« J’ai eu la chance de naître dans une famille catholique, bretonne, riche et célèbre ». C’est ainsi que Vincent Bolloré a introduit le propos liminaire de son intervention face à la commission d’enquête relative aux autorisations de diffusion sur la TNT, le 13 mars 2024. Rappelant le passé résistant de sa famille, le conseiller du président du directoire de Vivendi a révélé à l’Assemblée nationale son parcours professionnel et son indéniable réussite. Soulignant que son entrée dans le monde des médias visait surtout à défendre le rayonnement d’une culture européenne et française (« Car moi je crois qu’il y a une culture française », a‑t-il lancé), l’auditionné a été passé à la question quant à son appréhension de la gestion de CNews et du groupe Canal.
De CNews au groupe Canal
Pour Vincent Bolloré, la rentabilité des chaînes du groupe de constitue la condition sine qua non à son engagement en leur sein. « CNews a pris sa place, a‑t-il expliqué. Depuis 3 mois et est en tête devant BFM. […] Elle sera assez vite équilibrée. Je ne doute pas qu’elle [va] gagner de l’argent ». Plaidant pour CNews comme un espace de liberté, il a ensuite été interrogé sur le « micro-management » dont il serait responsable au sein du groupe Canal. L’homme d’affaires a indiqué :
« j’ai tout repris en main […] Il fallait quelqu’un qui donne les caps, car j’étais le seul qui ne serait pas renvoyé. […] J’ai changé pas mal de personnes, parce qu’ils n’avaient pas envie de changer de train de vie. […] Je ne suis jamais intervenu dans les contenus sur Canal, j’ai pas le temps […] J’ai des convictions mais les contenus du groupe Canal n’ont pour but que de servir les téléspectateurs ».
Aurélien Saintoul : rapporteur ou inquisiteur ?
Passé à la question par le rapporteur Aurélien Saintoul (LFI), qui insinuait qu’il avait influencé des licenciements au sein du groupe, Vincent Bolloré a répondu que dirigeant un groupe de 80 000 personnes, il ne pouvait être jugé responsable de tout ce qui pouvait s’y dérouler. Il a ainsi évoqué le départ de M. Rodolphe Belmer, dont il considérait qu’il faisait partie de ces personnels n’aspirant pas à « changer de train de vie ». « On a fait 400 millions d’économies. Quand on fait ça, on a une réputation atroce. C’est à ça que je sers, je suis le bouc-émissaire ».
Manifestement dérangé par les émissions tenant des propos conservateurs diffusées sur la chaîne CNews, Aurélien Saintoul a ensuite demandé à Vincent Bolloré ses liens avec les journalistes de l’émission En quête d’esprit (CNews) et demandé s’il supervisait ces émissions. Ce dernier a répondu par la négative puis est revenu sur les propos du journaliste présentateur de cette émission, Aymeric Pourbaix, qui avait souligné le nombre élevé d’avortements. « Dans cette affaire se heurte deux libertés, a‑t-il souligné, celle des gens à disposer d’eux-mêmes et la liberté des enfants à vivre », avant d’évoquer la perte amèrement regrettée de l’un de ses enfants à naître.
Renouvellement de la diffusion de la TNT
Sur le renouvellement de l’autorisation de diffusion sur la TNT, objet même de la commission d’enquête, Vincent Bolloré a indiqué en réponse au député Gedj qui l’interpelait à ce sujet :
« Je pense que les chaînes de Canal sont scrutées à la loupe […] Des gens font tout un bruit auprès de l’ARCOM. Je pense qu’il y a un dossier préparé depuis un certain temps. »
Il a enfin souligné que les chaînes dont il était question remportaient un tel succès qu’il s’étonnait de ne voir ses dirigeants davantage récompensés.
Le « procès » d’un homme ?
L’audition de Vincent Bolloré s’est achevée sur les propos du rapporteur Saintoul qui a demandé à son interlocuteur des précisions sur les intérêts africains du propriétaire par rapport à la diffusion d’une émission sur ce pays, sa présence aux « réunions du mardi » à Vivendi, ses appels à Serge Nedjar, sa rencontre à l’Élysée avec Emmanuel Macron, … Son ensemble ne s’est pas déroulé sans heurts ; l’orientation générale des questions du rapporteur Aurélien Saintoul a d’ailleurs suscité l’ire de certains députés, à l’image de Laurent Jacobelli (RN) qui a souligné : « J’ai plus l’impression d’être au procès d’une personne », en égrainant les propos du député LFI dirigés à l’encontre de Vincent Bolloré.
Quant au député Louis Boyard, qui avait donné à ses suiveurs sur Twitter un « rendez-vous sans épine » et que l’on s’attendait à voir à l’audition de Cyril Hanouna le lendemain à l’Assemblée nationale, il n’a pas pu intervenir à ces auditions car il était en situation de conflit d’intérêts avec les auditionnés. Ayant touché, si l’on en croit Hanouna, près de 7 000 euros de piges sur la chaîne, la décision n’est pas surprenante.