C’est une histoire de reconversion. Xenia Fedorova, ancienne directrice de Russia Today France, semble avoir trouvé une nouvelle place au cœur de la galaxie de Vincent Bolloré, où la journaliste — qui se découvre également écrivain et militante — fait de la lutte pour la liberté d’expression son combat, qu’elle alimente sur X (ex-Twitter).
Décrite comme une « journaliste, propagandiste, agent d’influence » russe par le désormais gauchiste Wikipédia, Xenia Fedorova s’est formée en journalisme à l’université d’État de Moscou avant de rejoindre la chaîne Russia Today, plus précisément RT France en tant que productrice.
Dans le viseur des médias mainstream
La chaîne de télévision, largement critiquée, s’est vue interdite de diffusion dans le contexte de la guerre en Ukraine comme le relatait l’Observatoire du journalisme. Fermée en 2023 pour propagande, RT France était qualifiée d’« arme de guerre » par Libération.
Le quotidien s’est fait remarquer pour des prises de position fortes concernant la fermeture de RT France :
« Ayant pour mission assumée de relayer la vision russe de l’actualité, la chaîne n’avait plus rien à voir avec le journalisme, dont l’objectif, même pour la presse d’opinion, est de combattre la propagande. […] Cette machine a plus à voir avec l’industrie d’armement qu’avec celle de l’information. »
Mêmes échos chez Franceinfo, qui y lit une « propagande sans filtre du Kremlin », ou chez Franc-Tireur. « Formée au sein du Kremlin médiatique de son mentor Margarita Simonian (la big boss russe ultranationaliste de la maison mère RT), elle a orchestré l’expansion francophone du bras médiatique de Poutine […], elle compense par un sens affûté de la mise en scène et une équipe de fidèles, souvent russophones, rodés aux subtilités du story telling poutinien : nier le massacre de Boutcha, glorifier la milice Wagner, justifier l’invasion en Ukraine », lit-on entre les lignes du journal.
Les médias mainstream s’accordent donc sur une position : Xenia Fedorova, propagandiste aveugle, mérite son bannissement, jusqu’à la qualifier de « diable » dans Franc Tireur.
Lutte pour la liberté d’expression
De son côté, Xenia Fedorova assume la ligne éditoriale affirmée et revendiquée de RT France comme une « source alternative d’opinion, différente des médias mainstream français », luttant sans cesse pour la liberté d’expression comme le relève La Croix. « Il n’y a aucun exemple de propagande, parce que RT France n’a jamais diffusé de fausse nouvelle ou de propagande » : pour elle, la vision des médias français est largement erronée, rapporte Franceinfo dans l’émission Vrai ou Faux.
Contre vents et marées, les médias du groupe Bolloré ont fait le choix de soutenir Xenia Fedorova dans sa lutte pour la liberté d’expression et la défense de Russia Today. Reçue par Pascal Praud sur CNews, elle a réaffirmé ses positions, déplorant la fermeture de RT France mais confiante en son combat. La journaliste a fait paraître chez l’éditeur Fayard, autre maison du groupe Bolloré qui publiait le livre de Jordan Bardella il y a quelques mois, un témoignage sur son parcours et les embûches de RT France : Bannie.
Une désinformation organisée ?
L’auteur y « prend la parole pour révéler les vérités étouffées » et dénoncer « l’organisation de la désinformation en France. […] Face à une certaine presse devenue complice ou soumise aux diktats politiques, Xenia Fedorova décrit les manœuvres qui ont conduit à l’éradication d’une voix dissidente de l’information », nous conte l’éditeur, qui a profité du réseau plurisectoriel du groupe pour faire la promotion de sa nouvelle protégée.
StreetPress a couvert, à son tour, la parution de ce « bouquin sur la fermeture de Russia Today – “ma chaîne”, y écrit-elle – et “la liberté d’expression sous condition” ». Le journal en ligne attaque, lui aussi, « quelque chose de cynique et paradoxal dans le fait de défendre en surface la liberté d’expression tout en attaquant en sous-main en justice des chercheurs qui enquêtent sur RT. »
Soutien du groupe Bolloré
Pour la majorité des médias progressistes, c’est un aveu : « Pourquoi l’empire médiatique de Vincent Bolloré soutient désormais la Russie ? » se demande rhétoriquement 20 Minutes. La « nouvelle voix poutinophile de l’empire Bolloré » vient « nourrir encore un peu plus le confusionnisme ambiant » en reprenant « mot pour mot les arguments russes en matière de géopolitique » d’après Libération.
Xenia Fedorova salue, de son côté, l’ouverture d’esprit de CNews et d’Europe 1, où elle intervient régulièrement depuis début 2025 : « Ils n’ont pas peur d’avoir un point de vue différent de ce qu’on voit habituellement en France », partage-t-elle pour Challenges, qui rebaptise le groupe Bolloré « refuge des anciens journalistes de RT France ».
Elle s’est aussi exprimée à plusieurs reprises sur le JDD, tantôt en tant que journaliste pour s’ériger en faveur de la liberté d’expression la plus poussée, tantôt en tant que personnalité publique reçue pour présenter son ouvrage Bannie.
Merci à JDNews pour cet article dédié à la parution de mon livre Bannie, publié chez Fayard déjà disponible en librairie et sur Amazon ➡️ https://t.co/JDyYv797tn https://t.co/sgbyIZWNzB pic.twitter.com/Z6B5WGbtgP
— Xenia Fedorova (@xfedorova) March 8, 2025
Entre innombrables critiques à son encontre et soutien bienvenu du groupe Bolloré, Xenia Fedorova tente de se réinventer en tant que journaliste derrière son vaste combat pour la liberté d’expression, imposant une vision favorable à la Russie de Vladimir Poutine contre la plupart des médias.
Gérard Svansson-Taubier
Xenia Fedorova, Bannie, Liberté d’expression sous condition, Fayard, 2025, 21.90€