Les médias ne sont pas seulement constitués des radios, télévisions, sites, blogs, journaux etc. Le cinéma comme l’édition sont des outils médiatiques. Et à ce titre participent de la censure, du politiquement correct et de la mode woke comme l’indique la tribune libre d’Olivier Delavault que nous publions et où il relate son expérience d’éditeur, spécialiste des Indiens des Amériques. Les intertitres sont de notre rédaction
Des Indiens aux Amérindiens
De la même manière qu’en France nos Régions sont désormais appelées « territoires » par les technocrates hors-sol, les « Indiens » sont devenus depuis une vingtaine d’années des « Amérindiens », ce qui était le cas dès les années 1890 dans les bureaux du Smithsonian Institute de Washington D.C. Départements consacrés aux [Amér] Indiens. En 1990, cette dénomination qui déferlait sur la France, tel un « celles et ceux » si obsessionnel qu’elle en devient le faux nez d’une lancinante anesthésie collective…, était déjà un signe avant-coureur, un marqueur sociétal qui commençait à fleurer bon le « wokisme », finalement déjà sous-jacent. Même si « le mot chien ne mord pas », certains termes détruisent le contenant, le dévitalisent. Exit donc l’identité indienne et surgissent des Amérindiens venus de nulle part sinon de la planète Obscurantisme, sans racines ni Histoire, de simples entités sur lesquelles des historiens-universitaires-chercheurs allergiques à la moindre identité se penchent comme d’autres sur des rats de laboratoires. Mais réécrire l’Histoire au filtre de leurs idéologies mortifères ne leur suffit pas ; il faut empêcher ceux qui ne pensent pas comme eux d’éditer, de travailler et de diffuser des ouvrages de qualité crédible en matière d’ethnologie, d’histoire, d’anthropologie, de littérature. On retrouve ici toujours les mêmes réseaux qui, grâce aux « journaux officiels », décrètent ce qui est bien et en parle et, en même temps, censure ce qui est mal… Vous imaginez un peu dans un bon Walsh, un bon Ford, un bon Anthony Man, un bon Delmer Daves et autres, entendre John Wayne ou James Stewart crier : « Attention v’là les Amérindiens » ou « Soyons prudents, on entre en territoire amérindien ! » ; et ces panneaux en bois – c’est la réalité historique – piqués dans le sol comme des messages d’alerte désespérés dans des coins perdus de l’Ouest américain durant les périodes les plus aiguës des guerres indiennes : « Warning Indian Fighters ! »
Après 20 années quasi-paradisiaques passées à la Télévision de 1968 à 1988, dès l’ouverture en 1988 à Paris de ma librairie consacrée aux Indiens des Amériques, je me suis vite rendu compte de ce que c’était d’avoir des ennemis acharnés. C’était proprement hallucinant. Très vite, je me suis vu critiqué de manière ouverte ou en sournois sous-entendus, par certains « clients » liés de près ou de loin aux instances universitaires, du professorat, de l’enseignement en général et qui bien souvent venaient uniquement pour me questionner sur ma légitimité d’avoir ouvert une telle librairie. Le discours était en gros : « les malheureux peuples indiens en lutte contre le méchant homme blanc, qui plus est américain » : stop ! Chasse gardée de la gauche moralo-politique. Pas touche aux « minorités opprimées » etc… Bref c’était vraiment du « mais qui êtes-vous pour avoir ouvert une telle librairie ? Qu’elle est votre légitimité ? Vous avez fait des études pour cela ? » Autrement dit, des études allant dans un sens convenu par cette déjà bien agressive et omniprésente « police-de-la-pensée » à genoux devant les piliers freudo-marxistes de l’université du moment. Entendre ça de la part d’individus qui jamais n’auront les livres « rares-piliers » des siècles passés que j’avais déjà acquis depuis des lustres, livres qu’ils ne trouvent pas ou dont ils ignorent l’existence…
Voir aussi : Autodafés au Canada, le wokisme fait détruire 5000 livres
Un nuage rouge qui dérange
Aujourd’hui, c’est encore autre chose, en pire… Les hostilités ont décuplé quand je me suis arrogé le droit de créer dans ma librairie la collection « Nuage rouge » exclusivement consacrée aux Indiens d’Amérique du Nord. Publiée aux éditions du Rocher, la collection compte à ce jour environ 150 titres dans les domaines de l’ethno-histoire, de l’anthropologie religieuse, sociale, de spiritualité, des romans historiques et de littérature indienne (Native Writers) dont, en 1993, celui de l’écrivain kiowa N. Scott Momaday La Maison de l’Aube (House Made of Dawn, prix Pulitzer 1969), édition française préfacée par Yves Berger alors directeur littéraire de chez Grasset et Président de l’Observatoire de la Langue française en 1996 – Berger, déjà depuis longtemps passionné par les Indiens et « La Vieille Amérique » et que j’avais rencontré en 1973 à la 2e chaîne de l’O.R.T.F. quand il était adjoint à la culture de Pierre Sabbagh. Pour être « complet », en 1972 l’autre bonne rencontre fut celle de René Marchand alors directeur-adjoint de la 1ère chaîne auprès de Jacqueline Baudrier pour la fiction. En 2002, j’ai été très heureux de faire publier son livre salutaire La France en danger d’Islam. Entre Jîhad et Reconquista, aux éditions l’Âge d’Homme du grand éditeur Vladimir Dimitrievitch.
Les titres publiés sous le sceau de la marque « Nuage rouge » sont, depuis l’année de sa création par mes soins dans ma librairie en 1991 – la collection a donc 30 ans cette année – comme un point de repère, une sécurité qui rassurent. Tous les genres littéraires édités sous son égide, sa signalétique, sont garants de qualité mais surtout de crédibilité et ce, aussi bien pour un lectorat populaire nombreux que pour un lectorat plus exigeant voire averti.
Elle est en France la collection pionnière sur l’Amérique indienne, avec les Éditions Le Mail qui, outre les fondamentaux sur les Indiens d’Amérique du Nord, publiait sur les civilisations d’Amérique du Sud, Centrale, des Indes, de l’Extrême-Orient et d’Océanie. Ma collection a été suivie en 1992 par une autre, similaire… qui, avec la puissance de frappe de la Maison qui l’abrite, a eu du mal à supporter que « Nuage rouge » ait eu l’outrecuidance, pour ne pas dire le culot d’exister avant et, qui plus est, plus de dix ans après l’onde de choc du film Danse-Avec-Les-Loups dont j’avais publié le livre dès 1991, d’avoir de phénoménaux succès en presse comme en librairie.
À suivre.
Olivier Delavault
www.nuagerouge.com
Olivier Delavault est l’auteur de nombreux livres, entre autres :
- Avec Guy Floriant, Jacques Brel. L’inaccessible étoile, éditions du Rocher, 2003
- Dictionnaire des chansons de Claude François, Durante Editeur, 2003 ; rééditions augmentées :
- Télémaque, 2008
- Guy Trédaniel, 2013, préface d’Alain Chamfort.
- Geronimo, Folio/Biographies, Gallimard 2007
- Jacques Brel, le dégoût essentiel, éditions Télémaque, 2015
- Claude François. L’intégrale des adaptations, Guy Trédaniel, 2018