Mardi 11 janvier 2022, le président de la république présentait ses vœux à la presse : une séquence inquiétante au cours de laquelle le président s’est présenté en pourfendeur du complotisme tout en indiquant les pistes de travail pour les réformes ayant trait à l’information en cas de réélection.
C’est un exercice classique mais qui a une saveur particulière à quelques semaines de l’élection présidentielle : Emmanuel Macron formulait mardi ses vœux à la presse dans un contexte particulier de crise sanitaire. Des vœux placés sous le signe de la flatterie et qui auront été l’occasion de présenter les conclusions du rapport Bronner : « Les Lumières à l’ère du numérique ».
Flatterie et lutte contre le complotisme
Soucieux de ne pas trop froisser une profession faiseuse de roi en matière électorale, le président s’est montré très docile vis-à-vis d’une caste qui avait su écarter un candidat pas à son goût il y a cinq ans. Vantant le travail de vérification de l’information et du rôle joué par les médias dans la crise sanitaire, le président français s’est même montré chauvin sur les médias français qui auraient eu un comportement particulièrement « libre et éclairé ». En revanche, il décrit une menace qu’il qualifie de « bulle de désinformation » et de phénomène complotiste contre lesquels il préconise une « éducation à l’information ».
Le président n’a pas manqué de saluer les « initiatives civiques » de la presse d’État ou subventionnée qui a, par exemple, publié des attestations à découper, dépassant ainsi son rôle d’information s’inscrivant dans une démarche qualifiée d’intérêt général…
Évoquant la loi sur la liberté de la presse de 1881, il affirme que rarement la presse n’a été autant fragilisée dans le pays mais évoque, pour illustrer son propos les menaces contre la presse dans le monde. Une « démonstration bancale » pour laquelle il cite une ONG controversée, Reporters Sans Frontières, tout en évitant d’évoquer l’épineux cas de Julian Assange… Ou même le classement des pays en matière de liberté de la presse qui fait figurer la France à la 34ème place derrière l’Afrique du Sud et le Ghana notamment.
En matière de presse, c’est la faute des étrangers !
D’étranger il en a cependant été question lors de ces vœux… Mais de médias étrangers ! Si aucun nom n’a été cité, le spectre de la Russie planait sur les sous-entendus macroniens. Fustigeant les pays qui ne respecteraient pas sa vision de l’information et de la liberté de la presse chez eux tout en envoyant des journalistes en France, il n’a pas pris le risque d’égrainer les noms des médias qui peuvent répondre à cette critique : le Qatar avec AJ+ et Bein Sport peut donc dormir sur ses deux oreilles.
Évoquant la création d’un observatoire mondial « à la manière du Giec » pour faire face aux « infodémie » (pandémie + information), il entend défendre les « médias d’intérêt public », une sorte de labellisation par l’État inquiétante pour l’indépendance des médias. Le président a enfin évoqué la nécessité de renforcer ces médias pour défendre la démocratie.
Les bonnes et les mauvaises concentrations
Le président Macron a, par ailleurs, dit son inquiétude concernant les concentrations, petit clin d’œil à Vincent Bolloré qui agrandi son empire médiatique depuis le début du quinquennat. En matière de concentration de média il y aurait donc les bonnes et les mauvaises concentrations. Celles de ses amis (coucou Patrick Drahi) et les autres ! Le président affirme même vouloir faire évoluer le droit sur la concentration médiatique (en cas de second mandat) et sur le rachat par des groupes étrangers.
Et demain, le meilleur des mondes
Les vœux ont enfin été l’occasion de présenter les conclusions du rapport Bronner du nom du président de la commission qu’il avait lui-même créé en septembre 2021. Cette commission sur la « désinformation » et le « complotisme » également appelée « Les Lumières à l’ère du numérique » a donc donné un ensemble de pistes que le président voudrait poursuivre en temps que garant. Parmi ces éléments on retrouve le contrôle entre pairs qui consiste en un contrôle réciproque des journalistes. Chacun sera donc le policier de chacun dans la fameuse « société de surveillance ».
Enfin concernant les plateformes privées, le président les considère comme « un bien commun », ce qui est faux, et il entend travailler avec celles-ci pour contrôler les algorithmes qui faussent l’information. Une inquiétude vis-à-vis des algorithmes qu’il n’avait pas en 2016 lors de sa campagne présidentielle.
À la fin d’un quinquennat qui finit sur des notes très autoritaires, alors que le président a montré par le passé qu’il n’avait pas un amour immodéré de la liberté de la presse, les journalistes présents lors des vœux ont chaudement applaudi leur président.