La profession de journaliste est souvent controversée et parfois risquée. Risquée, lorsque des reporters doivent, comme en Ukraine, aller au plus près des combats au péril de leur vie. Controversée, lorsque la défiance vis-à-vis des médias traditionnels ne cesse de croître en France et ailleurs. Dans un tel climat, des violences verbales ou physiques peuvent survenir. C’est afin de jauger et chiffrer cette tendance que le rapport de Media Freedom Rapid Response est publié chaque année.
Des ONG, un syndicat et l’U.E.
Ce rapport est un état des lieux des violences subies par la profession de journaliste. Qu’elles soient verbales, physiques, numériques, judiciaires, il entend faire la synthèse de l’évolution de ces violences et de ces atteintes à la liberté de la presse sur l’ensemble de l’année dans les pays membres de l’Union européenne, mais aussi dans les pays candidats. Ce document est issu d’une collaboration entre certaines ONG qui ont compilé le rapport et Media Freedom Rapid Response qui l’édite.
Parmi les structures ayant compilé le rapport, se trouve l’International Press Institute, créé en 1950 et qui lutte pour la « préservation de la liberté de la presse ». Certaines de ses branches constitutives dont Human Rights Watch sont financées par l’Open Society de George Soros. Ensuite, nous trouvons la Fédération européenne des Journalistes, la plus large organisation journalistique en Europe, créée en 1994 et comptant actuellement 320 000 membres.
Enfin, il y a le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias. Dans le panel de ces structures, nous trouvons des membres des grandes rédactions mainstream des pays européens, telles que la BBC ou El Paìs. Pour finir ces présentations, soulignons que c’est la Commission européenne qui finance ce rapport.
L’Ukraine en tête de liste
Sans surprise, la guerre en Ukraine occupe une partie notable du rapport. Sur l’ensemble des signalements recueillis pour composer ce rapport, ceux liés à ce conflit représentent près de 17% des cas. Ce conflit a également fait de 2022 l’une des années les plus meurtrières pour les journalistes, puisque neuf d’entre eux sont morts sur le terrain. Le rapport souligne que ces décès sont, pour la majorité, survenus dans les quatre premiers mois du conflit durant la période où les lignes de front étaient les plus mobiles. La stabilisation du front, survenue à l’été, a diminué les risques. Parmi les neuf personnes tuées, cinq l’ont été lors de fusillades. Notons que près de 54% des attaques ont lieu sur les lignes de front.
Si le rapport reste relativement objectif et factuel sur ce conflit, nous trouvons néanmoins un obligatoire couplet anti-russe, lorsque les rédacteurs indiquent que les Russes auraient ciblé, de manière délibérée, des journalistes et leurs équipes malgré le port du brassard « presse ». Par ailleurs, le rapport indique qu’il y aurait « des preuves évidentes » que les Russes auraient exécuté au moins trois autres journalistes ukrainiens dans les territoires occupés. Néanmoins, si les rédacteurs insistent sur le fait que ces trois personnes ont été tuées car elles étaient journalistes, ils notent également que « les motifs ne sont pas encore clairs ». Si le motif n’est pas encore clair, comment peuvent-ils savoir que ces exécutions ont un lien avec leur profession de journaliste ?
851 signalements en 2022
La suite du rapport est consacrée à un tour d’horizon sur les procédures abusives, les violences perpétrées contre des journalistes dans la couverture de protestations écologiques et, enfin, à un bref rapport pour chaque pays membre.
En tout, il y a eu 851 signalements en 2022 soit 197 de plus qu’en 2021. Cette augmentation est due au conflit en Ukraine. Nous noterons que la France arrive en quatrième position parmi les signalements effectués auprès de Media Freedom Rapid Response avec 51 signalements. D’ailleurs, le rapport note, concernant les actions abusives contre les médias, que « La France est une zone particulièrement concernée sur ce sujet en 2022. ». Le rapport cite les plaintes déposées par Avisa Partners contre Mediapart, Reflets et Arrêt sur images. Néanmoins, le rapport ne revient pas sur les liens entre ce cabinet et l’actuel gouvernement. De la même manière, le rapport insiste à plusieurs reprises sur le fait que des activistes d’extrême droite harcèlent, et parfois agressent, des journalistes. L’exemple cité est celui du jet d’une chaise de bar en direction de Fany Boucaud de la part d’un militant du RN le jour du second tour de l’élection présidentielle. Cependant, c’est la seule fois où le rapport se pose la question de savoir qui harcèle et agresse les journalistes. Pourtant, quelques affaires, telles que la séquestration de Jordan Florentin par Yassine Bellatar (2021) ou encore l’agression du même Florentin par Daphné Deschamps (2023), montrent que la violence à l’encontre des journalistes n’est pas l’apanage de « l’extrême droite ». Le rapport cite aussi les « violences » contre les supposés fact-checkers, Tristan Mendès-France ou encore Rudy Reichstadt. Il se penche également sur les malheurs de Julien Pain (France Info) et Pierre Plottu, journaliste à Libération. Tous les quatre appartiennent curieusement au monde libéral libertaire.
Concluons en notant que ce rapport, au demeurant plutôt factuel, demeure influencé par des inflexions politiques classiques et ne creuse pas beaucoup les questions qu’il aborde. Il ne se penche pas sur les personnes qui sont à l’origine des atteintes rapportées, ni même sur leurs causes. Attribuons-lui généreusement une note de 12/20 : assez bien, continuez vos efforts en élargissant vos sources et en vous ouvrant à un peu plus de pluralisme.