La vie des médias est plus parsemée d’épines que de roses. Que ce soit en format digital ou papier, en Europe comme aux États-Unis, comme l’illustre le destin contrarié de Vice News.
Branchitude et ironie
Nous vous présentions en 2015, le nouveau média américain Vice News :
« Comme il est nécessaire d’attirer les jeunes, Vice glorifie tout ce qui est « branché ». « Le magazine a inventé un ton, entre sérieux, branchitude et ironie », explique Libé. Voici peut-être le journalisme de demain : diverses catégories d’informations qui se confondent dans une critique gentille et tolérante, où tous les journalistes communient autour d’une pensée crépitante et enferment dans un cachot quelques pitres de l’ancien temps (les affreux réacs) sur lesquels on crachera aux fêtes sacrées du « vivre-ensemble ». Qu’il est doux quand la vaste mer est troublée par les vents, de venir se noyer dans le fleuve mou de Vice, où de venir s’y mirer érotiquement jusqu’à n’aimer plus que soi ».
Chez Vice, le vice ne paie pas assez
Le vivre ensemble mou + le brand content = Vice. Le brand content c’est notre vieille publicité rédactionnelle peinturlurée moderne. Les marques paient les articles qui font vendre leurs produits. Le vivre ensemble mou c’est le vieux fond de la doxa conformiste.
Mais les chemins de la modernité libérale libertaire sont semés d’embûche. Le fondateur Shane Smith, appuyé par Disney, Fox, et des fonds d’investissement, passe la main. Après une perte de 50 millions de dollars en 2017 et sans doute un peu plus en 2018, il laisse les rênes à Nancy Dubuc venue de la télévision câblée. Celle-ci annonce un gel des embauches et une réduction de la masse salariale. Sans compter la suppression de la moitié des sites internet.
Tout aussi conformiste que Vice, son concurrent Brut est plus en forme et devrait être bénéficiaire en 2018. Au sujet de ces deux médias, nous reprenons volontiers ce qu’écrivait Philippe Muray comme remède à ce qu’il appelait une plaie suppurante : « La transcendance me paraît la meilleure manière de refuser la société actuelle et de se désolidariser radicalement de ses pitoyables valeurs comme ses pitreries optimistes les plus blafardes. » À tout prendre, quitte à être guidé, autant que ce soit par les vertus des penseurs plutôt que par les vices des hipsters…