L’Observatoire des Journalistes a consacré un portrait complet à Julian Assange en 2016. Le prix Albert Londres 2016 est enfermé volontaire depuis juin 2012 dans une chambre de l’ambassade d’Équateur à Londres pour échapper à une expulsion vers la Suède pouvant conduire à une extradition vers les États-Unis où certains réclament la peine de mort contre lui.
Reprenons. Assange était sous le coup d’une plainte pour viol déposée contre lui en Suède en 2010. Une affaire étrange, la demanderesse se plaignant non d’un rapport non consenti mais d’un rapport trop prolongé à la suite de la rupture d’un condom (sic), une demande bien venue pour les États-Unis et qui suivait de très peu la publication par Assange via Wikileaks de plusieurs centaines de milliers de documents liés aux guerres américaines en Irak et en Afghanistan.
La justice suédoise abandonne les poursuites et ne réclamera plus son extradition en Suède car « toutes les perspectives de faire progresser l’enquête sont épuisées ». Pour autant les ennuis d’Assange ne sont pas terminés car la justice britannique pourrait l’arrêter dès qu’il aura mis un pied hors de l’ambassade. Pourquoi ? En liberté provisoire en 2012, Assange ne s’est pas présenté devant ses juges (pour l’affaire du « viol » en Suède) mais s’est réfugié à l’ambassade d’Équateur. Les autorités anglaises pourraient donc l’appréhender pour rupture de ses obligations judiciaires et ensuite l’extrader vers le grand frère américain.
Et là les risques sont considérables pour l’australien, héros de Wikileaks. On ignore si les États-Unis ont déjà déposé une demande d’extradition auprès de Londres. Wikileaks vient à nouveau de publier de nombreux documents révélant comment les services américains espionnent à peu près tout le monde : leurs compatriotes, les chefs d’État étrangers et leurs propres alliés. Le nouveau responsable de la CIA Mike Pompeo a affirmé que le but de Wikileaks était de « détruire l’Amérique ». Donald Trump empêtré dans ses liens réels ou supposés avec la Russie et bénéficiaire indirect de fuites de Wikileaks (révélant certains à côté fâcheux pour la campagne Clinton) est sur un chemin chaotique. Très fragilisé, versatile, il semble de plus en plus prisonnier des cercles néo-conservateurs qui le menacent d’impeachment et ne pourra que se joindre à la meute réclamant l’extradition et la punition la plus lourde, ne serait ce que pour avoir valeur d’exemple.
La France « amie des droits de l’homme » s’honorerait à accorder le droit d’asile à Julian Assange, droit qu’elle a refusé à Edgard Snowden obligé de se réfugier en Russie. Un chantier pour notre nouveau président élu et pour notre nouvelle ministre de la Culture, François Nyssen qui en tant qu’éditrice devrait être sensible à la cause de liberté d’expression ?