle DHR. Une affaire qui rappelle celle de la Ligue du LOL.
Effet domino
Le scandale est d’abord ébruité dans le New York Times, qui mène une enquête de grande ampleur, avec les interviews d’une centaine d’employés actuels et anciens du média. En France, en décembre 2017, Le Monde se fend d’un court article pour relayer la nouvelle. Le Figaro emboite le pas avec un en janvier 2018, avec l’annonce de la mise à pied du président et du directeur du numérique le temps d’une enquête interne. C’est seulement en février 2019 que l’Express y consacre un article, et en mars 2019 que Libération publie une enquête de fond sur cette ambiance hautement sexualisée de l’ancienne rédaction du média.
Malgré la vague de dénonciations de harcèlement des femmes en 2018 avec le hashtag devenu viral #Metoo, l’affaire n’a ainsi eu que peu de répercussions dans les médias (et bien tardives) pourtant habituellement si diligents à ériger les femmes en victime de harcèlement au travail et à montrer du doigt le sexisme de leurs homologues masculins.