Qui est vraiment Vincent Bolloré ? Le patriarche, le conservateur, l’entrepreneur, le magnat des médias, le catholique, le flibustier ? C’est ce à quoi veut répondre – avec une bonne dose de fiel – Vincent Beaufils, directeur de la publication de Challenges à travers une biographie plutôt hostile, publiée aux éditions de l’Observatoire. Visite guidée.
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La transmission
Du 17 février 1822 date de la pose de la première pierre de la manufacture de papier à cylindre à Ergué-Gabéric (Finistère) au 17 février 2022 où le groupe Bolloré pèse 24 milliards d’euros avec 80.000 personnes, il y a une obsession familiale : la transmission. Comme les Dassault, les Gallimard, Vincent Bolloré est un héritier. Mais un héritier qui veut prendre sa revanche sur un père mondain et léger qui a conduit l’héritage au bord de la ruine et qu’il a dû reconstruire et étendre. Le 17 février 2022 il rend son tablier à ses enfants avec un titre qui sonne comme un gag « conseiller du président du directoire ». À Cyrille le transport et la logistique, à Yannick la publicité et les médias. À lui la stratégie globale ?
Vous avez dit communication ?
Bolloré c’est CNews, bête noire des libéraux libertaires pour avoir donné la parole à un segment d’opinions représentant 25/30% de la population, et avec succès. Mais Cnews c’est beaucoup moins de 1% des activités de l’activité médias du groupe. Vivendi c’est d’abord Editis, puis Havas, puis Canal+, sans oublier la part minoritaire dans Universal Music Group qui permettra de récupérer au passage entre 6 et 8 milliards de cash, c’est aussi le groupe Prisma, Europe1 et un petit peu Cnews. C’est aussi des ambitions sur le JDD, Paris Match et surtout Hachette. Et l’idée de concurrencer Netflix et Disney en devenant « un Bertelsmann à la française ».
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Le breton catho
Si la présence du groupe en Bretagne sur le plan des effectifs (quelques centaines de personnes) est surtout symbolique, Vincent Bolloré a toujours voulu garder un lien fort avec sa région. En sauvegardant les emplois lors du passage des papiers Bolloré pour cigarettes (marque Job), missels et volumes de La Pléiade, aux papiers plastifiés pour l’industrie. Des Glénans aux éditions bretonnantes, le groupe reste attaché à la région de Quimper. L’attachement à un certain catholicisme traditionnel (foyer Jean Bosco) va de pair.
Des coups et des échecs
Des échecs il y en a eu. Adieu la « blue car » électrique que l’on pouvait voir en recharge et en location à la demande à Paris sur les Autolib; adieu les batteries pour voitures où environ un milliard d’euros ont été investis. Ne restent que les autobus électriques. Adieu la boucle ferroviaire de 3000 kms reliant Abidjan à Lomé. Adieu les rêves italiens autour de Telecom Italia, brisés sur la rouerie de Silvio Berlusconi. Mais bonjour les raids sur la SCAC et Delmas Vieljeux, Havas, Vivendi et plus récemment sur le groupe Lagardère. Sans compter le succès tonitruant du groupe de musique UMG mis en bourse avec fracas et gros profits.
La biographie entrepreneuriale de l’auteur est constamment empreinte d’admiration feinte et de détestation bien chrétienne (de gauche), on peut s’en passer sans oublier que Vincent Bolloré seulement 70 ans et bientôt nanti de 5/6 milliards d’euros de la vente de ses activités portuaires à venir, n’a sans doute pas dit son dernier mot de ses aventures d’entrepreneur. Comme on dit dans les romans feuilletons, à suivre.
Vincent Beaufils, Bolloré, L’homme qui inquiète, L’Observatoire, 2022, 20€