Le conseil de surveillance de Vivendi approuvait, le 28 octobre, le projet de scission découpant le groupe en quatre entités : Havas, Canal+, Louis Hachette et Vivendi. Un projet appuyé sur une opération complexe.
C’était le 28 octobre 2024 : le conseil de surveillance de Vivendi a approuvé le projet de scission visant à découper le groupe en quatre sociétés cotées. Une opération à laquelle on pouvait s’attendre, puisque l’étude du projet de scission avait été annoncée le 13 décembre 2023 et validée fin janvier 2024. Le groupe sera donc divisé en quatre entités, réparties dans trois places boursières choisies par Vivendi : ainsi, Havas sera installé à Amsterdam quand Canal+ sera installé à Londres ; Louis Hachette group (Lagardère SA et Prisma Média) et Vivendi (coté sur le marché réglementé d’Euronext Paris) resteront quant à eux à Paris. La première cotation des actions des trois sociétés devrait intervenir à partir du 16 décembre prochain, en cas d’approbation complète de la scission.
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L’objectif du découpage
Si l’on en croit Le Figaro, c’est parce qu’il trouverait le groupe Vivendi sous-valorisé en Bourse que Vincent Bolloré aurait décidé de procéder à son éclatement. « Si tous les actifs de Vivendi étaient correctement valorisés, ils pourraient valoir 14 milliards », indiquait dans ce sens une note de la banque UBS. Une telle opération pourrait donc permettre au groupe Bolloré, qui détient 31,5 % d’Havas, de Canal+ et Louis Hachette Group et 29,9 % de Vivendi, de détenir une valeur des participations de plus de 4 milliards. Selon cette même source, c’est afin « d’assurer à la dynastie familiale un avenir fructueux » que l’homme d’affaires aurait souhaité mener une telle opération. Pour l’heure, deux des quatre enfants de Vincent Bolloré occupent effectivement des fonctions opérationnelles dans le groupe. Enfin, cette opération devrait permettre, selon le groupe, de bénéficier d’une plus grande visibilité à Londres.
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Un « contournement des règles financières françaises » ?
Pour les détracteurs les plus assidus de Vincent Bolloré, l’opération supposément orchestrée par le seul Vincent Bolloré aurait pour objectif de contourner les règles financières françaises. Déplorant que les « actionnaires appelés à voter le 9 décembre donneront [probablement] leur feu vert » à l’opération, Le Monde souligne que l’expatriation de deux des quatre sociétés permettra à Bolloré d’éviter de lancer une offre publique d’achat (OPA) « comme l’impose la réglementation boursière française quand le seuil de 30 % est franchi ». Ainsi, pour le groupe Canal+, réfugié à Londres, il n’y aura pas d’OPA obligatoire puisque les sociétés non britanniques n’ont pas à s’y soumettre. À l’inverse, la société Louis Hachette, dont les actions devraient être négociées par Euronext Growth à Paris, l’OPA n’est obligatoire qu’à partir de 50 % de détention du capital – et Bolloré n’en détient que 31,5 %.
Les griefs des détracteurs de Vivendi
Le Monde, qui semble soudain devenu souverainiste, déplore que l’expatriation « pose question ». « Est-il opportun qu’une entreprise de communication et de conseil ayant accès à l’intimité des fleurons français prenne un passeport étranger ? » s’interroge son journaliste. Un journaliste qui appelle peu ou prou le fics à intervenir. « Quand l’optimisation fiscale va trop loin, le Trésor public sait siffler la fin de la récréation […] Peut-il y avoir fraude ? », semble espérer la journaliste Isabelle Chaperon, passée autrefois par Le Figaro et Les Échos.
D’autres griefs sont formulés à l’encontre de l’homme d’affaires breton. Ainsi, les actionnaires minoritaires regrettent l’installation de certaines sociétés à l’étranger qui entraîneront une affiliation au droit du pays concerné ; le système de droits de vote multiples découlant de la cotation à l’étranger (par exemple, pour la société Havas délocalisée à Amsterdam, dépendant du droit néerlandais) pourrait permettre au groupe Bolloré de détenir plus de 40 % des droits de vote. Le gestionnaire indépendant CIAM, représentant d’1% des actionnaires minoritaires, a ainsi saisi l’Autorité des Marchés financiers de manière à « obtenir le respect du droit des actionnaires et le lancement préalable d’une offre publicitaire sur Vivendi ».
Vincent Bolloré est un homme d’affaires : l’opération complexe menée en ce sens vise à accroître son groupe. Une velléité a priori insupportable à certains commentateurs : pour des journaux comme Le Monde, détenu par des milliardaires (dont Xavier Niel) souvent proches de certains milieux politiques (en l’occurrence, Emmanuel Macron), le groupe Bolloré devrait se montrer d’une impartialité irréprochable. « La vérité, écrit encore la plume du Monde à propos de Vincent Bolloré, c’est que beaucoup d’investisseurs craignent le puissant milliardaire, dont l’influence augmente à mesure qu’il transforme son empire des médias, de l’édition et de communication en une machine de guerre idéologique ». On tremble.
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