Chaque jour apporte son lot d’indices de l’instauration d’un nouvel ordre moral de plus en plus intolérant et étriqué. Si le monde universitaire et les médias de grand chemin sont déjà « avancés » en la matière, les géants du net sont également bien placés. Un récent exemple sur YouTube vient de le démontrer.
Les années 1990 : l’illusion d’un espace de liberté sur Internet
Les plus anciens d’entre nous se souviennent avec une pointe de nostalgie du climat de liberté qui régnait sur la toile, le « world wide net », à la fin des années 1990, avec la possibilité pour chacun de s’exprimer sans censure tout en ayant une audience potentiellement considérable.
Depuis quelques années, des acteurs privés majeurs ont émergé sur le net : Facebook, Twitter, YouTube, etc. Leur popularité les a rendu incontournables, à tel point que ces médias jouent un rôle de quasi service public en matière de communication, mais sans en avoir l’encadrement juridique. L’expression sur ces sites est encadrée par des règles d’utilisation édictées en petit comité qui leur arrogent tous les droits, notamment celui de supprimer un contenu voire le compte d’un utilisateur sans justification.
Une bien curieuse politique de modération
Les exemples de censure ne manquent pas sur le réseau Facebook, Twitter, etc. L’Observatoire du journalisme en a fait les frais il y a peu avec la suspension momentanée de son compte Twitter, pour laquelle l’intervention d’un avocat a été nécessaire.
Très récemment, l’OJIM a consacré un article à la suspension de la chaine TV Libertés sur YouTube pour avoir diffusé une interview d’une généticienne et chercheuse à l’INSERM qui ne s’inscrit pas dans la doxa dominante concernant la lutte contre le coronavirus. Si certains avaient encore des doutes sur le rôle de maitre à penser qu’entendent jouer les géants du net, un nouvel exemple vient d’apporter de nouvelles preuves « à charge ».
« L’invasion de l’Europe, les chiffres du grand remplacement »
Jean-Yves Le Gallou, le président de la fondation Polémia, a écrit avec des contributeurs un essai paru en fin d’année 2020 intitulé « « L’invasion de l’Europe, les chiffres du grand remplacement ».
On peut ne pas souscrire au terme « grand remplacement » ou « invasion » pour qualifier l’immigration massive que subit le continent européen. Est-ce une raison suffisante pour avoir un a priori absolument négatif vis-à-vis d’un essai dont le contributeur majeur est un énarque et ancien haut fonctionnaire, qui a notamment publié en 2016 un livre sur l’immigration, « L’immigration, la catastrophe, que faire ? » qui fait référence dans les cercles non autorisés ? Qui plus est, tous les chiffres cités dans l’essai pour étayer les constats sont sourcés et datés. Peu importe, pour YouTube, la réponse est assurément oui, il faut se méfier voire se détourner de ceux qui emploient ce terme « complotiste », comme nous allons le voir.
Jean-Yves Le Gallou, l’interview sur TV Libertés
La chaine TV Libertés est un espace de liberté à côté de médias de grand chemin qui véhiculent trop souvent un prêt à penser étriqué. Les téléspectateurs ne s’y trompent pas : l’audience de la chaine a connu une progression importante ces derniers mois.
TV libertés a invité lors de l’émission « zoom » Jean-Yves Le Gallou le 1er février 2021 pour qu’il réponde à des questions sur l’essai de la fondation Polémia qui vient de sortir aux éditions Via Romana. Le 9 février, l’émission comptait sur YouTube plus de 46 000 vues, sans compter celles sur la chaine de la télévision alternative. Un beau succès, mais qui n’est pas du goût de la firme américaine. Très rapidement après la mise en ligne de la vidéo sur YouTube, un avertissement a été accolé, qui n’est autre qu’un extrait de l’article de Wikipédia sur le terme de Grand remplacement :
« Le grand remplacement est une théorie complotiste d’extrême droite, raciste et xénophobe selon laquelle il existe un processus, délibéré, de substitution de la population française et européenne par une population non européenne, originaire en premier lieu d’Afrique noire et du Maghreb. Ce changement de population impliquerait un changement de civilisation et ce processus serait soutenu par l’élite politique, intellectuelle et médiatique européenne, par idéologie ou par intérêt économique. »
En cliquant sur la rubrique « contexte » de l’avertissement, on en apprend un peu plus :
« Lorsque vous recherchez ou regardez des vidéos liées à des sujets susceptibles de faire l’objet de désinformation (les premiers pas de l’Homme sur la Lune, par exemple), un panneau d’informations peut apparaître en haut des résultats de recherche ou sous la vidéo que vous regardez.
Ces panneaux contiennent des informations contextuelles sur ces sujets, fournies par des partenaires tiers indépendants. Ils proposent également des liens vers les sites Web de ces partenaires pour que vous puissiez vous documenter davantage. »
Wikipédia, une encyclopédie universelle objective ?
Pour mieux comprendre la portée de cet avertissement, un petit détour par un article que l’Antipresse a consacré à Wikipédia s’impose, un article que l’OJIM a repris sur son site. A l’appui de nombreux éléments, l’Antipresse démontre que Wikipédia est loin d’être une encyclopédie neutre et exempte d’influences tant intérieures qu’extérieures. Tout ceci devrait donc amener à la plus grande prudence lors de la lecture et de l’utilisation des articles que Wikipédia met en ligne.
Telle n’est pas la conduite de nombreux médias sociaux et de plateformes vidéo américaines qui se réfèrent de plus en plus à Wikipédia pour recadrer ou réfuter les sujets « controversés ».
YouTube a donc suivi les mauvaises habitudes d’autres acteurs du marché, en apposant un « label » infamant en dessous de la vidéo consacrée à l’interview de Jean-Yves Le Gallou sur l’essai sur « L’invasion de l’Europe, les chiffres du grand remplacement ».
L’article de Wikipédia : un pamphlet engagé
La citation de Wikipédia que YouTube a affichée en guise de mise en garde contre la vidéo ne comporte aucune référence. L’accumulation de critiques toutes plus négatives les unes que les autres que contient l’article vise à inciter le lecteur moyen à passer son chemin : on risquerait en visionnant la vidéo de quitter le camp de la respectabilité et des idées « autorisées ». Pire, on se rendrait coupable de proximité avec des criminels.
En poursuivant la lecture de l’article de Wikipédia sur le concept de grand remplacement, on découvre les noms des contributeurs de l’article : des pseudos qui garantissent l’anonymat de leurs auteurs.
La lecture du paragraphe consacré aux « origines du concept » permet d’en savoir plus car cette fois, les sources sont citées. Les historiens et autres politologues convoqués pour nous expliquer le concept de grand remplacement sont notamment selon leur notice Wikipédia :
- Grégoire Kaufman, qui a consacré un ouvrage au FN et aux « vieux habits du populisme » ainsi qu’au discours de haine dans le nationalisme français,
- Patrick Weil, qui est selon sa notice Wikipédia « marqué à gauche, il s’engage à de multiples reprises en faveur des droits des immigré »,
- Nicolas Lebourg, qui est membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, proche du Parti socialiste.
En résumé des intellectuels de gauche dont certains ont des convictions en faveur de l’immigration bien assumées.
Le grand remplacement : l’indignité par association
Le lecteur de l’essai de Renaud Camus « Le grand remplacement » (mais y en a‑t-il parmi ses féroces critiques ?) peut bien chercher : il ne contient nulle trace de racisme ou d’appel à la violence. Mais les auteurs de la notice de Wikipédia sur le grand remplacement utilisent un moyen certes assez galvaudé mais toujours efficace : la disqualification par association.
« Les auteurs des attentats de Christchurch, d’El Paso et de Poway en 2019 étaient des adeptes de cette théorie qui a été dénoncée comme potentiellement meurtrière. »
Les belles âmes sont par contre unanimes pour éviter tout amalgame quand un terroriste commet un assassinat au nom de l’islam, un fléau qui dans l’échelle des morts du terrorisme, est de très loin le plus important numériquement, comme le démontre un récent rapport de la fondation d’analyse politique.
L’intérêt de cette affaire est de nous apprendre sur quoi peut se baser YouTube pour apposer un label infamant sous une vidéo de présentation d’un phénomène qu’il faut passer sous silence,: des arguments militants, à mille lieues de l’objectivité revendiquée.
On aura compris que tout ce petit monde, Wikipédia, YouTube et des universitaires de gauche, grenouille dans le même bain idéologique, le camp du bien, et que tous les moyens sont bons pour disqualifier l’adversaire. Au grand désespoir de YouTube, en dépit de son avertissement glané à la hâte sur internet, le nombre de téléspectateurs de la vidéo « susceptible de faire l’objet de désinformation » continue d’augmenter.