Sacrés Suisses ! Le pays, souvent dominé par les intérêts économiques des multinationales du pays, a su conserver ses votations sur les sujets les plus divers. On votait ainsi le 13 février 2022 sur la fin de l’expérimentation animale (rejet à 79%), une meilleure protection des jeunes contre le tabac (adoption à 57%), une baisse de certains impôts pour les entreprises (rejet à 63%) et un nouveau train d’aide aux médias (rejet à 55%).
Un joli pactole en vue
Les mesures rejetées à 55% auraient inclus :
- Prise en charge par la Confédération d’une partie du coût de distribution de la presse par la Poste. Cette aide passerait de 50 millions de francs par an à120 millions.
- Un soutien direct aux médias en ligne payants. La Confédération verserait 30 millions de francs pour accompagner leur transition numérique.
- Un soutien aux écoles de journalisme, à l’agence de presse nationale, au Conseil suisse de la presse et à des projets informatiques. Une enveloppe qui passerait de 5 millions de francs à 28 millions annuels.
- La part de la redevance radio-tv destinée aux radios et télévisions privées passerait de 4–6% à 6–8%, une hausse de 28 millions.
Un rejet des médias et des journalistes
Si les sondages prévoyaient une issue serrée, le résultat ne le fut pas. Dix points d’avance pour le non. Avec un résultat contrasté entre cantons francophones et germanophones. Tous les cantons alémaniques ont voté non sauf deux, tous les cantons romands ont voté oui sauf le Valais.
Comment interpréter ce résultat ? Incontestablement comme une mesure de défiance envers les médias et les journalistes. Une majorité de Suisses n’a pas oublié les déclarations du président du groupe Ringier – un des deux grands groupes de presse du pays avec Tamedia – annonçant en 2021 « Nous voulons soutenir le gouvernement avec nos reportages ». Comme le note Slobodan Despot dans l’Antipresse du 20 février 2022 :
« Ce journalisme-là ressemble au journalisme comme l’agent de sécurité ressemble au soldat. Il sera remplacé par des chroniques du réel de plus en plus indépendantes, intrépides et antagonistes à mesure que les douves se creuseront entre la tour d’ivoire de la nomenklatura et la population exaspérée qui l’entretient. »