La seconde édition de Paris aime ses kiosques, qui s’est achevée le 18 mai dans les 20 arrondissements de la capitale, a certes eu pour mérite de mettre à l’honneur ces animateurs à part entière des quartiers que sont les marchands de journaux. Derrière les flonflons et les peoples (Yves Thréard, Éric Fottorino, Alix Girod de l’Ain, etc…) en visite commandée pour raconter leur amour du papier (qu’on leur sert en général gratuitement à la rédaction), l’opération ne doit pas pour autant être l’arbre qui cache la précarité de toute une filière. Au vu des chiffres, elle semble menacée dans son existence même.
Aurélie Filippetti, la ministre de la culture, a eu beau proclamer son optimisme face au kiosque du premier arrondissement (juste en face de ses bureaux de la rue de Valois), les faits sont implacables. La baisse des ventes de presse papier, ‑7% chaque année depuis 2009, est le moteur essentiel de la crise des marchands. Du coup, à Paris comme en régions, les kiosquiers indépendants gagnent en moyenne 1500 euros net par mois pour 65 à 70 heures de travail hebdomadaires. Le double de la durée légale pour un peu plus du SMIC : les vocations ne se bousculent pas. Les gérants de magasins de presse, Maisons de la presse, Mag presse ou Agora notamment, se rémunèrent un peu mieux, grâce à la vente d’autres produits à marges plus conséquentes.
Reste que vue la cherté des loyers, à chaque fin de bail commercial, les centres villes sont de plus en plus désertés par le commerce de la presse, qui se déplace aussi dans les rayons des grandes surfaces. Résultats : le réseau français de 27 000 points de vente s’appauvrit de 1000 points de vente chaque année. Est-ce à dire qu’il aura disparu d’ici un quart de siècle, à l’instar des disquaires ?
Paradoxalement, les kiosques se portent mieux que les magasins classiques. Depuis qu’ils sont gérés par la filiale de JC Decaux, Médiakiosk (et non plus par la messagerie ex NMPP), leur nombre est passé de 268 en 2005 à Paris, à 343 l’année dernière. Avec 780 unités au plan national, les kiosques gagnent une vingtaine d’implantations chaque année. Le prix à payer n’est pas neutre. Mediakiosk injecte annuellement deux millions d’euros sous forme de subventions pour soutenir ses adhérents. Les pouvoirs publics prennent quant à eux en charge depuis 2013, et jusqu’en 2015, 80% des frais d’informatisation des kiosques. Grâce à ces équipements, ils pourront à court terme vendre des produits dématérialisés, type billetterie et cartes téléphoniques. La mairie de Paris, elle-même, a donné 200 000 euros en 2013 aux kiosquiers pour amortir les grèves à répétition des imprimeurs et distributeurs de la Filpac CGT. Ces mouvements corporatistes avaient privés les marchands de leurs produits phares pendant plusieurs semaines. Autant d’appuis ponctuels qui ne peuvent compenser la seule mesure réelle, capable de sortir le métier de l’ornière : la hausse sensible de la commission de vente. Elle n’est que de 17% en moyenne sur le réseau. Un rapport du cabinet Post media finance, qui sera rendu public d’ici le 23 mai, préconise de la faire grimper aux alentours de 20%. Ce chiffre serait du même niveau que celui de l’Allemagne et du Royaume uni, où les marchands de journaux sont deux fois plus nombreux que dans l’Hexagone.
Crédit photos : april-mo et raph‑v via Flickr (cc)