La tactique politicienne guide parfois les décisions politiques. Le Président Macron ayant perdu une partie de ses soutiens à gauche avec la réforme des retraites, il fait savoir dans les médias qu’il effectue un « virage à droite ». Alors que certains faits contredisent cette inflexion, quelques médias de grand chemin relaient sans recul cette opération de communication.
Le virage à droite
Dès le mois d’avril 2019, plusieurs médias nous informaient du « virage à droite » du Président de la République au sujet de l’immigration. France 24, France Info, Libération, etc. relayaient la volonté d’Emmanuel Macron de débattre de quotas d’immigration au Parlement et de prendre à bras de le corps la structuration de l’islam de France pour lutter contre le communautarisme.
Les élections municipales approchant, après avoir donné en septembre une interview à Valeurs actuelles, l’envoi de « cartes postales » à l’électorat de droite se renouvelle.
Le Parisien nous informe le 10 février qu’« Emmanuel Macron vire sur l’aile droite en vue de 2022 ». « Si je suis battu par Marine Le Pen, ce sera sur le terrain du régalien », aurait « soufflé » Emmanuel Macron. Même constat pour Médiapart, qui émet cependant dès le titre une réserve : « Face à l’extrême droite, Macron rejoue la partie perdante de Sarkozy ».
L’argumentaire des deux médias est sensiblement le même : face à Marine Le Pen, E. Macron veut apparaître comme un Président actif dans le domaine régalien, et prendre des décisions en matière d’immigration, de lutte contre la délinquance et l’islamisme. Le Parisien et Médiapart soulignent néanmoins le risque que les électeurs préfèrent l’original (le Rassemblement national) à la copie (LREM).
Si les journalistes émettent quelques critiques vis-à-vis de l’inflexion du Président Macron, ils sont muets sur l’énorme décalage entre un éventuel positionnement plus à droite du Président de la République et la réalité. Sur les trois sujets dont Macron prétend s’emparer depuis plusieurs mois, l’immigration, l’insécurité et l’islamisme, non seulement la situation est mauvaise, mais elle se dégrade depuis le début de son mandat. C’est en glanant les informations ici ou là qu’on le constate. Pas en lisant Le Parisien ni Médiapart.
L’immigration
L’OJIM a souligné récemment l’extrême banalisation dans les médias de grand chemin de la hausse considérable de l’immigration depuis le début du mandat d’E. Macron. Tous les chiffres sont en forte progression : premiers titres de séjour délivrés, demandeurs d’asile, mineurs étrangers, c’est plus de 400 000 extra-européens qui sont arrivés « légalement » rien qu’en 2019. Aucun média de grand chemin n’est là pour souligner que même l’annonce de quotas d’immigration en début d’année 2019, qui ne concerneraient pourtant qu’une infime partie des flux migratoires, est restée lettre morte.
L’insécurité
Les chiffres de la délinquance ont été très mauvais en 2019, comme nous l’apprend le Point en début d’année. Et l’année 2020 commence très mal : « L’année 2020 démarre par une explosion de violence » selon le Figaro le 9 février. Homicides, coups et blessures volontaires sont en forte hausse. Alors que les affaires de pédophilie dans le clergé catholique et le milieu sportif et les infanticides font les titres des médias de grand chemin, aucun ne cherche à recouper nationalement les informations sur d’autres phénomènes d’une toute autre ampleur.
Parmi ceux-ci, la délinquance en bande de mineurs étrangers, qui essaiment dans de nombreuses villes. A Nancy, ce sont selon 20 minutes des vols de portables avec violence qui sont commis par des « mineurs non accompagnés » (traduire : de jeunes clandestins). A Nantes selon Ouest France comme ailleurs, les interpellations des jeunes délinquants ne sont pas suivies d’effet. C’est un peu partout en France des pharmacies qui sont cambriolées par des mineurs étrangers selon la presse locale. Mêmes phénomènes de délinquance de jeunes étrangers à Paris selon l’Obs, en Gironde selon France 3, à Montpellier où les mineurs sont finalement majeurs selon Actu.fr, etc. Le Préfet de Police de Paris évoque sur Public Sénat une « violence inquisitive, de voie publique, particulièrement significative ». Il parle sur la chaine parlementaire d’« une réelle spécificité à Paris » et se garde bien d’évoquer un phénomène national. Aucun média ne couvre nationalement les informations éparses sur ces bandes de jeunes délinquants étrangers qui semblent opérer leurs méfaits dans une quasi impunité, au point d’en faire un phénomène de société en pleine expansion mais à très bas bruit médiatique.
L’islamisme
Le Président Macron a annoncé son intention de s’appuyer sur le Conseil français du culte musulman (CFCM) pour lutter contre le communautarisme. Le choix du Président est-il judicieux ? Bien peu de doutes traversent les médias de grand chemin à ce sujet. Ceux qui dénoncent l’emprise des frères musulmans sur cette organisation ont bien du mal à se faire entendre. Valeurs actuelles parle d’un Président qui est « à côté de la plaque » en s’appuyant sur le CFCM, une organisation qui « souffre d’un sérieux problème de crédibilité ». Les lanceurs d’alerte s’appuient sur les réseaux sociaux, qui présentent néanmoins l’inconvénient de tourner en boucle dans des cercles de convaincus. Le journaliste Yves Mamou rappelle sur Facebook que « c’est Abdallah Zekri éminent représentant du CFCM qui, à propos de Mila, a lâché (en substance), bien fait pour sa gueule, cette pouffe n’avait qu’à la fermer au lieu d’insulter l’islam ». Et de conclure : « on souhaite bien des résultats à Macron ». C’est L’Observatoire de l’islamisation qui recense des positions inquiétantes du CFCM, qui font douter sur la conduite à son terme d’une réforme efficace. Des doutes qui n’effleurent pas les médias de grand chemin.
On pourrait objecter que sur tous ces sujets importants – islamisme, immigration, délinquance — les médias veulent laisser à E. Macron le temps d’agir et d’obtenir des résultats. Les trois dernières années indiquent que le Président de la République pratique une profonde procrastination : il annonce à intervalles réguliers des mesures qu’il repousse sans cesse : ainsi de la lutte contre l’islamisme annoncée en avril 2019 selon le JJD, ainsi de l’immigration en janvier 2019, toujours selon le JDD. C’est donc sans surprise que l’on recevra la prochaine « carte postale » d’E. Macron adressée aux électeurs sur ces thèmes, une carte postale qui ressemble de plus en plus à un joli selfie dénué de sens et surtout de suites tangibles. Attendons une véritable enquête médiatique sur le sujet.